Dans les coulisses de l’empire des Marseguerra, patrons du Sébasto et rois du spectacle lillois

Volontairement discrets, les frères Marseguerra, à la tête du théâtre Sébastopol et d’une imposante boîte de production, sont devenus de puissantes figures du monde culturel nordiste en l’espace de trois décennies. Au point que l’aîné, Guy, est surnommé le parrain. Parfois critiqués pour leur position dominante, ils essaient de protéger leur pré carré face aux grands groupes nationaux et internationaux.

Guy et Francois Marseguerra
Guy et François Marseguerra devant le théâtre Sébastopol de Lille dont ils assurent la gestion en plus de leurs activités de production et de diffusion, un triptyque rare qui en fait les poids lourds du spectacle dans les Hauts-de-France. Photo : Matthieu Slisse / Mediacités

À ses débuts, Guy Marseguerra ressemble au « chanteur » de Daniel Balavoine. Un gars qui écrit pour les copains et espère que ça tourne bien. Débarqué à Lille au tout début des années 1970, le gamin de l’Avesnois écume en effet les scènes rock comme chanteur dans divers petits groupes.

Sans avoir composé une seule chanson dans le vent, il se retrouve pourtant à devoir assumer une première partie de Léo Ferré. « À la fin, il vient me dire : ‘Putain, à ta place, j’arrêterais de chanter’, raconte‐t‐il. J’avais 21 ou 22 ans. Il me conseille plutôt de venir avec lui sur les tournées et de faire les cafés ». Le jeune Nordiste remballe ses rêves et démarre comme assistant du compositeur de L’Affiche rouge. Avec le recul, il se marre : « Ma vie, c’est un ratage ».

Cinquante ans après la claque mise par Léo Ferré, la phrase peut passer pour de la fausse modestie. Car aujourd’hui, Guy Marseguerra et son frère François, sont à la tête d’un « empire », comme le qualifient avec emphase des connaisseurs du milieu du spectacle vivant. Ils dirigent Verone productions, poids lourd de l’organisation de concerts dans les Hauts‐de‐France, et gèrent le prestigieux théâtre Sébastopol de Lille où ils sont propriétaires d’une autre salle, le Splendid. Au cours de leur longue carrière, ils ont bossé avec de nombreux cadors comme Eddy Mitchell ou Johnny Hallyday. Pas si mal pour un ratage… D’autant que la route n’était pas toute tracée.

Guy et François confient volontiers avoir eu « une enfance à la Zola » avec leurs quatre frères et sœurs. Ils s’entassent à douze, famille élargie comprise, dans une maisonnette d’une cinquantaine de mètres carrés, à Avesnes‐sur‐Helpe. Le père Marseguerra, immigré sicilien, pointe comme ajusteur à l’usine Vallourec d’Aulnoye-Aymeries. La mère, elle, est aide‐soignante à l’hôpital d’Avesnes et membre du Parti communiste.

« Notre grand‐père avait abandonné tout le monde vers 1930 pour s’engager dans les chemises noires de Mussolini, détaille Guy Marseguerra. Des années plus tard, un de ses fils, Fortunato, un rouge, est mort dans le train de Loos, le dernier convoi de déportés parti de France en septembre 1944. Dans une même famille, il pouvait y avoir un fasciste et un communiste. »

Chez les Marseguerra, le rouge l’a largement emporté sur le brun. Bien avant de se mettre dans la roue de l’anarchiste Léo Ferré, l’aîné de la fratrie vend L’Humanité et Liberté, le grand quotidien d’actu sociale du coin. Les frangins baignent dans la lutte des classes, l’anticapitalisme et ne s’éternisent pas à l’usine Vallourec. « Je me suis sauvé. J’ai jamais compris comment notre père avait fait ça toute sa vie », indique François. De son côté, Guy se fait virer « pour avoir fait grève tout seul. » « Le salariat, ça n’a jamais été mon truc », peste‐t‐il.
De Didier Six à Desproges
Le foot, en revanche, si. À la fin de l’adolescence, les deux frères matent les rencontres du championnat belge …

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Publié le

Temps de lecture : 11 minutes

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