A Lille‐Sud, les grands moyens de la rénovation urbaine buttent toujours sur le trafic de drogue

En trente ans, le quartier enclavé au sud du périphérique lillois n’a cessé de se métamorphoser. Mais les 250 à 300 millions d’euros investis dans le bâti et les infrastructures n’ont pas suffi à le transformer socialement. La faute en partie au deal de stupéfiants depuis longtemps ancré sur le territoire.

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Surnommées « les tours de la beuh », ces quatre tours restent le symbole du trafic de drogue à Lille-Sud malgré les efforts du bailleur social LMH pour les rénover. Les 250 à 300 millions d’euros investis dans la transformation du quartier n’empêchent pas non plus le deal de se poursuivre dans les rues, dans plusieurs points fixes. Photo : Frank Hanswijk

« La première tâche à laquelle je me suis attelée est celle de la métamorphose des quartiers populaires ». Dans son discours d’adieu, début mars, après quasiment un quart de siècle passé dans le fauteuil de maire de Lille, Martine Aubry a tenu à mettre en avant cette priorité de ses quatre mandats. Elle a également insisté sur « la place particulière dans [son] cœur » qu’occupait Lille‐Sud, véritable symbole de sa politique de rénovation. « Nous avons agi pendant près de vingt ans dans toutes les directions pour refaire de la ville à Lille‐Sud », a‑t‐elle affirmé.

Avec ses quelque 22 000 habitants, Lille‐Sud figure parmi les quartiers les plus peuplés après Lille‐Centre (30 000) et Wazemmes (27 000). Mais s’il attire des résidents, il souffre toujours de la mauvaise réputation qui lui colle à la peau depuis des décennies. Souvent désigné comme « quartier à éviter », « quartier qui craint », « zone sensible » ou encore « chaude », les qualificatifs sont toujours négatifs. De quoi susciter de prime abord la méfiance de tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés lors de cette enquête.

« Les journalistes ne viennent à Lille Sud que pour confirmer leurs préjugés ou clichés, attaque ainsi Toufik*, un travailleur social qui a œuvré dans le quartier pendant près de 15 ans. A chaque fois qu’ils viennent ici, c’est pour chercher du sensationnel, c’est pour amalgamer pauvreté, violence, drogue, communautarisme ou encore halal ou islamisme. Mais si on peut croiser de la pauvreté, du trafic ou encore de la rage à Lille‐Sud, il s’agirait peut‐être de se demander pourquoi et comment on en est arrivé là. »

La mauvaise réputation du quartier ne date pas d’hier. Venu du bassin minier en 1987, Jean Becquet, professeur d’histoire-géographie pendant trente ans au collège Louise Michel et actuel président du centre social l’Arbrisseau, y a tout de suite été confronté : « Quand je suis arrivé à Lille‐Sud, nombre de collègues m’ont dit : “Toutes nos condoléances”, c’est dire la réputation qu’avait le quartier. »

Sa prise de poste se révèle un « véritable choc ». « Il n’y avait pas de cantine. On m’expliquait alors que c’était culturel car les élèves, en grande majorité d’origine maghrébine, rentraient manger chez eux le midi. Il n’y avait pas non plus de préau et les toilettes étaient dans la cour », se rappelle‐t‐il, toujours aussi incrédule. En 1996, un passionnant documentaire sur l’arrivée de l’héroïne dans le quartier, « Une vie de chacal », montrait que Lille‐Sud était déjà en proie aux mêmes maux : trafic de drogues, violence, chômage et absence de perspectives…
85 % des élèves du collège sont boursiers
Trente ans plus tard, cette gangrène et la stigmatisation qui l’accompagne constituent toujours des obstacles pour tous ceux qui œuvrent au quotidien dans le quartier. C’est notamment le cas de Brahim Khiter, principal du collège Louise Michel et de l’équipe enseignante et éducative. Unique collège public du quartier, l’établissement affiche …

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Temps de lecture : 14 minutes

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Par Nadia Daki

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