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««  »MaPrimeRénov, ça marche très bien. Nous avons réussi en 2021 à financer 650 000 logements »

Exact mais insuffisant

Le président‐candidat vante le succès du principal dispositif public d’aide à la rénovation énergétique des logements. Mais derrière le chiffre massif des travaux réalisés en 2021 se cache une réalité beaucoup moins reluisante. 

En résumé :

  • MaPrimeRénov a subventionné des travaux d’amélioration thermique dans plus de 644 000 logements en 2021.
  • Elle a atteint son objectif qui était de « massifier » le nombre des rénovations.
  • Mais elle finance essentiellement des améliorations ponctuelles qui ne s’attaquent pas à tous les problèmes énergétiques d’un logement.
  • Les rénovations globales, les seules vraiment efficaces, représentent moins de 8 % des travaux aidés en 2021.
  • Elles sont encore trop peu nombreuses pour espérer atteindre l’objectif climatique de la neutralité carbone des bâtiments en 2050.

Lors de la campagne 2017, Emmanuel Macron avait fait de la lutte contre la précarité énergétique une de ses priorités. Il promettait « la rénovation de la moitié des logements passoires des propriétaires les plus modestes dès 2022 ». Cinq ans plus tard, le constat est là : le fonds public de 4 milliards d’euros censé financer les travaux n’a jamais vu le jour. L’objectif n’a pas été tenu.

Le président‐candidat à sa réélection l’a reconnu le 17 mars 2022 lors de la présentation de son programme à Aubervilliers. Sur « la rénovation thermique des bâtiments, le début du quinquennat n’a pas été marqué par des résultats », a‑t‐il admis. Mais c’était pour mieux se féliciter d’avoir trouvé la bonne formule. « On a changé la logique. Nous avons simplifié le modèle. Nous avons réussi en 2021 à financer la rénovation de 650 000 logements », a‑t‐il affirmé.

Preuve de sa confiance : il veut reconduire, en l’accélérant légèrement, la même politique. « L’objectif que je fixe pour les 5 ans à venir, c’est de rénover au moins 700 000 logements par an, a‑t‐il ajouté. Nous avons adapté le dispositif. Il est simple, il est connu de nos compatriotes. Il permet de réduire le reste à charge, il est incitatif et il permet d’avoir une stratégie robuste avec l’objectif que je viens de fixer. »

« MaPrimeRénov’, ça marche très bien ! », affirmait encore Emmanuel Macron Le 7 mars, lors de son premier déplacement de campagne à Poissy. Mais est‐elle vraiment le Graal de la rénovation énergétique ? Réponse en trois actes.

Un succès quantitatif indéniable

« MaPrimeRénov’ a été créée par la loi de finance 2020 pour massifier le nombre de logements bénéficiant de travaux de rénovation énergétique », rappelle la Cour des Comptes dans un « audit flash » publié en septembre dernier. Le dispositif permet à tout propriétaire de logement de bénéficier d’une aide directe qui varie suivant le montant des travaux (dans la limite de 20 000 euros) et les revenus du demandeur.

« Son déploiement peut‐être considéré comme réussi », estime la Cour. Le nombre de primes accordées a en effet littéralement explosé, passant de 141 000 en 2020 à 644 073 en 2021, selon l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Ce bilan officiel confirme donc le chiffrage d’Emmanuel Macron. Il dépasse même en apparence l’objectif de 500 000 rénovations fixé pour l’année dernière.

Succes Prime
Réalisation WeDoData

Un tel boom s’explique notamment par l’extension de son accès à tous les ménages, sans conditions de ressources, alors qu’il était réservé à son lancement aux foyers les plus modestes. Les propriétaires‐bailleurs y sont également désormais éligibles. Le fait que MaPrimeRénov soit une subvention payée rapidement à l’issue des travaux et non un crédit d’impôt, comme le dispositif CITE qu’elle a remplacé, explique aussi sa plus grande attractivité.

Ce succès indéniable a toutefois un revers. « Il s’est réalisé au prix d’un levée des exigences qualitatives relatives aux gains énergétiques et en renonçant au ciblage social des bénéficiaires », estime la Cour des comptes dès l’automne.

Concernant ce dernier point, la crainte des magistrats doit être relativisée. Selon l’Anah, en effet, 63 % des primes attribuées en 2021 l’ont été à des ménages modestes ou très modestes. En revanche, tout critère de réduction de la consommation énergétique a bel et bien disparu des conditions d’attribution. La multiplication spectaculaire des opérations par 4,5 est‐elle réellement efficace ?

Des doutes sur la qualité de ces rénovations

« Si l’objectif de massification est très perceptible, la vérification de la qualité et de l’efficacité des travaux en matière de lutte contre les passoires thermiques et la précarité énergétique n’est pas assurée », alerte encore la Cour des Comptes.

De fait, les rénovations financées par MaPrimeRénov’ sont essentiellement des « gestes » uniques : le remplacement d’une chaudière, à 70 %, l’amélioration de l’isolation, à 26 %, la mise en place d’une ventilation, à 3 %. Or de l’avis de tous les spécialistes, changer de système de chauffage sans intervenir sur les déperditions liées à la structure du logement réduit considérablement le potentiel d’économies.

Monogeste
Réalisation WeDoData

« La rénovation par geste, quand elle n’est pas concertée, ne fonctionne pas », relève ainsi Marjolaine Meynier‐Millefert, députée LRM de l’Isère et co‐rapporteuse d’une mission sur le sujet, citée par Le Monde. Procéder par étapes nécessite des conditions très strictes comme l’explique cette étude conduite sous la direction de l’Ademe, l’agence de transition écologique. Seule une rénovation globale avec un audit d’entrée et de sortie de travaux pour en mesurer les effets garantit une réelle efficacité.

Problème, de telles opérations coûtent cher, de 30 000 à 50 000 euros pour obtenir une maison « basse consommation ». Celles financées par MaPrimRénov sont beaucoup plus modestes. En témoigne un niveau de prime moyenne de 3196 euros. C’est d’ailleurs le coût élevé des rénovations globales, hors du budget de la plupart des ménages, qui justifie aux yeux du gouvernement de procéder par étape. Il espère inciter les propriétaires à poursuivre le travail après un premier « geste ».

En attendant, l’Anah finance bien des rénovations globales que ce soit pour des propriétaires occupants, des propriétaires bailleurs ou des copropriétaires. Celles‐ci ont concerné 57 000 logements en 2021. Soit seulement 7,6 % des quelque 752 000 rénovations subventionnées via MaPrimeRénov’ et d’autres dispositifs.

Renovations globales
Réalisation WeDoData

Plus critique encore, la Cour des comptes dresse un bilan cruel des sorties de logements de l’état de précarité énergétique. Elle n’en dénombre que 2500 quand l’objectif fixé l’année dernière était de… 80 000. L’Anah a beau répliquer, toujours dans Le Monde, que les magistrats n’ont comptabilisé que les bénéficiaires d’un bonus réservé à ces « sorties » et que ce nombre serait en fait « beaucoup plus important », un gouffre sépare ces réalisations des objectifs que la France s’est donnés dans le domaine du logement.

Des résultats et des moyens très en deçà des enjeux

« Le rythme des rénovations est trop lent, estime le député LR Vincent Descoeur, président d’une mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, en préambule d’un rapport rendu public le 11 février dernier. Il y a une inadéquation entre les objectifs très ambitieux fixés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et des moyens notoirement insuffisants. »

Le secteur du bâtiment est en effet responsable de près de 26 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Or la stratégie nationale bas carbone (Snbc) vise la neutralité carbone de l’ensemble du parc français de bâtiments en 2050. Elle implique qu’à cette date tous les logements soient passés en étiquettes énergétiques A ou B qui se rapprochent le plus de la norme BBC (bâtiment basse consommation).

Sur les 29 millions de résidences principales, seuls 1,9 million de logements affichaient une telle étiquette en 2018. Soit à peine 6 %. Or les rénovations globales qui permettent d’atteindre ce classement ne représentent que 0,2 % des travaux engagés. Cela correspond à 70 000 opérations par an sur la période 2012–2018. Pour tenir la trajectoire Snbc à l’horizon 2050, ce chiffre doit être porté à 370 000 à partir de 2022 et à 700 000 à partir de 2030, selon le Haut conseil pour le climat. « On mesure l’ampleur du défi », s’inquiète Vincent Descoeur dans Le Monde.

Parc Logements

Le challenge est tout aussi important en matière d’éradication des passoires thermiques. L’Etat s’était fixé pour objectif de supprimer les 4,8 millions de logements très énergivores, classés F ou G d’ici 2025. Ce qui là encore suppose un rythme élevé de rénovations de 500 000 logements par an, dont 150 000 occupés par des ménages modestes. Là encore, on est loin du compte. D’autant que certains observateurs évaluent le nombre des passoires plutôt entre 7 et 8 millions.

Distribution logements classe énergétique
Source : Tableau de suivi de la rénovation énergétique dans le secteur résidentiel / Ministère de la transition écologique

D’après l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), émanation de la Caisse des dépôts et des consignations et de l’Agence française de développement, le besoin d’investissements en matière de rénovations globales, compte tenu des retards accumulés entre 2019 et 2020, s’élèverait à… 33,9 milliards d’euros par an !

Sachant que ce montant devrait s’ajouter aux quelque 15 milliards d’euros d’investissements actuellement engagés dans la rénovation énergétique (estimation de l’I4CE pour 2020). Et que les différents instruments mobilisés par l’Etat et les entreprises de l’énergie pour aider les ménages à financer ces rénovations n’ont représenté que 6,9 milliards d’euros en 2021. On comprend mieux pourquoi Vincent Descoeur parle de « moyens notoirement insuffisants ».

Investissements Rénovation énergétique I4CE

Encore faudrait‐il être en mesure de maintenir les moyens actuels. Le dispositif MaPrimeRénov’ est évalué à 4,4 milliards d’euros sur 2021–2022. Mais il a bénéficié d’un copieux coup de pouce de plus de 2 milliards d’euros du Plan de relance national, par nature exceptionnel. En fait, selon la Cour des comptes, avant même l’augmentation des aides, c’est déjà la question de leur pérennisation à leur niveau actuel qui est posée.

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