Monopoly, solitaire… A quoi joue Xavier Bertrand ?

Il se tient soigneusement à l'écart des débats nationaux, s'est entouré de surprenants alliés, s'est accordé une augmentation conséquente... Mediacités a passé au crible la méthode Xavier Bertrand, président de Région expert dans l'art du contre-pied.

Xavier Bertrand
Joue-t-il au Monopoly ou au solitaire? Xavier Bertrand s'est accordé une augmentation conséquente, et on le dit peu entouré... © Sarah Alcalay / Sipa

Au monopoly ?
Ce fut l’une des rares erreurs du vainqueur du 13 décembre 2015. Pour compenser la perte de revenu liée à sa démission des postes de maire de Saint‐Quentin et de député de l’Aisne, Xavier Bertrand s’est accordé une augmentation de 4 000 euros sur son traitement de président de l’agglomération axonaise. Le procédé n’a guère ému le monde politique mais il a un peu écorné son image de chevalier blanc dans l’opinion publique.

Au solitaire ?
Les talents d’animateur et la force d’entraînement manifestés par l’homme durant la campagne des régionales ont pu laisser croire qu’il était très entouré. C’était oublier la position de retrait que Xavier Bertrand avait prise par rapport à sa formation politique. Il n’a pas sollicité l’appareil du parti Les Républicains comme d’autres candidats à la présidence de Région. Une fois victorieux, il a mis quelque temps à stabiliser son équipe opérationnelle. Pendant six mois, Gérald Darmanin a rempli les fonctions de directeur de cabinet « fantôme »… « Qu’il s’agisse des élus ou des collaborateurs, le noyau dur est mince, commente un cadre de la collectivité. Le président est un peu seul. »

À la ferme ?
C’est une énigme : pourquoi le candidat Bertrand a‑t‐il fait une telle place sur sa liste aux représentants de Chasse Pêche Nature et Traditions ? Pourquoi les avoir assurés de piloter la politique environnement du Conseil régional, sans poser de limites à leurs velléités de revanche ? Pourquoi risquer d’encourir les foudres des ménages sensibles aux enjeux de maîtrise de l’énergie, de lutte contre le changement climatique, de préservation de la faune et de la flore ? « Les chasseurs et les pêcheurs sont les vrais connaisseurs et défenseurs de la nature », répond systématiquement le président. Un peu convenu comme propos. Rien qui suffise à expliquer pourquoi, dans un contexte institutionnel difficile, il s’encombre de ces alliés très particuliers.

Risquons deux hypothèses :
1/ Ce que Xavier Bertrand va chercher à CPNT n’est pas tant une expertise environnementale qu’une incarnation de la ruralité, un enracinement dans la glaise propre à contrer l’impérialisme des villes nordistes. En enfilant la cartouchière, il s’ancre dans la Picardie profonde et la rassure.
2/ En accueillant dans son giron des élus aux opinions souvent radicales, le chef de la majorité coupe quelques brins d’herbe sous les pieds de son opposition. Que peut reprocher le Front national à Guy Harlé D’Ophove, président CPNT de la commission environnement de la Région ? Il a porté les couleurs lepénistes, de 1986 à 1988, comme vice‐président du conseil régional de Picardie, auprès de Charles Baur…

À la guerre ?
Le Front National a transformé l’assemblée régionale en arène bouillonnante où les questions de forme prennent souvent le pas sur les débats de fond. Pas facile pour le président, en séance plénière, de concilier autorité, respect de l’expression contradictoire et… épuisement de l’ordre du jour. La marge de manœuvre de Xavier Bertrand est étroite. Mais est‐ce vraiment un handicap ? N’a‐t‐il pas quelque intérêt à cette dramatisation des échanges ? Qu’il réponde par le calme ou par la colère à ses « adversaires », son image d’ultime rempart au Front national se trouve confortée…

À « je te tiens, tu me tiens »…
C’est un couple qui suscite beaucoup de commentaires. Pas celui que Xavier Bertrand forme avec une conseillère municipale de Saint‐Amand‐les‐Eaux (celui‐là reste à l’écart de la vie publique), mais son duo avec Gérald Darmanin, maire de Tourcoing et vice‐président régional aux transports. Les deux hommes ont un égal dynamisme. Leur association leur permet de tenir les deux bouts de la région, du Nord à l’Aisne. Mais ont‐ils un projet commun ? Sont‐ils ensemble pour mieux se surveiller ? Gérald Darmanin ne veut rien entendre de tel : « J’ai dirigé la campagne de Xavier Bertrand, j’ai été associé à la composition de sa liste et à celle de l’exécutif. C’est un ami de dix ans et je lui serai éternellement fidèle ». Lors de la primaire à droite, le Tourquennois s’est pourtant rangé au côté de Nicolas Sarkozy… qui méprise l’ancien maire de Saint‐Quentin. « Mais si Xavier Bertrand avait été candidat, je l’aurais soutenu », assure Gérald Darmanin.

À « On dirait que je serais… »
C’était une rumeur. Elle a grossi quand il est apparu que Xavier Bertrand ne soutiendrait aucun des candidats à la primaire de la droite. Et si le président des Hauts‐de‐France se préparait à devenir premier ministre ? L’intéressé a plusieurs fois laissé entendre qu’un maroquin ne l’intéressait pas mais il n’a pas parlé de la conduite du gouvernement… Pour Gérald Darmanin, la rumeur est une hypothèse crédible : « On ne peut pas refuser de servir son pays. Je trouverais même décevant, si la proposition du poste lui était faite, qu’il la décline. Certains leviers, parmi les plus importants, concernant l’économie, la formation, la santé, se trouvent au niveau national. J’ai dit à Xavier Bertrand que l’on pouvait rester fidèle à sa région et travailler pour elle en tant que chef de gouvernement, à l’exemple de Pierre Mauroy ». Et alors ? « Alors, il ne m’a pas répondu. »

 

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Par Bertrand Verfaillie