A Vienne, les largesses du maire envers le directeur de l’office HLM

Selon des documents obtenus par Mediacités, le maire de Vienne Thierry Kovacs a octroyé une discrète augmentation à son ex-directeur de campagne Julien de Leiris, actuel directeur de l’office HLM Advivo. Et tant pis si les locataires se plaignent d’une dégradation de leurs logements.

Thierry Kovacs maire de Vienne
Le maire de Vienne Thierry Kovacs a augmenté le salaire de son ancien chef de campagne, aujourd'hui à la tête de l'office HLM de l'agglomération.

Le 30 novembre prochain, Thierry Kovacs, maire (LR) de Vienne, en Isère, et président d’Advivo, l’office HLM de Vienne, Pont‐Evêque et vingt communes alentours, est attendu de pied ferme par un collectif de locataires à la résidence des Genêts à Pont‐Evêque. S’ils l’attendent, ils risquent de ne pas le voir, à en croire le courrier que le maire leur a adressé. Question d’emploi du temps, explique‐t‐il. Le sujet de la réunion est pourtant explosif. Les locataires lui reprochent une insécurité grandissante et surtout une dégradation des lieux. Ce que conteste vigoureusement Thierry Kovacs.

Il n’y a pas qu’aux Genêts que les locataires trouvent à redire à la gestion d’Advivo. Sur Vienne même, dans la résidence du Champ de Mars, des travaux de rénovation ont été entrepris sur 274 logements collectifs. D’un montant de 13,4 millions d’euros, ce marché a été alloué à Bouygues et vient de s’achever. Là aussi, il y a problème : des malfaçons ont été repérées par les locataires. L’un d’entre eux témoigne : « Il y a des odeurs qui remontent. Les portes des coursives ne sont pas aux normes, elles font 60 centimères, un fauteuil roulant ne peut pas passer. Les volets s’ouvrent comme un rien. Au rez‐de‐chaussée, il y a beaucoup de dames seules, elles ont peur. Et quand on se plaint à Advivo, ils nous renvoient vers Bouygues, qui nous renvoie vers Advivo. Ils jouent au ping‐pong avec nous. »

Un loyer en hausse malgré les malfaçons

Du côté des responsables LREM locaux (opposition), on confirme : « Les locataires d’Advivo nous font souvent part de leur sentiment d’être abandonnés par l’office depuis de nombreuses années. Derrière la peinture fraîche du Champ de Mars, les habitants nous présentent un quotidien clairement moins reluisant : parties communes dégradées, logements peu ou pas entretenus, conteneurs poubelles parfois infestés de rats ou brûlés… » Qu’importe ! Malgré ces « petites » imperfections, les loyers ont été augmentés de 9 %.

Interrogé par Mediacités, Thierry Kovacs maintient le même argumentaire que celui offert au collectif de locataires mécontents de Pont‐Evêque. L’insécurité ? « Cette question (…) relève à la fois des services de l’État et des pouvoirs de police du maire et du seul maire, en l’occurrence du maire de Pont‐Evêque. » Et d’évoquer des réhabilitations en cours d’un montant de 3,1 millions d’euros où la « sécurité a été largement prise en compte même si le refus de la mairie de Pont‐Evêque, opposée à notre demande d’installation de la vidéo‐protection, en a considérablement atténué le contour. » Réponse de l’édile de Pont‐Evêque, Martine Faïta : « Advivo est libre d’installer des caméras sur ses parcelles. En revanche, s’agissant du domaine public, nous attendons des réponses à nos demandes de subventions auprès de l’Etat et surtout l’installation de la fibre en 2019 pour lancer les travaux. »

Quid des malfaçons et des hausses de loyer au Champ de Mars, à Vienne ? Thierry Kovacs : « Des reprises de travaux sont en cours, ce qui n’est pas inhabituel. » Quant aux hausses de loyer, « Advivo fait partie des 1 % des offices qui ont le moins augmenté leur loyer en 10 ans », assure‐t‐il. 

Une augmentation pour un « ami politique »

Chez Advivo, les loyers ne sont pas les seuls à grimper. C’est aussi le cas du salaire du directeur de l’office, Julien de Leiris. Ce fonctionnaire territorial en détachement émarge désormais à 86 500 euros brut par an – soit 7 208,33 euros brut par mois. Pas loin du maximum légal fixé à 89 440 euros brut annuel. A cela il faut ajouter une voiture de fonction et une part variable accordée… à « l’amélioration de la satisfaction des locataires », de la « qualité de services » et « de l’image de l’entreprise » (sic) !

Non sans s’étonner que Mediacités soit au courant (« la confidentialité des débats au sein du conseil d’administration d’Advivo demeure la règle »), Thierry Kovacs confirme l’augmentation de son directeur. Elle s’explique, selon lui, par « la volonté de Monsieur de Leiris de mettre fin à son statut de fonctionnaire public territorial en détachement auprès de l’Office ». Le maire précise aussi que cela ne représente qu’une augmentation nette de salaire de 0,76 %… Reste que ce coup de pouce interroge : Julien de Leiris était en effet l’ancien chef de campagne de Thierry Kovacs lors des dernières municipales. De plus, cette augmentation intervient à peine quinze jours après l’annonce faite par le maire de sa volonté de se représenter en 2020, et alors qu’Advivo doit fusionner avec l’OPAC du Rhône en 2020.

« Advivo est le joujou de Thierry Kovacs »

A Mediacités, Jacques Thoizet, chef de file de l’opposition PS, dit tomber des nues : « Je n’étais pas au courant de cette augmentation. Tout est peut‐être légal mais une rémunération aussi élevée dans un organisme qui loge des personnes qui souffrent des augmentations de loyer pose question. D’autant que monsieur de Leiris est un ami politique de Thierry Kovacs. Ils ont des responsabilités dans le même parti politique et venaient tous deux du premier cercle des collaborateurs de l’ancien maire de Grenoble Alain Carignon. »

Le père de Julien de Leiris, Joël de Leiris, a été adjoint à Grenoble entre 1983 et 1995. En 2012, un article de l’Humanité racontait déjà comment Thierry Kovacs, alors dissident au sein de la majorité UMP de Vienne, avait « bunkerisé » Advivo dans la perspective de sa conquête de la mairie. L’article notait la présence de plusieurs militants UMP parmi les salariés de l’office HLM. « C’était une nomination politique qui s’en ajoute à d’autres », complète Jacques Thoizet au sujet de Julien de Leiris. Et d’ajouter : « Advivo est le joujou de Thierry Kovacs, c’est ce qui lui permet d’avoir la mainmise sur le territoire ». Peut‐être plus pour longtemps. Voici quelques semaines, la fusion entre Advivo (6000 logements) et l’OPAC du Rhône (13 000 appartements) a été annoncée pour  2020, comme l’y oblige la loi Elan. Reste à savoir qui fixera les salaires de la future entité.  

Mise à jour, 10 décembre 2018 : droit de réponse de Thierry Kovacs, maire de Vienne et président d’Advivo

« Dans votre édition du 28 novembre 2018, votre article relatif à l’Office Public de l’Habitat Advivo, intitulé “A Vienne, les largesses du maire envers le directeur de l’office HLM”, comporte un certain nombre d’erreurs et d’inexactitudes.

En premier lieu, l’augmentation du Directeur général d’Advivo étant le fruit d’une décision collégiale du Conseil d’Administration, je n’ai pu octroyer une augmentation qui plus est « discrète » à Monsieur de Leiris. J’ajoute qu’en tout état de cause, cette augmentation décidée par la grande majorité des administrateurs de l’Office est liée uniquement à la suppression de la part salariale de la cotisation Pôle Emploi. Ainsi, parler des « largesses du Maire » me paraît erroné.

De plus, votre article reprend à son compte les éléments d’un article du journal « L’Humanité » de février 2012. Je vous rappelle que pour ces mêmes éléments, le quotidien L’Humanité et son directeur de la publication ont été condamnés respectivement pour diffamation publique et complicité de diffamation publique (TGI Paris – 17ème chambre correctionnelle – jugement du 2/11/2014).

L’article évoque également l’opération de réhabilitation de la Résidence Champ de Mars. On ne peut dire concernant cette réhabilitation que « les portes des coursives ne sont pas aux normes ». En effet, nous disposons de l’ensemble des procès‐verbaux des bureaux de contrôle attestant du fait que nous sommes en conformité avec la réglementation.

Enfin, l’article poursuit : « Au rez‐de‐chaussée, il y a beaucoup de dames seules. Elles ont peur ». Pourtant, nous ne possédons aucun logement en rez‐de‐chaussée au sein de cette résidence sur les 6 bâtiments réhabilités qui la composent, puisqu’il s’agit de commerces, de locaux professionnels, d’une crèche…et du siège de l’Office ».

Notre réponse :

1 – Le Maire de Vienne étant président d’Advivo, il est bien l’employeur de Monsieur de Leiris. Son influence au sein de cet office, qu’il dirige depuis plusieurs années, est importante. Nous avons bien précisé que l’augmentation nette du salaire du directeur général n’était que de 0,76%.

2‐ Concernant l’article de L’Humanité, nous n’avons fait qu’en citer les éléments factuels et vérifiables. Notamment que plusieurs salariés d’Advivo sont ou ont été des militants ou responsables UMP puis Les Républicains. Citons Levon Sakounts, salarié d’Advivo, adjoint au maire de Thierry Kovacs et délégué LR dans la 8 ème circoncription de l’Isère (fédération présidée par Thierry Kovacs jusqu’en juin 2017) ; Bernard Tepelian, chargé de mission chez Advivo, enregistré encore en décembre 2017 comme collaborateur de la sénatrice LR de l’Isère Frédérique Puissat ; ou Stéphane Bon, directeur général adjoint d’Advivo, neveu d’Alain Carignon (ancien maire de Grenoble, LR), et présenté dans cet article de 2011 du Dauphiné comme un adhérent UMP partisan de Thierry Kovacs.

3– En ce qui concerne la conformité des portes des coursives, il s’agit d’une citation d’un habitant de la résidence, pas une parole d’expert. Nous prenons donc bonne note de votre précision. Nénamoins, ce point figure parmi les nombreux reproches formulés par les habitants, au côté des dégradations dans les parties communes, des rats dans les poubelles et du mauvais entretien des logements.

4‐ Vous affirmez qu’Advivo ne possède aucun logement en rez‐de‐chaussée sur les six bâtiments réhabilités de la résidence du Champ de Mars. Il s’agit en effet d’une erreur d’interprétation. Notre témoin évoquait en réalité les logements du 1er étage, qui donnent bien de plain‐pied sur une grande cour intérieure accessible de l’extérieur par un escalier fermé. D’où l’impression de vivre au rez‐de‐chaussée.

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Par Blandine Flipo