Jeudi 3 octobre, il y a tout juste une semaine, un jeune demandeur d’asile tchadien décédait dans des conditions indignes sur le site du gymnase Jeanne Bernard à Saint‐Herblain. La mort d’Omar est un terrible échec pour tous les bénévoles qui viennent apporter un peu de réconfort à tous les occupants, et les associations se sont d’abord adressées à ses amis et sa famille pour partager leur douleur.
Mais pendant que les associations demandaient que l’on respecte le temps du deuil, la polémique sur les responsabilités était lancée par les Maires de Nantes et Saint Herblain.
Quelques heures après l’annonce du décès, Johanna Rolland déclarait « Qu’attend le ministère de l’Intérieur pour agir ? Ça fait des mois que les élus et associations interpellent l’État. Alors que l’accueil et la mise à l’abri des migrants sont de sa responsabilité, l’État ne bouge pas le petit doigt. Ce n’est plus possible. ». Côté Saint‐Herblain, Bertrand Affilé faisait une déclaration comparable : « Mon courrier au ministre est resté sans réponse. Que fait le ministre ? Concernant Jeanne‐Bernard, l’État a déjà été condamné mais a refusé de mettre en œuvre cette évacuation ». Le Préfet, piqué au vif, faisait ensuite porter la responsabilité de la situation aux collectifs ayant accompagné les migrants qui se sont mis à l’abri sur ce site.
Tous ces propos sont profondément choquants.
Choquant le cynisme du Préfet, qui accuse les associations de faire venir plus nombreux encore les migrants au gymnase. De la part du premier représentant de l’État sur le département, une telle désinformation est scandaleuse. C’est à l’État d’assurer la protection des demandeurs d’asile qui arrivent ici ou ailleurs, voire de répartir les hébergements sur le territoire français si une préfecture n’a pas la capacité d’accueillir tout le monde. Plus largement, c’est à l’État qu’il incombe de mettre à l’abri toute personne sans abri en situation de détresse.
« Tous les acteurs publics ont leur part de responsabilité »
Mais à Nantes, tout s’est passé comme si la préfecture voulait laisser pourrir la situation au gymnase Jeanne Bernard. Pour se justifier, M. le Préfet soutient que ce sont les associations de soutien aux migrants « qui ont ouvert illégalement la porte du gymnase et ont mis les migrants dans cette situation ». Mais, chacun sait parfaitement qu’environ 60 demandeurs d’asile sans abri sont allés dans ce gymnase désaffecté car ils avaient été chassés sans ménagement et sans offre d’hébergement par la ville de Nantes en octobre 2018 de sous un pont au square Vertais.
Peut‐on reprocher à des associations de chercher en urgence un toit pour des personnes à la rue lorsque tous les pouvoirs publics leur refusent des bâtiments vides qui feraient l’affaire ? Et si le gymnase s’est progressivement rempli, c’est encore parce que l’État n’assume toujours pas ses obligations, voire que ses services ont renvoyé vers ce gymnase bon nombre d’exilés, car le 115 n’a pas suffisamment de places d’hébergements d’urgence à proposer. Le comble pour quelqu’un qui veut faire porter la responsabilité de la situation par les collectifs !
Nous voulons déclarer ici que tous les acteurs publics ont leur responsabilité dans l’état d’abandon où sont laissés ces exilés, jusqu’au drame de jeudi. Et que les associations attendent depuis des mois un lieu de concertation pour ensemble mettre tout le monde à l’abri.
Nous interpellons l’État pour cela. Mais nous nous sommes tournés aussi sans plus de succès vers les Maires de Nantes et de Saint‐Herblain, vers le Président du Département et la Présidente de la Région pour mettre à disposition des locaux vides de l’agglomération pour un hébergement plus digne que le gymnase. Et là encore, nous n’avons reçu que des réponses négatives : « nous n’avons pas de bâtiments » (sic), ou bien « nous le ferons lorsque l’État aura fait le premier pas ».
En juillet dernier, suite à la proposition de Johanna Rolland de mettre à disposition 70 places, l’inter-collectif « personne à la rue » lui a écrit, avec l’accord des occupants du gymnase, pour que les plus fragiles d’entre eux – femmes enceintes ou avec enfants, mineurs et malades – soient très vite sortis de cet enfer. Pas de réponse côté mairie, tandis que la préfecture se contentait de rétorquer que toutes les femmes qui se sont signalées au 115 ou connues de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) étaient prises en charge. Ce qui était cruellement faux.
Personne ne peut imaginer face à ce mur de mépris, tout le travail que les bénévoles font quotidiennement sur place pour nourrir, veiller à l’accès au soin pour les malades, sortir les femmes et les familles de cette promiscuité, etc., sans aucun appui des pouvoirs publics, sans aucune reconnaissance du travail réalisé.
Depuis des mois nous alertions les pouvoirs publics sur les dangers liés à la promiscuité : incendie, maladies contagieuses, stress générant de graves problèmes psychologiques, impossibilité d’accéder à un minimum d’hygiène…
« Pourquoi avoir attendu si longtemps ? »
Ce mardi le Préfet lançait la mise en œuvre de l’ordonnance du tribunal administratif pour identifier les occupants au regard de leur situation administrative et leur vulnérabilité. Il doit ensuite installer les équipements nécessaires à l’hygiène et à la salubrité. Premier pas vers l’hébergement des occupants ? Le tribunal ne l’y oblige pas.
Mais pourquoi avoir attendu si longtemps après la première décision de justice de mars 2019 ? Pourquoi avoir laissé toutes ces personnes dans un état d’abandon total ?
Qui peut croire qu’il ne serait pas possible de mettre à l’abri toutes les personnes qui dorment à la rue, sous les ponts, dans des squats, des bidonvilles, leurs voitures ?
Et quelle amertume de penser qu’Omar aurait pu être soigné si le nécessaire avait été fait à temps.
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