Sur la droite, le récit d’une bagarre : un coup de pied dans une bouche. Tout près, une mention à un rappeur roubaisien, ZKR. Et là, un peu de philosophie urbaine : « Pour l’instant, on fait le sale pour se sentir propre. » On ignore tout des auteurs de ces lignes tracées au stylo sur les murs d’une cellule du quartier disciplinaire de l’établissement pour mineurs (EPM) de Quiévrechain (Nord). Enfin presque tout. Ces écritures, rondes, bordéliques, gribouillées, appartiennent à de jeunes détenus, filles ou garçons âgés de 16 à 18 ans.
Assis sur la couchette, le député insoumis Ugo Bernalicis observe les graffitis en face de lui. Il y en a plusieurs dizaines, inscrits par autant de plumes différentes, souvent anonymes. Un peu partout, des extraits de leurs cauchemars pendant leurs nuits ici et des bouts de leurs rêves pour les jours passés dehors.
« Je n’ai jamais vu un quartier disciplinaire aussi tagué, lâche le député. Quand on nous parle de “primauté de l’éducatif”… L’existence de cet endroit est un non‐sens. » Depuis qu’il est député Ugo Bernalicis a visité plus d’une trentaine de prisons françaises lors des sept dernières années. Il a déjà tout vu, tout senti : les matelas moisis au sol, l’humidité dans les murs, les odeurs d’herbe et de résine qui flottent par‐dessus. Le député exerce pour la première fois son droit de visite parlementaire dans un établissement réservé aux mineurs. Nous l’avons suivi à deux reprises.
Ce jeudi 17 octobre 2024, le quartier disciplinaire de Quiévrechain est vide et la plupart des détenus participent à des activités pédagogiques hors de leur cellule. Ça veut dire ça en fait « la primauté de l’éducatif » : limiter autant que possible le temps passé derrière les barreaux à fixer la télé ou contempler un ciel souvent gris pour à la place s’instruire, faire du sport et préparer son orientation pour la sortie. Cet après‐midi là, un forum des métiers est organisé dans la médiathèque. Bâtiment, restauration, services à la personne… des secteurs à la recherche de main d’œuvre. L’ambiance est détendue. Le jour de notre première visite avec le député, l’atmosphère était différente, plus pesante.
Dialogue de sourds
Nous sommes trois semaines plus tôt. Un jeune détenu, arrivé depuis une quinzaine de jours dans l’établissement, occupe une geôle pour un entretien préalable à une sanction. De l’autre côté d’épais barreaux métalliques, deux éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) l’écoutent, cherchent à le calmer. Pour ces professionnels, trouver des alternatives éducatives aux mesures disciplinaires est primordial.
L’éducateur, voix calme : « Tu ne peux pas agresser du personnel ! »
Le gamin, regard noir : « Si, si… ça sert à rien de me parler, je vais continuer en fait »
La collègue, inquiète : « Non, tu sais qu’on ne peut pas te laisser faire ça… »
L’échange se perd dans un dialogue de sourds. L’adolescent risque l’enfermement en quartier disciplinaire. Les détenus d’au moins 16 ans peuvent y être envoyés pendant sept jours maximum, pour des fautes précises comme des violences physiques, verbales ou encore l’introduction de produits interdits. Une prison dans la prison : lumière toujours allumée pour faciliter la surveillance, absence de téléviseur, radio éteinte à la …