Mediacités réclame depuis trois ans les notes de frais de la présidente socialiste du conseil régional d'Occitanie. Une obligation légale que Carole Delga se refuse à respecter à l'instar de son homologue Laurent Wauquiez. Notre journal a donc saisi le tribunal administratif de Toulouse le 2 septembre 2025.
Le 2 juin 2025, pour l’inauguration des premières éoliennes flottantes à Port‐la‐Nouvelle (Aude), elle portait une veste Hillary verte à 450 euros. Quelques jours plus tard, le 13 juin, lors d’un déplacement à Perpignan, c’est une robe Robe Zabou Saint‐Malo en jersey à motif floral, commercialisée au prix de 375 euros, qu’arborait la présidente de la région Occitanie. L’année précédente, le 15 novembre 2024, on l’a vue dans une robe mi‐longue en soie couleur prune de marque Sandro à 245 euros… Voila quelques exemples de pièces vestimentaires portées par Carole Delga ces derniers mois.
Ce ne sont que des exemples, et rien ne dit que la garde‐robe de la présidente est acquise aux frais du contribuable. Mais après les fastueux dîners de Laurent Wauquiez, révélés par Mediapart en 2022, et les luxueuses tenues de la maire de Paris Anne Hidalgo, dont l’édile s’est justifiée en prônant son rôle d’ambassadrice de la France, la question se pose. Et est difficile à vérifier. Car, comme Laurent Wauquiez et Anne Hidalgo, Carole Delga refuse toute transparence sur ses notes de frais, malgré nos demandes répétées depuis trois ans.
Pour nous aider à obtenir les notes de frais de Carole Delga, faites un don défiscalisé à Mediacités
Trois en d’attente, six demandes officielles, une injonction de la Cada et… toujours rien. Pour obtenir les notes de frais de Carole Delga, nous voilà contraints de porter l’affaire devant le tribunal administratif. Une procédure longue, fastidieuse et qui peut s’avérer coûteuse comme ce fut le cas avec Laurent Wauquiez. Vous pouvez nous aider à faire face à ces coûts en effectuant un don défiscalisé à notre journal, en bas de cet article ou sur cette page spéciale.
Il s’agit pourtant d’une obligation légale. En juillet dernier, au terme d’un marathon juridique, le Conseil d’État a donné raison à Mediacités face au président d’Auvergne‐Rhône Alpes. Celui‐ci devra nous transmettre ses notes de frais. Fort de cette jurisprudence, Mediacités se retrouve contraint à assigner Carole Delga au tribunal administratif de Toulouse. C’est chose faite depuis le 2 septembre dernier.
Première demande en novembre 2022
Notre première demande remonte au 10 novembre 2022. Ce jour‐là, nous adressions à la collectivité une requête pour obtenir « les reçus, justificatif, factures et notes de frais des frais de séjour, frais de déplacement, frais de restauration (avec le cas échéant, les noms des personnes invitées), frais de représentation, frais de mission et frais d’exécution des mandats spéciaux de la présidente du Conseil Régional d’Occitanie Carole Delga, de l’exécutif, ainsi que des membres du cabinet, pour les années 2020, 2021 et 2022 ».
Face à l’absence de réponse, cette demande a été renouvelée le 8 septembre 2023 puis le 12 janvier 2024. Un mois après notre dernière demande, nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada).
Celle‐ci a rendu un avis positif le 30 avril 2024, estimant notamment que « les reçus, justificatifs, factures et notes de frais de séjour, frais de déplacement, frais de carburant, frais de péage, frais de représentation d’élus locaux ou d’agents publics et frais de restauration, sont des pièces justificatives de dépenses qui constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. »
Des promesses non suivies d’effet
Avant même de recevoir cet avis de la Cada, la responsable de l’accès aux documents administratifs de la Région, la juriste Aurélia Marcadé, nous fait parvenir un courrier, le 27 février 2024, dans lequel la collectivité promet d’envoyer les documents de manière échelonnée, en raison du « volume conséquent de pièces » demandées. Une promesse réitérée le 29 octobre 2024 par courriel.
Dans son avis, la Cada prend « bonne note de l’intention du conseil régional d’Occitanie de communiquer prochainement l’ensemble des documents demandés, et de procéder à cette communication de façon progressive en raison de la lourde charge de travail qu’elle impose à ses services », et du fait qu” « il n’a toutefois pas entendu opposer à la demande son caractère abusif. »
Pourtant, nous n’avons toujours pas reçu les notes de frais à ce jour. Conforté par l’avis favorable de la Cada, notre média a renouvelé sa demande le 26 septembre 2024, le 29 octobre 2024 et le 23 janvier 2025.
Ce refus est illégal, puisque la communication des notes de frais des élus régionaux relève de l’intérêt général. Il porte atteinte à l’article 10 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
C’est pourquoi nous avons saisi le Tribunal administratif de Toulouse le 2 septembre dernier.
Le Tribunal administratif de Lyon, dans sa décision rendue le 21 mai 2024, puis le Conseil d’État le 23 juillet 2025, ont donné raison à notre journal concernant la communication des notes de frais du président de la région Auvergne Rhône‐Alpes, Laurent Wauquiez. Notre demande constituant un cas tout à fait similaire, il est fort à parier qu’elle recevra un pareil traitement.
Procédures coûteuses
Dommage néanmoins de devoir en passer par la case tribunal pour obtenir des documents censés être public. D’autant plus dommage que de telles procédures sont non seulement longues et fastidieuses mais aussi coûteuses. Dans le cas de Laurent Wauquiez, contraint d’aller jusque devant le Conseil d’État, notre journal a du débourser près de 8 000 euros.
L’affaire Delga nous reviendra‐t‐elle aussi cher ? Difficile à dire. Mais nous préférons prendre les devants et mettre suffisamment de côté pour assumer les coûts d’une telle procédure au moins jusqu’en appel. Soit au moins 4 000 euros. Vous pouvez nous aider à surmonter cette dépense en effectuant un don (défiscalisé à 66%)* à Mediacités.
* Un don de 50 euros vous reviendra à un peu plus de 16 euros après déduction fiscale.
Mediacités n’est pas remboursé de leur frais de justice après condamnation des collectivités qui refusent de se plier au jugement ?
Bonjour,
Merci pour votre message. Dans le cas de l’affaire Wauquiez par exemple, le Conseil d’État a en effet condamné la Région Auvergne‐Rhône‐Alpes à verser à Mediacités 3000 euros au titre des frais de justice. Mais cette somme est loin de couvrir l’ensemble des frais engagés. Sans même parler du temps et de l’énergie consacrés à obtenir ces documents (qui devraient être disponibles sur simple demande) que nous ne pouvons pas employer à mener d’autres enquêtes. Le comble étant que nous avons depuis du à nouveau saisir la justice pour… faire exécuter la décision du Conseil d’État. En effet, si la Région nous a bien versé la somme prévue, elle ne nous a en revanche toujours pas communiqué les notes de frais de Laurent Wauquiez et de ses collaborateurs. Signe que le problème n’est vraiment pas l’argent, mais bien la transparence.
Et que dire quand c’est une simple citoyenne, sans l’appui d’un journal, qui demande la communication de 4 documents à sa mairie, dont le détail de 2 comptes sur une année, et que la justice administrative refuse au motif que ça fait beaucoup trop et risque en plus (ou surtout) de créer de la polémique.
La condamne de surcroit à payer 800 € à la commune. Bonjour la démocratie !
Avec un maire qui parle au juge comme s’il était un mafieux. Et ça marche !
Avec un Conseil d’état qui refuse de casser le jugement (pas d’appel sur ce genre de recours), et s’assoie donc sur la Constitution.
Reste la CEDH, en cours.
Quand médiacités se plaint…
Je trouve également scandaleux qu’une collectivité locale refuse de faire ce qu’impose la loi.
Mais le début de votre article me déplaît beaucoup. Vous y reprochez implicitement à Mme Delga de porter des tenues trop chères, d’en changer trop souvent et de faire payer ce luxe par les contribuables. En outre, la photo où l’un de ceux‐ci sourit largement à la présidente de région en robe légère d’été peut suggérer que Mme Delga se serve de sa beauté corporelle et de l’art de s’habiller à des fins électorales ; sur une photo prise à une autre saison elle apparaîtrait moins sexy.
Je ne suis pas partisane de Mme Delga, mais je trouve démagogique d’utiliser de tels procédés contre elle.
Presque toutes les femmes et presque tous les hommes cherchent à se mettre en valeur par leur apparence vestimentaire, et certain(e)s y réussissent mieux que d’autres. Je pense que cette envie est encore plus forte et plus facile à comprendre chez ceux qui occupent une fonction représentative. Mais reproche‐t‐on à nos « hommes publics » de porter des costumes sur mesure ? Pour une femme par contre, c’est mal de se rendre plus belle par l’habillement !
Parmi les femmes et les hommes disposant de plusieurs milliers d’euros de revenus mensuels, personne ou presque ne va s’habiller en seconde main chez Emmaüs (on en revient souvent bredouille) ou en première chez Zara, HM etc. (c’est de trop mauvaise qualité et trop mauvais pour plein de choses). S’équiper chez « son » habilleur ou « son » habilleuse qui connaît vos goûts et vos exigences et vend des produits de qualité est, certes , bien plus cher, mais aussi bien pratique, surtout quand on a un métier dévoreur de temps. Que diriez‐vous si nos élu(e)s s’habillaient n’importe comment ou si pour acquérir les tenues de la saison à venir, ils faisaient les magasins pendant une semaine au lieu de s’occuper des affaires nous concernant ?
Quant aux prix des vêtements de Mme Delga, je m’excuse, mais 300 euros de moyenne, c’est un prix de vente tout à fait courant pour une robe chic fabriquée dans un pays européen et dans des conditions de production respectueuses de l’environnement.
Ne parlez donc du prix des vestes, robes, pantalons, costumes, manteaux, chapeaux, chaussures et chaussettes de nos élus que lorsque vous aurez l’évidence que le total des dépenses les concernant est exorbitant. Pour le connaître, il faudra en effet qu’on vous remette les documents correspondants.
J’aime Médiacités quand vous restez objectifs.
Bonjour, merci pour votre message. Nous concevons que l’accroche de notre article vous ait déplu. Nous précisons bien cependant que rien ne nous permet d’affirmer que Madame Delga a financé ses tenues avec l’argent des contribuables. Mais il est légitime de se poser la question, néanmoins, dans la mesure où la collectivité refuse de nous communiquer ses notes de frais depuis trois ans, et vu les récentes révélations concernant la Mairesse de Paris. La question n’est pas de savoir si un ou une politique a le droit de « se mettre en valeur », mais plutôt celle de la provenance de l’argent dépensé à ces fins. Par ailleurs, quand vous écrivez que « la photo où l’un de ceux‐ci sourit largement à la présidente de région en robe légère d’été peut suggérer que Mme Delga se serve de sa beauté corporelle et de l’art de s’habiller à des fins électorales ; sur une photo prise à une autre saison elle apparaîtrait moins sexy », il s’agit de votre interprétation, car ce n’était absolument pas notre intention de suggérer cela. Nous nous sommes servis d’une photo de la présidente que nous avions dans notre banque de données : cette dernière y sourit, comme sur la plupart des photos où elle incarne son rôle.