Bizutages : la fac de médecine de Lille compte toujours ses morts

Un étudiant de 18 ans retrouvé noyé dans un étang en 2015. Un autre renversé par un camion sur l'A27 en 2021... À la faculté de médecine lilloise, l'inventaire des drames causés par l'abus d'alcool au cours des soirées "d'intégration" est glaçant. Le bizutage, même s'il ne dit plus son nom, est encore ancré dans les habitudes des étudiants. L’université semble dépassée et le tabou lié à ces rites de passage, plus fort que jamais.

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À la faculté de médecine de Lille, « l’intégration » repose beaucoup sur des rapports de soumission-domination. Les « bizuths », surnommés « biz » doivent consommer un certain nombre de doses d’alcool (ce sont traditionnellement des seringues qui sont utilisées). Photo partagée sur les réseaux sociaux par un membre du groupe Borgia en juin 2021, anonymisée par Mediacités.

Un an après le décès de son fils Simon, Daniel Guermonprez tente toujours de comprendre « l’incompréhensible » : pourquoi cet étudiant, décrit comme bosseur et heureux dans ses études, est‐il rentré en VTC jusque devant la maison familiale de Chéreng, dans la nuit du 8 au 9 juillet 2021, avant de rebrousser chemin et de descendre à pied sur l’A27, où un camion l’a percuté ? Simon, 19 ans, aurait tenté de rattraper son téléphone tombé sur les voies après avoir pris un selfie. Le jeune homme venait de réussir son entrée en deuxième année de médecine. Ce soir‐là, il s’était rendu à une soirée « d’intégration » à la citadelle de Lille, puis dans un appartement.

Daniel Guermonprez assure avoir appris seulement en avril 2022, par la procureure de Lille, Carole Étienne, que son fils avait bu huit des douze doses d’alcool qu’il avait pour mission d’ingérer en quelques heures – alors même qu’il ne consommait jamais d’alcool, selon ses proches. Soit une forme de bizutage, qui fait écho à d’autres drames qui ont secoué l’université de médecine ces dernières années : en octobre 2015, un étudiant en médecine lillois de 18 ans, Jean‐Baptiste Pignède, était retrouvé noyé dans un étang du Denaisis suite à une soirée très alcoolisée. Trois ans plus tôt, en septembre 2012, un étudiant de la faculté de médecine de Lille était agressé sexuellement par des camarades dans le parc de la Citadelle. Une enquête préliminaire avait été ouverte par la police, qui n’avait abouti à aucune sanction puisque la victime, livrée à la vindicte collective, avait refusé de porter plainte. 

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Par Alexia Eychenne

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