Grand‐Boulevard : la promenade des bizarreries

C’est l’une des incongruités soulignées par Axe Culture et l’un des symboles du manque de cohérence du grand Lille. Si le Grand Boulevard qui relie la ville à Roubaix et Tourcoing dévoile sur son tracé quelques-unes de plus belles façades de la métropole, son aménagement manque cruellement de cohérence et d’harmonie. Promenade.

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Avenue de République à La Madeleine - Lille. © Jarry / Andia.fr

Colonnes et frontons de temple grec ou romain, gargouilles, balcons en pierre, énormes baies vitrées… Au 240, avenue de la République, à La Madeleine, l’incroyable façade de ce château du début du XXe siècle témoigne des fortunes industrielles qui se constituent alors dans la métropole lilloise. Bienvenue sur le Grand Boulevard, institution inaugurée en décembre 1909. Une trouée d’une cinquantaine de mètres de large reliant Lille à Roubaix et Tourcoing, où s’alignaient les demeures cossues le long de voies dédiées aux chevaux, aux piétons, aux premières automobiles et au tramway, le célèbre « Mongy », du nom de son concepteur, Alfred Mongy. Les chevaux ont disparu du paysage ; le tramway existe toujours ; la voiture est omniprésente. Dans les années 70, il a même fallu creuser sous la chaussée les fameux « mini‐tunnels » pour leur laisser plus de place.

« Sous la passerelle, à peine de quoi laisser passer une poussette »

Empruntons à pied le trottoir de la latérale de droite, direction Roubaix‐Tourcoing. L’enfilade de façades haussmanniennes s’interrompt ça et là : un garage Euromaster aux couleurs criardes, l’immeuble de BNP Paribas, qui s’affranchit de l’alignement et dont les surfaces vitrées jurent un peu avec le style ambiant… Débutée à La Madeleine, la promenade nous mène à Marcq‐en‐Barœul, nous fait passer par un petit bout de Lille, avant d’entrer à nouveau dans Marcq‐en‐Barœul. Sans les lampadaires, un cartographe y perdrait ses petits : à la Madeleine, des lampadaires design, en arc de cercle, de chaque côté de la voie rapide, laissent la place à de longs poteaux gris d’un autre âge supportant deux énormes « abat‐jours » cubiques. Changement de ville et changement de style : une fois dans Marcq‐en‐Barœul, ils deviennent rouges et surplombent la voie cyclable centrale. De nouveau du gris… Serions nous retournés à La Madeleine sans nous en rendre compte ? Ah non, ceux là sont neufs et plantés sur chaque trottoir, voire fixés aux façades des immeubles. Nous sommes à Lille ! Pas pour longtemps : le retour du rouge marque le nôtre dans Marcq‐en‐Barœul…

« Anarchie et stationnement »

Le temps de réfléchir au rôle de la couleur dans l’aménagement urbain et l’horizon se barre de la passerelle verte de métal riveté qui permet aux trains d’enjamber la voie rapide. Elle est doublée d’une autre réservée aux piétons, dont la peinture écaillée laisse à la rouille l’espace nécessaire pour s’exprimer. Sous leurs travées, le trottoir se réduit à moins d’un mètre et demi. Deux poussettes auraient du mal à s’y croiser. Ce n’est rien comparé à celui d’en face, où les places de stationnement ne laissent pas plus de 80 cm aux piétons. On approche de l’arrêt de tram Clemenceau‐Hippodrome, avant de poursuivre vers le Croisé‐Laroche. Les immeubles s’effacent au profit de maisons de rangées aux façades toujours cossues et de villas plantées au milieu de beaux jardins. On scrute les haies et les bouleaux qui bordent les voies de tram : tantôt présents, tantôt absents, sans qu’on saisisse la logique.

Même absence d’unité de l’autre côté du Grand Boulevard. En retournant vers Lille, le stationnement se fait dans un premier temps en épi, à gauche de la latérale ; puis à droite, parallèlement au trottoir. Puis l’inverse… Une voie cyclable à double sens longe la voie rapide. Une autre, en sens unique, borde le trottoir, avant de se déporter sur la gauche pour éviter des places de stationnement… condamnées par de grandes croix jaunes. On renonce à comprendre cette curieuse alternance : la case départ approche, fin de la promenade des bizarreries.

  • c’est la MEL qui a en charge depuis quelques années, de l’aménagement de cette voie, presque une autoroute urbaine. nommée « boulevard de la Mort », dans les années 60, Apparemment il n’y a pas de volonté de la MEL de repenser ce boulevard.

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Par Ludovic Finez