Jean‐Luc Moudenc explose son record de dons pendant les municipales 2020

En 2020, le maire de Toulouse a récolté plus de 300 000 euros de dons pendant sa campagne municipale. Un nouveau record qu'il doit essentiellement à une poignée de bienfaiteurs particulièrement généreux.

Dons Moudenc 2020
En 2020, Jean-Luc Moudenc a recueilli un montant record de dons pour financer sa campagne électorale. / Illustration : Jean-Paul Van Der Elst

En politique, le plus difficile n’est jamais de dépenser pour faire vivre une campagne électorale mais de la financer. À Toulouse, Jean‐Luc Moudenc fait mentir l’adage tant il est passé maître dans la récolte de dons auprès de soutiens fortunés. 

Lors de la campagne municipale 2019–2020, le maire sortant a déclaré 716 000 euros de recettes. C’est plus que les 652 000 euros qu’il était en droit de dépenser. Moins de la moitié a été empruntée aux candidats de sa liste Aimer Toulouse, qui ont presque tous versé entre 1 000 et 4 800 euros. Plutôt qu’emprunter aux banques, le candidat a préféré emprunter à ses colistiers. Après un premier tour de table, ceux‐ci ont été remis à contribution en juin pour 54 000 euros supplémentaires. Une somme permettant de couvrir presque totalement l’augmentation de 20 % du plafond des montants remboursables par l’État, décidée en raison de la crise sanitaire. En cumul, les colistiers ont versé 310 000 euros, avant d’être remboursés une fois la campagne terminée.

51 très généreux donateurs

Le reste des recettes provient pour près de 100 000 euros du micro parti « Pour Toulouse » et, surtout, des dons auxquels Jean‐Luc Moudenc a – comme en 2014 – fait massivement appel. Le total des dons s’élève à 306 711 euros répartis 896 donateurs. Par comparaison, Jean‐Luc Moudenc avait réuni 235 557 euros de dons lors des municipales de 2014 accordés par 1 800 personnes. Si on remonte dans le temps, la liste Moudenc n’avait réuni que 71 545 euros de dons en 2008. La mécanique s’est considérablement industrialisée depuis lors.

Comme en 2014, les gros dons représentent l’essentiel des montants collectés. Les 20 plus gros donateurs (entre 4 000 et 4 600 euros, soit le montant maximum autorisé ont contribué pour 90 400 euros. C’est plus que les 784 petits donateurs (moins de 1 000 euros), dont la contribution totalise 82 700 euros. Les chiffres sont encore plus concentrés qu’en 2014 ! À l’époque, 57 donateurs avaient contribué à hauteur de 114 830 euros, soit 48,7 % des sommes récoltées. L’an dernier, les 51 plus généreux donateurs (entre 3 000 et 4 600 euros) ont versé 166 950 euros, soit 54 % des dons à la liste de Jean‐Luc Moudenc.

Microparti et machine à dons

Recevoir 306 711 euros de dons pour un candidat est déjà très élevé. Mais il convient d’ajouter à ce montant les dons transitant année après année par « Pour Toulouse », le microparti de Jean‐Luc Moudenc. En 2019 (les comptes 2020 ne sont pas disponibles), celui‐ci a reçu 477 690 euros de dons et 50 838 euros de cotisations d’élus. C’est plus que le Parti socialiste ou La France insoumise qui, au niveau national, n’ont reçu respectivement que 441 000 euros et 461 000 euros de dons cette année‐là.

La liste des donateurs de « Pour Toulouse » n’est pas connue, mais il y a peu de raison de penser que leurs profils diffèrent de celui des généreux bienfaiteurs de la campagne. Si les plafonds de don ne sont pas les mêmes (7 500 pour un parti et 4 600 pour une campagne), rien n’empêche en effet de donner aux deux. Fin 2019, « Pour Toulouse » disposait de 334 367 euros sur son compte bancaire. Un confortable trésor de guerre dans la perspective de l’élection qui allait suivre.    

Encadrer les dons ?

L’équipe de campagne de Jean‐Luc Moudenc assume sans problème sa politique très active de recherche de donateurs. « C’est un travail constant de relations et d’implication avec les militants et soutiens de notre action, mené depuis toujours […], explique Pierre Espluglas‐Labatut, porte‐parole de Jean‐Luc Moudenc pendant la campagne et adjoint au maire. Toute notre équipe a été mobilisée pour trouver des donateurs. C’est ce réseau de soutien, de militantisme qui nous est fidèle, qui est le premier vecteur de financement. En outre, les colistiers, dès lors que l’équipe a été constituée, dès décembre 2019, ont été sensibilisés à rechercher des dons. Une partie non négligeable des dons émane d’ailleurs des conjoints ou familiers de colistiers. » (voir la réponse intégrale en fin d’article).

« Nous n’avons pas d’autres liens avec eux que ceux que nous avons avec tout autre militant »

Le recours massif aux dons, leur importance dans le financement de la campagne de Jean‐Luc Moudenc et la place prépondérante d’une poignée de bienfaiteurs interrogent sur l’influence éventuelle de ces derniers. D’après l’équipe du maire, les donateurs ne bénéficient d’aucun avantage. « Concernant ces donateurs, nous n’avons pas d’autres liens avec eux que ceux que nous avons avec tout autre militant […], assure Pierre Espluglas‐Labatut. Nous n’avons jamais imité certaines formations politiques qui ont créé des « cercles de donateurs » ni initié des rencontres spécifiques ou régulières entre les donateurs et le maire ou d’autres élus. » Donner à un mouvement ou une liste ne donne évidemment aucun droit. Mais il marque une proximité et permet de créer ou d’entretenir un lien.

Les dons aux partis, comme aux campagnes, peuvent être défiscalisés à hauteur de 66 %. Comme l’a montré la chercheuse Julia Cagé, ce sont surtout les plus riches qui donnent et qui profitent au passage de ces avantages fiscaux. Les 10 % des Français aux revenus les plus faibles donnent en moyenne 10 centimes par an aux partis politiques, quand les 0,01 % des Français les plus riches donnent 370 euros. « L’État dépense chaque année plusieurs milliers d’euros par contribuable pour aider à l’expression des préférences politiques des très riches ; quelques euros seulement, quand ce n’est pas rien, pour les préférences politiques de la très grande majorité des citoyens », explique cette dernière.

Julia Cagé : « Les donateurs bénéficient davantage de l’écoute des candidats »

Plusieurs voix, parmi lesquelles Julia Cagé, demandent la levée de l’anonymat des gros donateurs. Cette mesure figurait aussi dans le Manifeste de Mediacités pour une démocratie locale réelle. D’autres proposent de limiter l’avantage fiscal des dons à un certain montant. Pour l’instant, ces différents projets sont restés lettre morte.

La campagne la plus chère de France

En 2014, Jean‐Luc Moudenc se situait déjà à la première place du podium des dépenses pour une élection municipale avec 459 000 euros. La deuxième liste la plus chère était celle de son concurrent – alors – socialiste Pierre Cohen (404 000 euros). En 2020, ce record de dépenses a explosé à 597 438 euros. Le maire de Toulouse a pleinement profité de la rallonge de 20 % prévue compte tenu de la crise sanitaire et d’un entre‐deux tours de trois mois. 
S’il n’est pas surprenant de voir Toulouse parmi les plus gros comptes de campagne compte tenu de sa population élevée, le montant par habitant est très important pour une métropole. A noter que Paris, Lyon et Marseille étant divisées en arrondissements, chaque liste d’arrondissement dispose de son propre compte de campagne. 
Du côté d’Archipel citoyen, 360 000 euros ont été dépensés. L’essentiel (221 000 euros) l’a été par un prêt bancaire ou auprès de partis politiques qui soutenaient la liste (66 000 euros). A cela s’ajoutent 66 523 euros de dons et 12 000 euros d’emprunt aux personnes physiques. Nadia Pellefigue, elle, a dépensé 282 000 euros pour la campagne. Cette somme se répartit entre près de 64 000 euros de dons, 40 200 euros versés par ses colistiers, 131 600 euros empruntés aux banques et 61 400 pris en charge par des formations politiques (PCF et PS).

 

Lire l’intégralité de la réponse de Pierre Esplugas‐Labatut.

Voici la réponse intégrale que nous a communiquée par Pierre Esplugas‐Labatut, pour l’équipe de campagne : « Le fait que la moitié des dépenses soit financée par des donateurs s’explique par plusieurs raisons : d’une part, parce que c’est l’esprit de la loi qui plafonne le remboursement des apports des candidats à 47,5%, ce qui entraîne nécessairement la mobilisation pour le solde du compte de campagne, soit 52,5% de dons versés par des particuliers bénéficiant d’une réduction fiscale. D’autre part, si nous parvenons à mobiliser de manière importante des dons, cela s’explique par le travail constant de relations et d’implication avec les militants et soutiens de notre action, mené depuis toujours.

C’est depuis 2008 que Jean‐Luc Moudenc et ses équipes ont construit cette force, en veillant scrupuleusement à la faire vivre en permanence depuis. Cette méthode tranche avec celle de la plupart des élus qui, une fois l’élection passée, vivent le mandat en oubliant d’associer et de partager avec leurs soutiens. Au contraire, dès 2014, nous avons toujours mené et entretenu régulièrement ce travail de mobilisation qui nous a permis, lors des élections, de mobiliser de très nombreux militants, par exemple pour la distribution de notre annonce de candidature en septembre 2019. Nous l’avons réalisée en un week‐end sur l’ensemble de la ville et sans recours à un prestataire commercial. Cette force militante, sans doute la plus importante de toutes les listes en présence lors du dernier scrutin, se concrétise non seulement par des militants qui nous aident sur le terrain, mais également sur le plan financier.

De nombreux habitants et acteurs économiques ont pris conscience que la vie économique de Toulouse serait mise à l’arrêt avec l’arrivée des écolos‐insoumis à la tête de la ville et se sont donc fortement mobilisés pour soutenir notre campagne dès l’année 2019. Toute notre équipe a ainsi été mobilisée pour trouver des donateurs. C’est ce réseau de soutien, de militantisme qui nous est fidèle, qui est le premier vecteur de financement.

En outre, les colistiers, dès lors que l’équipe a été constituée, dès décembre 2019, ont été sensibilisés à rechercher des dons. Une partie non négligeable des dons émane d’ailleurs des conjoints ou familiers de colistiers ; ils ont pu consentir des dons importants grâce à la réduction fiscale de 66%, qui réduit d’autant l’effort financier réel du donateur.

Sur chacun de nos nombreux documents de campagne était mentionnée la possibilité de faire des dons, ce qui explique encore le fait que nous en ayons reçu en conséquence.

Concernant ces donateurs, nous n’avons pas d’autres liens avec eux que ceux que nous avons avec tout autre militant, c’est‐à‐dire que nous les invitons à toute manifestation politique, de remerciement ou festive (du type galette des Rois ou pot de l’amitié) qu’anime Pour Toulouse, et ils reçoivent nos mails d’information une à deux fois par semaine, adressés à l’ensemble de notre fichier de soutien.

Ainsi, nous n’avons jamais imité certaines formations politiques qui ont créé des « cercles de donateurs », ni initié des rencontres spécifiques ou régulières entre les donateurs et le maire ou d’autres élus. Considérés comme des militants comme les autres, jamais nous n’avons donc voulu de traitement particulier ou privilégié les concernant. »

 

Répondre à arlette Annuler la réponse

Publié le

Modifié le

Temps de lecture : 7 minutes

Favorite

Par Pierre Januel