Violences sexuelles : l’université radie deux profs, la justice les blanchit

Deux enseignants de la faculté Jean-Jaurès de Toulouse ont été radiés pour des faits qualifiés de harcèlement sexuel et moral. Mais la décision de la justice de classer sans suite passe mal auprès des étudiantes et enseignantes qui ont porté le dossier.

mirail en 2018 Emmanuel Rionde
L'université Jean-Jaurès. / © Emmanuel Rionde

L’histoire hante l’université Jean‐Jaurès de Toulouse depuis près d’un an. Le 11 juillet 2019, la décision est affichée sur les murs de la fac : deux professeurs en arts plastiques sont « reconnus coupables de pratiques pédagogiques contraires à la déontologie de l’enseignant, ayant eu pour conséquence de placer les étudiantes et les étudiants dans une situation de harcèlement moral et sexuel ».

Les deux enseignants, dont les noms ne sont pas cités (nous les appellerons ici A. et R. – voir la Boîte noire de Mediapart), sont frappés d’une « interdiction définitive d’exercer des fonctions d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur ».
Treize témoignages d’étudiants
D’une sévérité inédite, cette décision a été prise par la commission disciplinaire, instance interne saisie au printemps par la présidente de l’université Emmanuelle Garnier après qu’elle eut pris connaissance, le 19 avril, d’un rapport où 13 élèves rapportent les propos et attitudes de ces deux enseignants. Des témoignages recueillis par Cynthia Nevache, elle‐même étudiante en arts plastiques et alors syndiquée à l’Union des étudiants toulousains (UET).

Les élèves qui témoignent dans ce rapport sont en licence, à l’exception de deux en master. Très majoritairement, ce sont des filles. Un peu plus de la moitié des récits sont anonymisés. Quatre se sont ajoutés entre avril et juillet. Devant la gravité des faits évoqués, les deux enseignants ont été suspendus provisoirement dès le mois de mai, en attendant que les deux commissions disciplinaires désignées (une par enseignant) statuent.

Les « considérants » des deux décisions affichées publiquement soulignent que les témoignages recueillis font état de « propos à caractère sexuel ou sexiste, relatifs à une situation économique ou familiale, à l’apparence physique, à l’appartenance ethnique supposée, à la tenue vestimentaire et à la vie personnelle des étudiantes et des étudiants jusque dans leurs aspects les plus intimes », tenus « de manière réitérée ».

Dans le cas de R., la section disciplinaire dénonce aussi des « pratiques inadaptées […], telles que l’incitation faite à un étudiant de jouer avec les bretelles d’une étudiante, malgré son désaccord clairement exprimé, sous le regard du groupe, accompagné des rires du professeur, ou la demande faite à une étudiante de se mettre “en tenue sexy” ».
Une affaire classée sans suite
« La décision de leur suspension m’a soulagée. Ç’a signifié que l’on pouvait parler et être entendue, ç’a enlevé un gros poids à pas mal de monde… », confie rétrospectivement Lila*, 21 ans, aujourd’hui en master après avoir suivi leurs cours pendant ses trois années de licence.

L’affaire, relatée par la presse régionale, éveille l’attention du parquet de Toulouse, qui ouvre une enquête dès le mois de mai. Mais le 18 novembre, un avis de classement sans suite est rendu. Dans le champ médiatique, l’effet est immédiat : le 11 décembre dernier, dans un court article, La Dépêche du Midi parle du « blanchiment » des deux enseignants. Colère des étudiantes qui ont porté le dossier et des enseignantes qui les ont accompagnées.

« Cette décision remet en question tout le travail que nous avons fait avec sérieux, précise Julie Jarty, membre élue de la section disciplinaire. Notre dossier comporte 90 pièces. C’est complet, c’est un vrai boulot qui a été mené avec beaucoup d’attention. Et les personnes qui composent cette commission disciplinaire tiennent à leur réputation et à leur respectabilité. Elles n’auraient jamais pris une décision si forte si le dossier n’était pas solide …

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Par Emmanuel Riondé