De la presse à la politique : le grand détournement des journalistes lyonnais

C’est un mélange des genres qui se banalise. De nombreux journalistes sont embauchés dans des cabinets d’élus ou des collectivités locales. À Lyon, Mediacités les a recensés : au moins trente journalistes sont passés de l’autre côté du miroir, la majorité depuis les années 2000. Une porosité qui pose question. Voire problème.

dessin presse pochette stylo – 1000
lllustration Jean-Paul van der Elst

Pour un peu, la région Auvergne Rhône‐Alpes ressemblerait à une salle de rédaction. Directeur adjoint du cabinet du président Laurent Wauquiez, Geoffrey Mercier traitait auparavant de politique au Progrès. Directeur de communication du même Wauquiez, Frédéric Poignard, ex‐le Figaro, occupait, juste avant, le poste de délégué général du club de la presse. Alors qu’au secrétariat général du groupe d’opposition socialiste, on retrouve Slim Mazni, jusqu’alors journaliste d’investigation reconnu.

C’est un constat étonnant. En moins de deux ans, plusieurs journalistes lyonnais, souvent en vue, ont été embauchés aux cabinets d’hommes politiques, dans les collectivités locales ou même à la préfecture du Rhône à l’image de la reporter multicartes de Lyon Capitale Christelle Monteagudo devenue directrice de la communication. Un phénomène courant, pas vraiment récent, mais qui a pris des proportions importantes ces dernières années.

Un voyage sans retour

Selon l’enquête de données de Mediacités, au moins trente journalistes sont passés de l’autre côté du miroir dans la région lyonnaise. Dans 80% des cas recensés par nos soins, le transfert du journalisme à la politique a eu lieu a partir des années 2000.  Et pour la quasi‐totalité de ces journalistes, le passage de la presse vers le monde politique est un voyage sans retour. Un seul (Gérard Angel, le patron des Potins d’Angèle) a fait le chemin inverse, de la politique vers le journalisme. Et seuls cinq reporters ont effectué au cours de leur carrière des allers‐retours – toujours délicats – entre presse et pouvoir.

Quelles sont les causes de ce grand détournement ? Quelles raisons poussent des journalistes à franchir le seuil des cabinets politiques ? Quels dangers cette porosité entre médias et baronnies locales entraîne‐t‐elle ? Mediacités a enquêté pendant plusieurs semaines à Lyon, à la rencontre des journalistes qui ont fréquenté ces deux univers. Le résultat illustre l’ambiance de village qui peut régner dans la métropole lyonnaise où s’entremêlent réseaux professionnels et personnels.

Infographie : Nicolas Certes

« Ce qui m’a poussé à dire oui, c’est la précarité du métier »

Pour Jacques Boucaud, le déclic a été d’abord économique. Journaliste politique au Progrès, le reporter a fait jouer sa clause de cession en 2010. À 54 ans, il devient alors correspondant du Monde à Lyon et collabore à L’Express ou encore à Tribune de Lyon. Mais les piges se font de plus en plus rares. « Pour des raisons économiques, Le Monde faisait de moins en moins appel à des correspondants et envoyait ses journalistes à Lyon. Et Tribune m’avait enlevé ma page », se souvient Jacques Boucaud.

En 2012, des élus mâconnais viennent le voir. Ils lui proposent d’être tête de liste socialiste pour les prochaines municipales. Jacques Boucaud saisit l’occasion. « J’ai fait campagne en 2014, j’ai trouvé ça passionnant », raconte l’ancien journaliste. « La politique, c’était à la fois un choix économique et une opportunité. J’ai perdu l’élection mais je ne regrette absolument pas », affirme‐t‐il. Depuis 2014, il travaille à la mairie socialiste de Vaulx‐en‐Velin, en tant que directeur du journal municipal et conseiller presse. « Je ne suis pas dupe. La maire Hélène Geoffroy m’a recruté pour mes relations dans la presse. Des villes comme Vaulx ont besoin d’exister en dehors de problèmes de sécurité », explique Jacques Boucaud.

La baisse du nombre …

Nous vous offrons l’accès à cet article

Et à toutes nos enquêtes pendant deux jours  !
Oui, on est généreux 😉 Mais pensez aussi à vous abonner  !

En renseignant votre adresse, vous acceptez nos conditions générales d’utilisation.
Mediacités s’engage à ne pas céder votre adresse à des tiers. En cas d’échec, écrivez à contact@mediacites.fr
  • J’accède aux 4 éditions de Mediacités (Lille, Lyon, Nantes et Toulouse)
  • Je découvre un média 100 % indépendant, avec 0 % de publicité

Attention, journal en danger !

Depuis huit ans, Mediacités propose un journalisme d’investigation sur les pouvoirs locaux et ses enquêtes ont de l’impact dans les villes. Aujourd’hui notre existence est menacée.
Soutenez la rédaction, ses journalistes et la démocratie locale :

Je soutiens Mediacités

  • en vous abonnant (69 € par an ou 7,90 € par mois, résiliable à tout moment et facilement) pour lire toutes les enquêtes
  • en effectuant un don (défiscalisable à 66%) pour soutenir le travail et assurer la survie d’un journal local indépendant, sans pub et à impact.

Publié le

Modifié le

Temps de lecture : 12 minutes

Favorite

Par Mathieu Martiniere / We Report, avec Juliette Bollaert

Attention : journal en danger !
Soutenez Mediacités !

Depuis bientôt huit ans, notre journal d’investigation propose des enquêtes sur les pouvoirs locaux dans les grandes métropoles. À Lille, Lyon, Nantes et Toulouse, des dizaines de journalistes publient en toute indépendance des informations inédites qui nourrissent le débat public et produisent de l’impact.
Aujourd’hui, notre campagne de financement participatif a dépassé 90% de l’objectif. Aidez-nous à atteindre les 100% d'ici au 31 décembre !
On vous explique tout ici :

Comment soutenir Mediacités ?

D’ici au 31 décembre, chaque coup de pouce compte !

Ceci fermera dans 25 secondes