« Regardez, en voilà un autre. » Cela fait à peine quelques minutes que nous marchons dans la rue de l’Asie et deux motos de police sont déjà passées à toute allure, suivies d’une voiture de la police nationale. Mourad Baghada, 24 ans, nous fait visiter aujourd’hui le quartier de la Croisette à Lille‐Sud où il a grandi. Il s’amuse de la présence policière très visible dans son ancien quartier. En raison du ramadan, les rues sont désertes. De temps en temps, on croise un agent d’entretien municipal qui balaie les trottoirs et les places.
Depuis 2004, un projet de rénovation urbaine est en cours dans cette partie sud de la ville de Lille, dans le nord de la France. Dans ce quartier populaire, près de quatre mille logements sociaux ont été démolis et reconstruits, plus de deux mille ont été rénovés et près de trois mille autres, essentiellement des logements locatifs intermédiaires et des logements en accession à la propriété, ont été construits. Le coût : 250 millions d’euros d’argent public.
Le projet est en cours depuis maintenant 20 ans, soit exactement la durée du programme NPRZ de rénovation urbaine de Rotterdam‐Sud, démarré en 2012 et qui doit se poursuivre jusqu’en 2032. La transformation de Lille‐Sud est loin d’être terminée. Elle fait partie d’un plan concernant huit quartiers défavorisés de la métropole lilloise qui se sont vu allouer 1,88 milliard d’euros jusqu’en 2029 en vue de leur amélioration.
Comme Rotterdam‐Sud, Lille‐Sud revient de loin. La pauvreté et la paupérisation y sont élevées, tout comme la criminalité. L’Insee estime que Lille‐Sud est « l’un des quartiers les plus ségrégués de France ». Les problèmes de Rotterdam‐Sud ont également été décrits comme « non néerlandais » en 2012.
Alors que le NPRZ s’appuie sur les piliers du logement, du travail et de l’école, à Lille, l’accent a été mis plus unilatéralement sur la construction. Non seulement des milliers de logements ont été ajoutés, mais 32 nouveaux équipements publics ont également été construits dont un commissariat, des bureaux municipaux, un centre social, une halle de skate, un théâtre et des courts de tennis. Des aménagements qui ont donné aux habitants « historiques » l’impression que le quartier ne leur appartenait plus, mais qu’il était réservé à de nouveaux résidents plus aisés.
Lors de l’évaluation à mi‐parcours du NPRZ, en 2022, l’une des critiques des habitants de Rotterdam‐Sud était que leur avis n’était pas suffisamment pris en compte dans les améliorations.
Anciens et nouveaux habitants
Lille‐Sud est bien plus vert que des quartiers très minéraux comme Bloemhof ou Afrikaanderwijk [deux quartiers de Rotterdam‐Sud NdT], mais les endroits où l’on peut se retrouver pour boire …