La vague #MeToo rattrape le milieu musical toulousain

Un ancien collaborateur de Jerkov Musiques, à Toulouse, est accusé par plusieurs jeunes femmes d’avoir eu des comportements toxiques dans un cadre professionnel. L’agent d’artistes aurait abusé de sa position pour tenter d’obtenir des faveurs d'une chanteuse, d'une collègue et de jeunes stagiaire et bénévole.

Music Too toulouse
/ © GC

Marine, Carole, Ambre et Camille*ont toutes répondu à l’appel lancé l’été dernier par #MusicToo, un collectif luttant contre les violences sexistes et sexuelles dans l’industrie musicale. Leur point commun : elles dénoncent les agissements de Michaël G., surnommé « Mika », qui travaillait jusqu’il y a peu comme agent d’artistes au sein de la structure toulousaine Jerkov Musiques. Bien connue dans le milieu, cette association toulousaine programme des concerts depuis 2004 et accompagne des groupes de musique en voie de professionnalisation. Salarié de l’association, Michaël G. aurait usé de son ascendant sur chacune d’entre elles pour tenter d’obtenir des faveurs sexuelles et, suite à leur refus, essayer de nuire à la carrière de plusieurs d’entre elles. 

Carole Corrao a 23 ans lorsqu’elle rencontre Michaël G. lors d’un concert de Bandit Bandit en novembre 2019. Elle « donne un coup de main » pour l’organisation, car elle est amie avec la chanteuse, Maëva Nicolas. Le quadragénaire est alors l’agent du groupe de rock lyonnais. Carole, elle, cherche à travailler dans le milieu. « Mika savait que j’avais besoin d’expérience dans la musique. Il a rapidement essayé de se rapprocher de moi, disant qu’il pouvait m’apprendre plein de choses », se souvient la jeune femme. Mais davantage que des conseils professionnels, ce sont des compliments sur son physique que Carole reçoit de la part de Michaël G., qui commente régulièrement les messages qu’elle poste sur les réseaux sociaux.

Alors que le nombre de messages s’intensifie à partir du premier confinement, en mars 2020 – Michaël G. multiplie les confidences -, le malaise s’installe. « Je réagissais le moins possible, car je n’avais pas envie de cette relation‐là », affirme Carole. En avril 2020, l’agent propose de répondre aux questions professionnelles de la jeune femme. « Notre visio a duré une heure trente. Il détournait la conversation pour me parler de lui et de ses relations amoureuses, se rappelle Carole. J’essayais de recentrer sur le travail. Et il m’a dit qu’il avait toujours rêvé de passer du temps avec moi, que j’étais la femme parfaite. À partir de là, il m’a envoyé des messages tous les jours. »

Le lendemain de la visio, de nouveaux messages insistants parviennent à Carole qui finit par lui faire part de sa gêne. « J’ai peut‐être tort, mais j’ai l’impression que tu recherches un peu plus qu’une simple amitié avec moi, lui écrit‐elle. Si c’est le cas, je préfère être honnête et te dire tout de suite que je te trouve vraiment trop cool, mais que je ne recherche vraiment rien de plus. » Michaël G. fait mine de comprendre tout en continuant à harceler la jeune femme de messages. « Il m’en envoyait presque tous les jours et réagissait à mes publications sur les réseaux sociaux pour me dire ‘’t’es sublime’’, ‘’j’adore comment t’es dans cette robe’’. Il m’a même demandé des photos privées de moi », témoigne‐t‐elle.

Les messages cessent en juillet quand la chanteuse Maëva, à qui Carole a confié son malaise, intime à Michaël G. d’arrêter. Carole évitera ensuite de parler à l’agent lorsqu’elle le croise en concert, jusqu’à se cacher de lui durant des soirées. « Je me suis dit que ça allait être compliqué de travailler avec Bandit Bandit. J’avais peur qu’il n’use de son influence », reconnaît celle qui est aujourd’hui attachée de presse indépendante dans la musique. Mais elle juge ne pas avoir été traumatisée par cette mésaventure. « J’ai pu m’en détacher, car je ne travaillais pas vraiment avec lui », résume‐t‐elle.

Ambre P., chanteuse, auteure, compositrice, mais aussi productrice dans l’Indie-pop, désormais connue sous le nom de scène de Cavale, a, quant à elle, subi un dénigrement de la part de l’ex-agent de Jerkov. Après la séparation de son premier groupe, la trentenaire se lance en solo en 2019. Alors que son premier EP [album composé de seulement quatre à cinq titres, NDLR] est quasiment terminé, elle rencontre une représentante du distributeur numérique Ditto Music lors du festival le Printemps de Bourges. Qui lui propose un alléchant contrat et lui présente un agent sur lequel elle ne tarit pas d’éloges : Michaël G.

Celui‐ci « se comportait déjà comme mon manager (terme anglais pour agent, NDLR), se rappelle la jeune femme. Il avait déjà réfléchi à tout le business plan. Donc je me suis dit que j’allais le prendre à l’essai ». La chanteuse revoit Michaël G. lors d’une fête, quelques semaines plus tard. Puis lui rend visite à Toulouse. Elle remarque sa tendance à vouloir s’immiscer dans sa vie privée, en se mêlant de ses relations amoureuses.

« Il a crié sur tous les toits que j’étais hystérique, que je serais incapable de travailler avec un manager, car j’étais ingérable », Ambre P.

Juillet 2019 : en résidence d’artiste à Lyon, où elle réside, Ambre invite son « quasi‐manager » et lui propose de l’héberger dans son appartement. Un malentendu s’installe. « De plus en plus tactile », selon Ambre, l’agent lui prend la main alors qu’ils sortent, ivres, de boite de nuit, à la fin de la résidence. « J’étais tétanisée et super mal le lendemain, se souvient Ambre. Alors qu’il était reparti, je lui ai donc envoyé un mail factuel de travail pour marquer une distance. Il a eu une réponse hyper condescendante, disant qu’il était déçu… Je lui ai répondu que mon message était uniquement professionnel. Il m’a envoyé quelques jours plus tard un mail m’annonçant la fin de notre collaboration. »

L’artiste poursuit malgré tout sa collaboration avec son distributeur et lance son album à la rentrée 2019. Elle se rendra compte, un an plus tard, que son ex‐agent a cherché à lui nuire à ce moment crucial. « Il a crié sur tous les toits que j’étais hystérique et incapable de travailler avec un manageur car ingérable. J’ai eu beaucoup de soucis l’année qui a suivi, avec mon distributeur et mes relations presse. Je n’ai pas de preuve concrète que c’est dû à lui, mais je m’interroge », s’étrangle-t-elle. Maëva Nicolas, la chanteuse du groupe Bandit Bandit, révélé par Michaël G. en 2018, précise :« Quand il pensait encore signer avec elle, il nous faisait comprendre qu’il y avait de l’attirance entre eux deux ». Ambre P., qui était déjà vigilante pour choisir son entourage professionnel, l’est désormais doublement. « J’ai fait un gros rejet de l’industrie musicale. Je suis effrayée à l’idée que Mika m’a peut‐être grillée dans le milieu », craint la chanteuse qui, après une pause musicale, s’est remise à composer et enregistrer en studio.

Les comportements de Michaël G. n’ont pas épargné ses propres collègues toulousaines. Marine Meunier l’a appris à ses dépens. Alors chargée de production chez Jerkov et les Jeudis du Rock (une structure proche de Jerkov), la trentenaire entretient une relation amicale avec son collègue de travail depuis 2017, soit plus d’un an. « Il se plaignait d’être célibataire. Je lui ai présenté une copine. Mais au bout d’un mois, celle‐ci m’a dit qu’il réagissait à toutes ses publications Facebook et lui envoyait des messages en pleine nuit », rapporte la jeune femme.

Marine se rend compte ensuite que son encombrant collègue s’immisce dans sa vie privée. « Je venais d’entamer une relation amoureuse que je voulais garder secrète. Je me suis rendu compte qu’il m’espionnait le jour où il m’a écrit qu’il savait avec qui je m’apprêtais à aller boire un verre », s’indigne Marine. « La première fois qu’il m’a vue avec mon nouveau copain, il m’a prévenue que, sans lui, je ne serais rien dans ce milieu. J’ai appris par mon réseau qu’il disait que je n’étais pas stable, poursuit‐elle. Il a tout fait pour que je lâche la gestion de certains artistes. Il s’acharne sur les nanas qui lui résistent. »

Au sein de Jerkov, ses alertes restent lettre morte. « Antonio Uras, le président de Jerkov, ne s’est jamais positionné. Charles Féraud, l’actuel coordinateur, m’a dit qu’il fallait laisser couler, assure‐t‐elle. Seul Christophe Rymland, le fondateur des Jeudis du rock m’a écoutée. Il a organisé une réunion puis réorganisé les plannings pour qu’on ne se croise plus dans les bureaux. » Marine décide de quitter Jerkov début 2019 et travaille aujourd’hui dans sa propre structure. Elle affirme avoir souffert pendant plusieurs mois d’angoisses, d’insomnies, d’idées noires et de dépression du fait des agissements de son ex‐collègue et du manque de soutien de ses collègues.

Pourquoi n’a‑t-elle pas porté plainte pour harcèlement ? Marine assure avoir abandonné l’idée face au refus d’une autre victime de s’associer à elle. C’est une autre histoire, celle de Camille*, qui l’a finalement convaincue de témoigner.

Les mécanismes de l’emprise

Pas encore bachelière et très attirée par le milieu de la musique, Camille* fait la connaissance de Michaël G. au Printemps de Bourges 2019. La jeune Angevine, âgée de tout juste 20 ans à l’époque, n’a pas de logement sur le festival pour le deuxième soir, car elle a prévu de rentrer dans la foulée du dernier concert. Serviable, le quadragénaire lui propose de l’héberger dans un appartement qu’il occupe avec des amis. Rien ne se passe entre les deux adultes, mais la jeune femme tique un peu quand elle se retrouve seule avec lui, en caleçon, le lendemain au petit déjeuner.

Ils restent en contact sur les réseaux sociaux. Intéressée par l’expérience professionnelle de Michaël G. et l’éventualité d’un stage, l’étudiante l’interroge par messages sur son métier. « Tu veux des informations, coquine. Viens à Toulouse », lui intime‐t‐il dans une discussion de mai 2019, avant de l’avertir – sans préciser qu’il blague – qu’il lui « fermera la porte » si elle n’accepte pas son invitation. « Comme j’avais peur qu’il ne veuille plus me former, je disais « oui, promis’’ », reconnaît Camille*, partagée entre son admiration pour l’agent et ces échanges qu’elle trouve « bizarres ». Car Michaël G. n’en reste pas là. Profitant de son ascendant sur la jeune femme, il lui envoie de nombreux messages sur les réseaux sociaux, assortis de cœurs et de flammes et souvent tard le soir. Il renouvelle régulièrement ses invitations à le retrouver à Toulouse.

Le 30 juillet 2019, l’agent propose à Camille* de le rejoindre dans sa maison de vacances en Vendée, à environ une heure de chez les parents de la jeune fille. Celle‐ci accepte et s’y retrouve seule avec lui, à son grand étonnement. Elle y reste seulement un après‐midi. Et décrit une sorte d’emprise de l’homme qu’elle considère alors comme un mentor. « Je me sentais manipulée. Pour m’expliquer ce qu’était la Programmation neuro‐linguistique (PNL), il me prenait comme exemple et interprétait tous mes gestes. Il me donnait l’impression qu’il avait cerné ma personnalité. C’était déstabilisant, je me sentais scannée. »

Son bac en poche, Camille* entame une formation d’un an à Issoudun pour devenir chargée de production musicale en octobre 2019. L’emprise du quadra se renforce lorsque son stage de fin de formation est annulé à cause du Covid et qu’elle se tourne alors vers lui, en désespoir de cause. Michaël G. accepte de la prendre en stage chez Jerkov à l’été 2020. Il lui fait même miroiter un emploi d’assistante. « L’association m’aurait apporté la moitié des cachets nécessaires pour que je bénéficie de l’intermittence. C’était le Graal ! », s’exclame Camille*, 22 ans aujourd’hui. Son nouveau maître de stage lui propose de loger dans une chambre de sa colocation toulousaine. Avant de partir, elle fait part de ses doutes au directeur de sa formation, qui lui conseille de refuser la proposition de l’agent. Lequel, entre temps a déménagé à Draguignan, et revient à la charge en offrant de l’y accueillir. La jeune femme décline et opte pour le télétravail depuis chez elle.

Le stage se déroule donc à distance, et sans grand intérêt aux dires de Camille*, désabusée par le peu de suivi de son tuteur. En septembre 2020, celui‐ci lui organise un itinéraire inutilement alambiqué pour qu’elle vienne assister à une réunion de Jerkov à Toulouse, puis à la résidence du groupe Bandit Bandit à Montpellier. « J’ai mis un temps fou à comprendre qu’il m’embrouillait, en me faisant passer deux fois par Montpellier, sûrement pour passer le plus de temps possible avec moi », s’agace-t-elle. Désemparée, la jeune femme confie son désarroi à Hélène Maigné, une chargée de diffusion de Jerkov, qui vient à peine de découvrir l’existence de cette stagiaire cachée. « Michaël m’avait isolée, je n’avais de contacts avec personne. Je me sentais emprisonnée, car en pleine période de Covid, personne n’allait me proposer un emploi », confie la jeune femme.

Son récit correspond aux mécanismes de l’emprise décrits par Laure Atteia, cofondatrice d’une permanence d’écoute pour les victimes de violences sexistes et sexuelles destinée aux professionnels de la culture à Toulouse. « Dans la stratégie des agresseurs, on retrouve certains fondamentaux, comme générer la peur, valoriser ou survaloriser sa propre influence pour créer de l’isolement », décrit‐elle. Camille s’est même sentie dénigrée par son tuteur. « Il m’a dit être le recruteur en booking de Jerkov, en ajoutant “je n’aurais jamais pensé à toi, tu hésites quand tu parles, tu bégaies, tu n’es pas sûre de toi, il faut avoir un profil d’école de commerce », témoigne la jeune femme. Qui reconnaît que ces remarques ont « pendant longtemps étiolé (son) ambition d’être bookeuse » [personne qui décroche des dates de concerts pour un groupe, NDLR]. Un sentiment de dénigrement partagé par Hugo Fonti, le batteur de l’ancien groupe Ulster Page, dont Michaël a été l’agent pendant trois ans : « Il fait croire qu’il a du poids, que sans lui, on n’est rien ».

« Je me disais que ce n’était pas si grave tant qu’il ne m’avait pas touchée. J’ai minimisé, car j’avais peur d’être l’hystérique qui voit le mal partout », Camille*

Reprenant en main le stage de Camille*, Hélène Maigné alerte la direction de Jerkov, qui interroge Michaël G. dans la foulée. Celui‐ci envoie alors un mail à sa stagiaire, en mettant toute l’équipe en copie. Jouant la victime, il affiche une douloureuse surprise et demande à sa stagiaire d’éclaircir « ces accusations très graves ». Cette défense n’a pas manqué de faire réagir son ancienne collègue Hélène : « On lui a tendu une perche pour qu’il s’excuse, mais il a décidé d’être dans le déni. Ce n’était pas la première fois qu’il avait des comportements problématiques. Camille* a été la goutte d’eau. »

Malgré la demande d’Hélène, Michaël restera encore plus d’un mois chez Jerkov avant d’en être écarté, tout en restant impliqué dans deux structures proches de l’association. « Quand j’ai su qu’il restait, je me suis demandé s’il fallait un viol pour qu’il y ait une vraie décision », s’emporte Hélène, qui souligne « la violence psychologique immense » subie par la stagiaire. Cette dernière a pourtant hésité longuement avant de témoigner sur la plateforme #MusicToo. « Je me disais que ce n’était pas si grave tant qu’il ne m’avait pas touchée. J’ai minimisé, car j’avais peur d’être l’hystérique qui voit le mal partout », explique‐t‐elle. La jeune femme, qui a monté sa propre structure de management d’artistes, reconnaît que « la relation avec les hommes du secteur (lui) fait peur ».

L’auteur présumé des violences dans le déni

Contacté dans le cadre de cette enquête, Michaël G. nie toujours les conséquences néfastes de son comportement, plusieurs mois après les faits. «J’aimerais bien avoir des preuves. Cela fait plusieurs mois que j’essaie de me défendre, mais c’est impossible, car il y a des rumeurs qui tournent autour de moi. On a fait tout pour me mettre de côté. On veut me détruire », estime‐t‐il, rejetant les accusations de manipulation et de chantage.

S’il reconnaît avoir fait « de la dragouille » à Carole, il affirme n’avoir « jamais essayé d’avoir quoi que ce soit d’intime » avec les autres femmes citées précédemment. La chanteuse Ambre lui en veut ? C’est parce qu’il a stoppé la collaboration avec elle. Sa relation avec sa collègue Marine a dégénéré ? C’est parce qu’elle lui aurait menti, assure‐t‐il sans parvenir à s’expliquer clairement et niant avoir cherché à nuire à sa carrière. Sa stagiaire Camille* s’est sentie manipulée ? « Je n’ai rien fait de mal », jure‐t‐il, s’estimant victime d’un complot. « Je peux être bourrin et maladroit, mais j’ai quand même une éducation. Je sais que tout le monde m’en veut, car je suis entier, je fonce, je peux bousculer les gens, reconnaît‐il, tout en s’exclamant, entre deux sanglots : « C’est incroyable, car je suis quelqu’un d’hypersensible, je donne tout à tout le monde ! »

Selon nos informations, l’agent collabore avec une nouvelle entreprise de distribution, le Pool Metal Jacket. Il souhaite qu’il y ait des plaintes pour pouvoir « s’expliquer » et « laver son nom ». À ce jour, aucune plainte n’a été déposée. 

Dans le milieu toulousain de la musique, les témoignages recueillis par #MusicToo et dans le cadre de notre enquête ont amorcé une prise de conscience. Le groupe I Me Mine a mis fin à sa collaboration avec Michaël G. en début d’année. « Cela a été un long processus collectif. Nous avons écouté deux fois sa version des faits. Il considérait qu’il n’avait jamais fait de tort à personne, ce qui nous a déçus et a fermé toute possibilité d’envisager la suite de notre collaboration », explique Guillaume Thiburs, le batteur du groupe. Une autre formation, Lysistrata, a elle aussi quitté la structure, pour des raisons d’« usure de la collaboration » en partie liées aux révélations. Bandit Bandit, groupe que Michaël G. a révélé en 2018, a décidé en octobre 2020 de stopper la collaboration et a imposé à son nouveau manager une clause de moralité.

Ébranlée, Jerkov Musiques a entrepris de son côté un travail de réflexion et de refonte, comme nous le verrons dans le deuxième volet de cette enquête.

Cette enquête est partie des cinq témoignages que la plateforme #MusicToo nous a confiés début 2021. Ceux‐ci convergeaient vers les agissements d’un même collaborateur de l’association Jerkov Musiques, Michaël G., qui a récemment écarté de la structure. Il lui est reproché sa drague lourde, ses mensonges, son chantage, ses méthodes d’intimidation, de manipulation et d’emprise morale sur des chanteuses, collègues ou stagiaires, majeures, mais souvent beaucoup plus jeunes que lui.

Carole Corrao, Marine Meunier et Ambre P. ont accepté de témoigner sous leur vraie identité, tandis que Camille*, démarrant tout juste sa carrière, a préféré se protéger sous un pseudonyme. Une cinquième victime a, quant à elle, souhaité que son témoignage n’apparaisse pas dans cet article. Toutes nous ont montré des traces écrites des échanges qu’elles évoquaient, et craignent des représailles et une vengeance. À ce stade, Michaël G. est présumé innocent et aucune plainte n’a été déposée contre lui.

Pour cette enquête, nous avons également interrogé 25 anciens collaborateurs de Jerkov ou acteurs du milieu musical, à Toulouse, mais aussi dans d’autres villes de l’hexagone. Tous, hommes et femmes, ont corroboré le profil dépeint par les victimes d’un manipulateur toxique. Nous nous sommes par ailleurs entretenus avec les deux dirigeants actuels de Jerkov et avec celui des Jeudis du rock. Michaël G. nous a accordé un entretien d’une heure, durant lequel il n’a que très partiellement reconnu les torts qui lui sont reprochés. Malgré notre proposition, il ne nous a envoyé aucun document pour prouver sa bonne foi.

Au fil des témoignages recueillis, nous avons compris que d’autres violences avaient été subies il y a six ans au sein de Jerkov Musiques. Nous y reviendrons dans le deuxième volet de cette enquête, qui s’intéressera également aux conséquences engendrées par #MusicToo et par notre enquête.

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Par Armelle Parion