Karima Delli, une virtuose du compromis à l’assaut des Hauts‐de‐France

Tête de liste d’une union écologiste, socialiste, communiste et insoumise en vue de conquérir le Conseil régional des Hauts-de-France, la députée européenne est parvenue à rassembler derrière elle grâce à un art consommé de la négociation acquis à Bruxelles. Elle en aura bien besoin pour préserver un attelage hétéroclite. Il lui faudra aussi surmonter un criant manque de notoriété.

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L'eurodéputée Karima Delli en session plénière au Parlement européen à Strasbourg, en octobre 2019. Photo : Marc Dossmann/SIPA

Chez les Verts, la nuit s’annonce blanche en ce 7 juin 2009. Les résultats de l’élection européenne sont tombés quelques heures plus tôt et les écolos d’Ile-de-France arrosent dans une brasserie parisienne près du Châtelet l’élection inespérée de trois des leurs au Parlement bruxellois : Daniel Cohn‐Bendit, Eva Joly et Pascal Canfin. Parmi les fêtards, Karima Delli qui figure en quatrième place sur la liste EELV. La Nordiste qui vit et travaille à Paris est tout heureuse d’avoir contribué à ce résultat historique en tractant dur durant la campagne. 

A trois heures du matin, un numéro inconnu s’affiche sur le téléphone de la jeune trentenaire. « Bonjour Madame, le préfet d’Ile-de-France à l’appareil. Après comptage définitif des voix, je vous informe que vous êtes élue députée européenne. » Enormissime surprise : la liste EELV d’Ile-de-France emmenée par Daniel Cohn‐Bendit recueille… 20,86 % des voix ! « Un truc qui vient du ciel… La Terre qui s’ouvre sous mes pieds… Une des premières choses qui me vient à l’esprit : comment je vais finir la thèse (d’ethnologie politique sur les logiques de pouvoir à l’intérieur du Sénat, ndlr) que je dois rendre dans deux mois ? », raconte Karima Delli à Mediacités. Hébétée, l’élue appelle aussitôt ses parents. « OK Karima, tes blagues en pleine nuit, c’est pas drôle. Laisse‐nous dormir, tu veux ? », lui répond son père avant de raccrocher.
Une entrée remarquée à Bruxelles
Un mois plus tard à Bruxelles, Karima Delli fait son entrée au « Caprice des Dieux », le surnom du palace de verre qui abrite le Parlement, similaire à la boîte du fromage du même nom. A peine s’est-elle assise dans l’hémicycle que le chef du protocole accourt paniqué : « Madame Delli, on a un problème. Le règlement stipule qu’il ne peut y avoir plus de 10 invités par député ». Venus de Tourcoing, les parents de Karima Delli et ses douze frères et soeurs sont bloqués à l’entrée. Ils bénéficieront ce jour‐là d’une entorse au protocole pour assister à l’intronisation de leur héroïne… Cet épisode cocasse fait le tour de l’hémicycle en quelques minutes. Les premières notes de l’Hymne à la joie n’ont pas encore ouvert la séance que la jeune femme s’est déjà fait remarquer. En politique, on appelle ça une entrée réussie.

« Madame Delli, on a un problème… »

Dans une assemblée où il n’est pas rare de croiser un député allemand en sandales Birkenstock ou une élue anglaise affublée d’un piercing, la trentenaire d’origine maghrébine dénote moins que si elle était entrée au palais Bourbon. Il n’empêche. En jean et tee‐shirt blanc, la bleusaille fait gentiment sourire les notables grisonnants en costard‐cravate.

Il faut dire qu’en 2009, Karima Delli est davantage connue comme activiste que comme femme politique. Elle milite alors au sein des collectifs « Jeudi Noir » et « Sauvons les riches » qui dénoncent le mal logement et les inégalités salariales. Quand elle prend le micro en public, c’est pour remettre un diplôme de « fils à papa » à Jean Sarkozy ou pour offrir une montre à sept euros à Jacques Séguéla après la saillie du publicitaire affirmant qu’on a raté sa vie sans Rolex à 50 ans. Ou encore pour moquer Christine Boutin, alors ministre du Logement, en parodiant le tube de David et Jonathan « Est‐ce que tu viens pour les vacances », en compagnie de son pote Julien Bayou, actuel secrétaire nationale d’EELV.
Une candidate qui « coche toutes les cases »
Karima Delli flirte alors avec l’aile gauche d’EELV qu’elle a rejoint en 2005 au sein d’une motion intitul …

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Temps de lecture : 16 minutes

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Par Alexandre Lenoir