A l’ENS Lyon, la culture du silence face à des affaires de harcèlement

Depuis l'émergence du mouvement #Metoo il y a un an, au moins cinq affaires de harcèlement et de sexisme ont secoué la célèbre grande école. Une timide libération de la parole, malgré la frilosité d'une direction plus soucieuse de préserver la réputation d'excellence de l'établissement.

Depuis deux ans, les affaires de harcèlement et de sexisme se multiplient à l’ENS Lyon
Illustration: Jean-Paul Van der Elst.

Le 18 septembre 2018 dernier, il règne une joyeuse effervescence de rentrée à l’assemblée générale des Salopettes, l’association féministe de l’École Normale Supérieure (ENS) de Lyon. Pourtant, les membres sont soucieux : l’association a été convoquée durant l’été au commissariat en raison d’une plainte pour diffamation déposée par un médecin de prévention dont les Salopettes avaient mis en cause les comportements inappropriés.

Tout a commencé début 2017, après que deux étudiantes ont rapporté leur fort sentiment de malaise lors de consultations médicales à l’ENS Lyon. Les Salopettes décident d’enquêter et diffusent un appel via les réseaux sociaux. En l’espace d’une semaine, 13 témoignages sont recueillis, pointant tous le même praticien et faisant état de jugements sur la sexualité, de questions intrusives, de préjugés sexistes, de compliments déplacés, ainsi que de palpations injustifiées : « Une étudiante nous a rapporté que le médecin, pour tenter de la convaincre d’accepter un implant contraceptif, avait évoqué la nécessité pour les filles de prendre leurs responsabilités au lieu de remplir les cliniques d’avortement. Une autre nous a dit s’être vu reprocher la consommation d’alcool qu’elle décrivait au motif que ce n’était pas très bien pour une fille », rapporte une ancienne membre des Salopettes.

Enquête interne

Au fil des témoignages, plusieurs autres étudiantes tentent de décrire leur gêne : « Il avait une attitude et un regard insistant sur mon corps. C’était déplacé. Il m’a fait me mettre en sous‐vêtements, les a commentés positivement, m’a (soi‐disant) « examinée » avec trop d’insistance en faisant des compliments sur mon physique, notamment ma poitrine et mon poids (…). Pendant le long entretien qui a suivi, il m’a fait asseoir sur la chaise en me demandant de ne pas me rhabiller parce que c’était plus agréable », rapportera l’une d’elle. Informée, la présidence décide de clore l’affaire par un rappel à l’ordre.

La réponse est jugée insuffisante par les Salopettes. A la rentrée 2017, elles ripostent via un communiqué dévoilant le contenu des témoignages ainsi que le nom du médecin. C’est finalement ce coup de pression qui décidera la présidence de l’ENS Lyon à solliciter une enquête de l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale (IGAENR
Les « boeuf‐carottes » de l’université
Crée en 1965, l’IGAENR est le corps d’inspection du système éducatif et de la recherche. Elle peut intervenir en cas de dysfonctionnement, pour des missions de contrôle ou d’audit au sein de des établissements. Placée sous l’autorité du ministère de l’Education et du ministère de l’Enseignement supérieur …

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