Vortex : les pouvoirs publics font la sourde oreille

Mediacités publie une enquête de Mediapart sur Vortex, transporteur d'élèves handicapés. En fermant les yeux sur le climat social au sein de cette entreprise, les collectivités - dont le département du Rhône puis la Métropole de Lyon - privilégient les arguments financiers. Une indulgence qui s’applique également à des problèmes de surfacturation ou de production de fausses attestations de formation.

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L'entreprise Vortex transporte des enfants et adultes handicapés vers leurs établissements scolaires. Photo : N.Barriquand/Mediacités.

Malgré un tableau social calamiteux, l’argent public continue d’alimenter l’entreprise Vortex, qui assure le transport d’enfants et d’adultes handicapés vers leurs établissements scolaires (lire le premier volet de l’enquête de Mediapart). Sur tout le territoire, une soixantaine de conseils départementaux lui font toujours confiance et ce alors même que des problèmes de surfacturation et des plaintes d’usagers émergent régulièrement, relayés en partie par la presse locale. Tout comme l’Inspection du travail, l’Urssaf, le ministère chargé du handicap ou encore la Sécurité sociale, les conseils départementaux sont destinataires des bouteilles à la mer des salariés de Vortex. Ils auraient pu réagir, puisque la méthode de l’entreprise les touche au portefeuille.

En 2015, un chef d’agence Vortex dénonce l’établissement de fausses factures destinées aux conseils généraux de Seine‐Maritime et de l’Eure. Selon lui, à l’aide d’une paire de ciseaux, d’un tube de colle et d’une photocopieuse, son agence falsifiait les relevés d’activité des chauffeurs pour les transmettre, légèrement surévalués, aux conseils généraux chargés de payer l’entreprise délégataire. Recalculant des dizaines de factures envoyées aux conseils généraux entre 2011 et 2014, ce chef d’agence, en désaccord avec la méthode, estime alors le surcoût à 700 000 euros pour les deux collectivités, des éléments dénoncés dans un article de L’Humanité. Il a depuis quitté la société.

En interne, les falsifications se poursuivent cependant. Le 16 mars 2015, le directeur régional de l’époque écrit à la secrétaire administrative de l’agence de Rouen, Priscilla D., lui demandant d’ajouter des chauffeurs en formation pour répondre à un appel d’offres. Elle répond : « J’ai déjà fait le tour de tous les conducteurs, même ceux qui ne font plus partie des effectifs. Cordialement. » Quelques jours plus tard, lors d’un échange sur le sujet, via Skype, avec une assistante à la direction régionale, les choses se précisent : « Au pire, hier, j’ai passé ma journée à faire des fausses ccgp [intitulé de la formation connaissance du handicap, gestes et postures – ndlr]. Donc, si tu es vraiment en déch, fais pareil lol. » « OK, c’est ce que je vais faire », répond Priscilla D. à son interlocutrice.

« De nombreuses pressions de la part de l’ancien directeur d’agence »

Le directeur régional en question est devenu chef d’opération chez Vortex. « L’enquête interne a permis de démontrer que l’ancien chef d’agence de Rouen était hors de cause, justifie l’entreprise. C’est de son propre chef et de sa seule initiative que la personne en charge de ce travail a édité ces fausses attestations. Elle l’a avoué immédiatement et consigné ses aveux par écrit. » Sauf que, depuis, la jeune femme s’est rétractée, estimant avoir été poussée à endosser seule la méthode de toute une entreprise. En arrêt de travail, elle est soumise à une procédure de licenciement. Pour Fatima D., la mère de Priscilla, également salariée de l’agence de Rouen et responsable syndicale CGT, sa fille « a subi de nombreuses pressions de la part de l’ancien directeur d’agence, qui avait un fort ascendant sur elle ». Dans une attestation produite à l’attention de la justice, il y a deux ans, Priscilla D. explique effectivement qu’elle est « en plein désarroi », « épuisée », et qu’elle a « très peur de l’avenir ».

Circulez, il n’y a rien à voir, insiste la direction : « L’enquête interne diligentée par les services des départements concernés a démontré qu’il n’y avait pas eu surfacturation et que les prestations étaient bel et bien dues. Si cela n’avait pas été le cas, il est bien évident que ce sujet aurait des suites contentieuses ». Pascal Martin, président du Conseil général de Seine‐Maritime, nous a pourtant répondu que « s’agissant des prestations surfacturées, toutes antérieures à sa prise de fonction en avril 2015, le département a refusé de les acquitter. Celles‐ci sont donc restées …

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Publié le

Temps de lecture : 11 minutes

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Par Mathilde Goanec (Mediapart)