La voiture fait tellement partie de notre quotidien qu’on n’a pas toujours conscience de la manière dont elle a transformé l’environnement urbain. Historien spécialisé en environnement urbain du 20e siècle, Tristan Loubes concentre ses recherches sur les nuisances générées par le développement de la circulation automobile en Europe occidentale et en Amérique du Nord, entre les années 1920 et 1980. Toulouse fait partie de ses terrains de recherche. Il explique comment le développement de l’automobile est l’histoire d’un « chemin de dépendance ».
Mediacités : À quelle(s) période(s) la voiture s’est‐elle le plus développée, en France et à Toulouse ?
Tristan Loubes : Il y a eu deux périodes, d’abord dans l’entre‐deux‐guerres, où la société de consommation prend son premier pied d’appui, puis à la période des Trente glorieuses. Dans les années 1930, tout le monde cherche à se payer un poste TSF, mais on voit aussi beaucoup de publicité dans les journaux pour les voitures. Dès la fin des années 1910, les grands constructeurs sont déjà puissants. Citroën, par exemple, se paie dans le Petit Provençal, La Dépêche du Midi ou Le Midi socialiste des doubles pages hebdomadaires de publicité.
Il y a‑t‐il eu un âge d’or durant lequel l’automobile était plébiscitée sans réserve ?
Il n’y a pas d’âge d’or absolu de l’automobile. Dans l’entre‐deux‐guerres, il y a eu une phase d’engouement, avec l’apparition de l’émission Automoto, l’ancêtre de l’Équipe, dans laquelle on raconte, de façon homérique, les premières courses automobiles. À l’époque, il y a des concours de beauté automobile au Boulingrin (l’actuelle place du Grand Rond). Une culture automobile se construit, autour de nombreux adeptes. Un tiers de la population environ a une voiture. Il y a un intérêt très clair pour le développement de l’automobile.
Mais j’ai du mal à parler d’âge d’or, car cet engouement va de pair avec un énorme travail des administrations pour essayer de contenir le phénomène. Au début de mes recherches sur le sujet, je suis tombé sur des milliers de lettres de plaintes dans les archives de Lyon. Je me suis rendu compte que personne …