Référence de l’aide aux femmes victimes de violences, Solfa voit sa vocation remise en cause

Alors qu’est célébrée ce 25 novembre la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes, la principale association de lutte contre ce fléau dans la métropole lilloise subit une réorganisation brutale. Avec des salariés en souffrance qui s’interrogent sur la priorité accordée à leur mission et des financeurs qui commencent à prendre leurs distances, c’est l’accueil des victimes de violence qui est fragilisé.

Rosa, lieu d'accueil de jour pour les femmes victimes de violences de l'association Solfa. Cliché pris en 2018. Photo : Cécile Bidault/Radio France/Maxppp

« J’étais au téléphone avec une femme victime de violences. Son mari a débarqué pendant l’appel. Je ne savais pas quoi lui dire : je n’étais pas sûre d’avoir de nuit d’hôtel à lui proposer si je lui demandais de quitter son domicile », raconte Ginette*, la gorge serrée. L’intervenante sociale travaille depuis plus de dix ans au sein de l’association Solfa mais elle n’avait jamais été confrontée à cette situation. Le premier acteur de l’accompagnement des femmes victimes de violences dans la métropole lilloise traverse une crise profonde.

En septembre, « toutes les salariées du service « écoute » étaient en arrêt, confirme une autre salariée. Résultat, quand les femmes appelaient pour faire part des violences de toutes sortes (physiques, administratives, psychologiques, sexuelles…) qu’elles subissent de la part de leur mari ou de leur petit ami, personne ne répondait au bout du fil. Elles étaient en souffrance et se retrouvaient face à une ligne qui sonnait dans le vide ». Ce service tournait déjà a minima en août avec une seule salariée présente contre trois en temps normal : l’une d’entre elle était en congés, l’autre venait de démissionner.

En plein été, certaines femmes qui étaient hébergées dans les centres d’urgence de l’association ont soudain trouvé porte close, avant de se voir accueillies par des intérimaires non formées à l’accueil d’un public en grande détresse et sans cheffe de service pour les encadrer. Au centre Thiriez, qui accueille 27 femmes et 53 enfants dans le centre‐ville de Lille, cette situation a duré de juillet à mi‐septembre.

D’autres femmes ont perdu du jour au lendemain la personne qui suivait leur dossier depuis parfois des années. « Les femmes qu’on accueille vivent déjà un parcours traumatique et on les maltraite avec cette mauvaise prise en charge », se désespère Jacky*, salarié de l’association. Il confie aussi sa propre détresse : « On est à deux doigts de craquer à notre tour et on ne reste que pour les dames, parce qu’autrement il n’y a plus personne. »
Eclatement du pôle historique

Pour comprendre comment Solfa en est arrivé là, il faut revenir à avril 2025 quand Jean‐Yves Morisset, président de l’association depuis 2013, annonce la mise en place d’un nouveau projet associatif et une réorganisation des services. Jusqu’alors, la structure fonctionnait avec trois pôles : violences faites aux femmes (PVFF), hébergement et insertion et protection de l’enfance. Le conseil d’administration décide alors de réorganiser les trois pôles en six branches : accueil et écoute, hébergement et logement, protection de l’enfance, insertion, accompagnement à la parentalité et prévention. Mais le seul pôle à avoir été éclaté est celui dédié aux violences faites aux femmes.

Cette nouvelle organisation, effective depuis septembre 2025, a provoqué chez les salariés du PVFF un douloureux sentiment de « perte de leur identité professionnelle ». « On a rendu nos missions interchangeables, des personnes qui travaillaient depuis des années dans un …

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Publié le

Temps de lecture : 9 minutes

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Par Virginie Menvielle

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