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««  »La contribution nette que nous versons à l’Union européenne à été augmentée de 50 % sous le mandat d’Emmanuel Macron »

Faux

La candidate RN laisse entendre qu’Emmanuel Macron est responsable d’une forte hausse de la contribution française nette à l’Union européenne. Elle veut baisser celle‐ci de 5 milliards d’euros si elle est élue. Mais cette contribution est indépendante des chefs d’Etat tandis que la possibilité d’obtenir rapidement un rabais apparaît impossible.

  • Malgré différents modes de calcul, le chiffre d’une hausse de 50 % de la contribution européenne nette de la France sous Macron n’a pu être vérifié.
  • Le président français a peu de prise sur cette contribution décidée par les 27 pays membres de l’UE et programmée à l’avance sur une période de sept ans.
  • La seule comparaison pertinente est celle de la contribution moyenne nette entre deux budgets européens, et non entre deux quinquennats français.
  • Mais cette contribution ne rend pas compte de toutes les retombées de l’appartenance à l’UE.
  • La volonté de Marine Le Pen de réduire la contribution de la France de 5 milliards d’euros se heurterait au budget européen déjà voté sur 2021–2027.

Lors de la campagne de 2017, Marine Le Pen souhaitait sortir de l’Union européenne. Elle ne le propose plus aujourd’hui mais entend contester toute une série de règles de l’UE ainsi que le coût de la participation européenne, jugé trop élevé, pour la France.

« Nous versons de l’argent à l’Union européenne et elle nous en rend. Mais elle nous en rend beaucoup moins que ce que nous versons », a‑t‐elle dénoncé sur France Bleu le 18 avril. Et d’ajouter : « La contribution nette que nous versons à l’Union européenne à été augmentée de 50 % sous le mandat d’Emmanuel Macron. Donc d’un côté, on dit aux Français : “Faites des efforts, serrez‐vous la ceinture” ; et, de l’autre, on laisse dériver, déraper cette contribution nette. »

La candidate du RN promet donc, dans son programme, de réduire celle‐ci de 5 milliards d’euros. « La contribution nette est votée chaque année par les députés. Si les députés votent contre, l’Union européenne se soumet à la volonté du peuple », affirme‐t‐elle.

Mais le chiffrage de la contribution de Marine Le Pen est‐il le bon ? Et pourrait‐elle le réduire de façon aussi simple ?

Hausse de la contribution nette française : les pièges du calcul

Comme tous les États membres, la France verse chaque année une contribution au budget de l’Union européenne, soit 25,3 milliards d’euros en 2020. Elle provient en grande partie d’un versement proportionnel au revenu national brut, un indicateur qui mesure la richesse du pays, auquel s’ajoute une fraction des recettes de TVA et des droits de douanes.

En retour, l’Union européenne verse des subventions à la France dans le cadre de programmes comme la Politique agricole commune. Montant perçu en 2020 : 15,84 milliards d’euros.

La France fait donc partie des contributeurs nets, c’est‐à‐dire, des pays qui dépensent plus qu’ils ne reçoivent. En 2020, le solde net a atteint 9,4 milliards d’euros, selon le projet de loi de finance 2022. Aucune évaluation du solde net n’étant encore disponible pour l’année 2021, nous avons donc calculé une évolution sur les trois premières années pleines du mandat du président sortant.

Comparé au solde net de 4,3 milliards d’euros enregistré en 2017, année de l’élection d’Emmanuel Macron, on obtient ainsi une hausse de 115 %. Soit plus du double du chiffre avancé par la candidate RN !

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Réalisation : WeDoData 

Nous avons tenté de savoir d’où Marine Le Pen avait pu tirer son chiffre de 50 % en le soumettant à trois spécialistes des financements européens. Aucun d’entre eux n’a pu nous apporter de réponse. Deux porte‐paroles de la candidate ont aussi été contactés. Le premier, Jean‐Lin Lacapelle, n’a pas répondu à notre sollicitation. Le second, Philippe Ballard a reconnu « ne pas avoir écouté » l’intervention de Marine Le Pen sur France Bleu et n’a donc pas pu nous aiguiller.

Toujours est‐il que, sur le fond, ce type de comparaison d’une année à l’autre n’a pas de sens, selon le spécialiste des finances européennes Nicolas Jean Brehon. « En choisissant les années on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres, affirme‐t‐il. Si je veux manipuler, je peux très bien dire que la contribution nette a baissé ou augmenté. Par exemple, s’agissant de la contribution nette française, elle a augmenté entre 2015 et 2018 mais elle a baissé entre 2016 et 2018. La seule chose qui est incontestable, c’est la contribution nette moyenne sur une période qui fait sens. »

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Réalisation : WeDoData

De la difficulté de comparer les présidents

Or, essayer de comparer les contributions d’un quinquennat à l’autre, comme le fait Marine Le Pen, n’est pas très pertinent. « Les présidents ne décident pas tout seuls du budget européen, c’est un vote à l’unanimité des 27 pays membres de l’UE », explique Eulalia Rubio, spécialiste des financements européens à l’institut Jacques Delors.

De plus, elles sont votées dans le cadre d’un budget prévisionnel sur sept ans – le cadre financier pluriannuel (CFP) – qui ne coïncide pas avec les mandats présidentiels français. Ainsi, le CFP 2014–2020 enjambe‐t‐il les quinquennats de François Hollande (2012–2017) et d’Emmanuel Macron (2017–2022), ce dernier correspondant lui‐même au début du nouveau cadre pluriannuel (2021–2027). Difficile, donc, d’imputer au seul président Macron les variations de la contribution française observées au cours de son mandat.

Entre 2014 et 2020, la contribution nette moyenne de la France atteint 7,3 milliards d’euros. Elle devrait augmenter pour arriver, selon les prévisions de la Cour des comptes, à 11,5 milliards d’euros en moyenne sur la période 2021–2027. Mais là encore, Emmanuel Macron peut plaider non coupable. La responsabilité principale incombant plutôt au Brexit. Pour compenser la perte de la contribution globale du Royaume‐Uni sans amputer le budget général de l’UE, les Etats membres se sont en effet mis d’accord pour combler le manque à gagner.

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Réalisation : WeDoData

Dans ces négociations, la marge de manœuvre d’Emmanuel Macron – comme celle de ses collègues -, est, en fait, très limitée. « La contribution française est indépendante des chefs d’État, c’est une proportion de la richesse créée. C’est un petit peu comme un impôt proportionnel », complète l’économiste Amélie Barbier‐Gauchard, spécialiste de politique budgétaire et intégration européenne à l’Université de Strasbourg.

Résultat, les discussions ne visent souvent qu’à changer à la marge, ce que chaque État reçoit ou donne. Mais elles sont également parfois l’occasion à certains de demander des rabais quand ils s’estiment lésés par une redistribution du budget européen jugée trop faible par rapport à leur contribution. L’exemple le plus célèbre étant celui de la première ministre britannique Margaret Thatcher qui voulait qu’on lui « rende son argent ».

Les limites d’une stricte approche comptable

La France, pour sa part, s’y est toujours refusée. Mais ni par générosité, ni par naïveté. « La différence avec des États qui ont négocié des rabais comme les Pays‐Bas ou la Suède, explique Eulalia Rubio, c’est qu’ils ne sont pas de gros bénéficiaires des politiques européennes au contraire de la France qui reçoit beaucoup pour la PAC. » De fait, la France est la première destinataire de la politique agricole commune avec 18 % de l’enveloppe sur la période 2021–2027.

Reste enfin que la contribution nette ne suffit pas à résumer les bénéfices ou les pertes de la France liée à son adhésion à l’Union européenne. Laisser entendre, comme le fait Marine Le Pen, que la France paie pour les autres sans y trouver son compte n’est pas conforme à la réalité.

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Réalisation : WeDoData

«  Ce qu’on oublie dans cette discussion, c’est que l’appartenance à l’UE va au‐delà de la contribution nette, souligne Amélie Barbier‐Gauchard. Celle‐ci passe sous silence tous les avantages de l’intégration à un marché commun, où les capitaux circulent librement et où il y a une monnaie unique, par exemple. Tout cela génère des bénéfices supplémentaires. »

« Combien d’attentats ont été évités grâce à la coopération européenne ? Comment mesurer la croissance des entreprises grâce à leur ouverture sur le marché européen », interroge, de son côté, l’économiste spécialisé dans les questions internationales, Eric Dor, dans un article du Monde.

Par ailleurs, cette contribution nette n’intègre pas le plan de relance européen de 750 milliards d’euros qui contribue directement au financement des plan de relance nationaux, lancés en réponse à la crise du Covid. Que ce soit via des emprunts auprès de l’UE mais aussi grace à des subventions directes. « Ces ressources ne coûtent rien à la France », assure Amélie Barbier‐Gauchard. Et pour des montants qui compensent la contribution nette. La France touchera environ 45,8 milliards d’euros d’ici à 2027, selon l’annexe au projet de loi de finances françaises de 2021.

« On ne peut évidemment pas juger l’adhésion à l’Union européenne sur le seul critère comptable mais celui‐ci est tout de même incontournable. En réalité, même si c’est critiquable car ça ne correspond pas à la grande idée de solidarité de l’UE, tous les États font ce calcul », affirme Nicolas‐Jean Brehon.

Un rabais de 5 milliards est‐il possible ?

Si les négociations sur le niveau de la contribution nette sont courantes, Marine Le Pen compte toutefois pousser très loin de bouchon. Elle prétend en effet réclamer un rabais immédiat de 5 milliards d’euros pour contribuer au financement de son programme alors que le montant contribution française est déjà fixée jusqu’en 2027. Suffirait‐il à l’Assemblée nationale de refuser de voter la contribution annuelle pour imposer cette renégociation, comme elle l’affirme ? Rien n’est moins sûr.

« Elle est votée chaque année mais il n’y a aucun choix, c’est une ressource contrainte à laquelle s’est engagée la France dans les traités européens », explique Nicolas‐Jean Brehon. En cas de blocage à l’Assemblée nationale, il est donc certain que la Commission européenne engagerait alors une procédure d’infraction à l’encontre de la France. Celle‐ci s’exposerait donc à des sanctions financières.

Quant à arracher un rabais pour le prochain budget pluriannuel, qui commencera en 2028, cela s’annonce aussi comme une mission quasi impossible. « Il ne faut pas oublier qu’un rabais doit être payé par les autres pour compenser », prévient Amélie Barbier‐Gauchard. Alors qu’elle promet de faire la guerre à l’UE sur plusieurs fronts, Marine Le Pen risque d’avoir du mal à convaincre les 26 autres Etats membres de lui faire un tel cadeau.

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