En cette froide soirée de novembre, une pluie fine tombe sur la place principale de Châteaubriant, sous-préfecture de près de 12 000 habitants. Rendez-vous est pris à la brasserie L’Amazone, où un groupe d’amis partage un verre. Il y a encore un an, Nicole, Sylvie, Franck ou Philippe ne se connaissaient pas. Ils se sont presque tous rencontrés sur les ronds-points de Châteaubriant, mi-novembre 2018, après avoir entendu parler des gilets jaunes sur les réseaux sociaux, à la télévision ou par le bouche-à-oreille. « Je me suis dit, “tiens, les gens bougent, je vais y aller car cela fait trop longtemps que le travail ne paie plus” », raconte Jean-Christophe, jardinier de 45 ans. Pour Philippe, 62 ans et ancien fonctionnaire à la Défense, la baisse du pouvoir d’achat des retraités conjuguée à une taxe carbone jugée « injuste, car elle ne touche ni les bateaux de croisière ni les avions », l’ont décidé à sauter le pas.
Sylvie, enseignante spécialisée, voulait quant à elle pointer la « dégradation continue du service public », de l’éducation à l’hôpital en passant par la justice. Pierre, ingénieur agronome, y a vu l’occasion de dénoncer une société de consommation « dangereuse et suicidaire » pour la planète. Tandis que ces sont les convictions religieuses de Nicole qui ont poussé cette comptable à la retraite à rejoindre le mouvement quelques mois plus tard : « Je suis pour le partage, et quand je vois dans quelle société on vit, je trouve que c’est une belle cause d’aller combattre les injustices. »
Conscience politique
Des motivations disparates qui, pourtant, reposent toutes sur un même socle : le souhait de changer en profondeur de système politique, économique et social. « Dès le départ, on s’est tous sentis liés par quelque chose de supérieur, confirme Sylvie, 59 ans. Sur les ronds-points, on a énormément discuté. On s’est interrogés sur le fonctionnement de notre . . .