Au Mipim de Cannes, les « marchands de ville » redessinent nos métropoles

Chaque année, en mars, élus locaux et investisseurs mondiaux se retrouvent sur le littoral méditerranéen pour le Marché international des professionnels de l’immobilier. Un « avant-poste » de la financiarisation de la ville qui transforme des pans entiers de nos métropoles en simples actifs immobiliers, décrit, dans l'entretien qu'il a accordé à Mediacités, le chercheur Antoine Guironnet, auteur d'un livre-enquête sur ce sujet.

MIPIM 2019 – ATMOSPHERE – EXHIBITION AREA – INSIDE VIEW
Stand d'exposition lors du Mipim 2019. Photo : S. d'HALLOY / IMAGE&CO

« La finance a bien un nom et un visage, il suffit de regarder la liste des participants au Mipim. » Au fil de son livre Au marché des métropoles (éditions Les Étaques, 2022), le chercheur Antoine Guironnet s’attache à incarner cette finance réputée impalpable, aux effets pourtant bien concrets pour les habitants des grandes agglomérations. Dans les travées du Marché international des professionnels de l’immobilier ou « Mipim » justement, salon qui se tient chaque année à Cannes, se pressent des promoteurs et autres acteurs du secteur d’une centaine de pays. S’y rendent aussi des élus locaux de plus en plus dépendants de leur capacité à attirer des capitaux du monde entier pour mener à bien leurs projets. 

L’édition 2022 se tiendra du 15 au 18 mars prochains. Comme l’an dernier, l’écologiste Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, y sera, ainsi que Grégory Doucet, maire (EELV) de Lyon. Ils pourront y croiser Jean‐Luc Moudenc, le maire (LR) de Toulouse et président de Toulouse Métropole, ou encore Damien Castelain, président de la Métropole européenne de Lille (MEL). Dans leurs besaces ? Bureaux, commerces, logements… Autant d’actifs interchangeables qu’il s’agit de « vendre » au mieux‐disant, quitte à rogner sur certains objectifs politiques pour mieux séduire les investisseurs.

En documentant ces habits neufs du capitalisme urbain, Antoine Guironnet plaide en creux pour un débat public, presque inexistant aujourd’hui : le type de ville privilégiée par les acteurs financiers va‐t‐il dans le sens de l’intérêt général ? Les élus doivent‐ils se rendre à ce salon et participer à la normalisation de cette logique néolibérale ? Des formes de contestation « du Mipim et son monde » sont‐elles possibles ? « La financiarisation de la ville pose un vrai défi démocratique », estime le chercheur. 

Mediacités : Le cinéma a son festival de Cannes, l’immobilier aussi. Comment décrire ce qu’est le Mipim ?

Antoine Guironnet : C’est un salon très important, créé il y a un peu plus de trente ans par la société Reed Midem. Le parallèle avec le cinéma n’est pas si incongru, parce que cette société opérait plutôt dans le secteur de la télévision et de l’industrie musicale avant d’appliquer le modèle des salons audiovisuels au secteur de l’immobilier alors en plein essor.

Pendant quatre jours, cet événement rassemble à Cannes près de 25 000 personnes*. Ce sont les principaux acteurs de la chaîne de l’immobilier : promoteurs, agents immobiliers, experts fiscalistes, urbanistes, mais surtout des investisseurs institutionnels, comme des fonds de pension, des fonds souverains ou des sociétés de gestion d’actifs, et des collectivités ou des aménageurs. Le salon est réservé à des professionnels triés sur le volet, avec un ticket d’entrée de 1 000 euros, sans compter les frais annexes. Ce n’est pas un salon pour Monsieur ou Madame tout le monde qui voudrait acheter un appartement sur plan. 

Une fois réunis à Cannes, que font ces acteurs ? 

Le cœur du salon est sa zone d’exposition dans le Palais des festivals. On y trouve des exposants qui vendent leurs services aux visiteurs – depuis des études stratégiques jusqu’à la gestion locative en passant par la promotion immobilière – mais aussi des conférences. Il existe également un palmarès, « les Mipim Awards » décernés chaque année, qui reprennent un peu …

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Publié le

Temps de lecture : 13 minutes

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Propos recueillis par Mathieu Périsse