Cette fois, la situation ne pouvait qu’éclater au grand jour. Mercredi 12 décembre, à la veille du vote du budget prévisionnel 2019 de l’Université de Lille, six doyens de facultés ou de départements (mathématiques, sciences juridiques, sciences de l’éducation, sciences économiques et sociales…) ont organisé une conférence de presse pour alerter l’opinion publique sur l’état calamiteux des finances de la faculté de Lille et critiquer vertement les économies envisagées. Une initiative rare, venue en appui d’une adresse à la direction et à la rectrice d’académie envoyée le 23 novembre.
PJ5_adresse_directionLe lendemain, jeudi 13 décembre, une intersyndicale FSU‐CGT‐CFDT‐SNPTES s’est réunie devant le siège de l’université, à l’occasion d’un conseil d’administration décisif. Le président, Jean‐Christophe Camart et le premier vice‐président, Damien Cuny, devaient présenter un « plan de redressement » de 9 millions d’euros d’économies – soit l’équivalent de 150 postes selon le calcul des syndicats. Ce texte prévoit des reports massifs d’investissements et le non‐remplacement des départs en retraite afin d’obtenir une baisse d’une cinquantaine de postes d’enseignants-chercheurs et de personnels administratifs et techniques dès l’année 2019…
Confrontée à un déficit de 6 millions d’euros en 2018, la présidence n’avait pas le choix. La présentation d’un budget à nouveau déficitaire aurait signé sa mise immédiate sous tutelle du rectorat. D’où un budget prévisionnel 2019 en léger excédent (0,6 million d’euros). « Nous prenons nos responsabilités en nous engageant dans une politique volontariste », a martelé le président Jean‐Christophe Camart lors de sa présentation. Coïncidence ? Quelques semaines plus tôt, alors que les grandes lignes du plan d’économies étaient déjà connues, le vice‐président au Budget Éric de Bodt, et celui chargé des ressources humaines Philippe Vervaecke, ont quitté leurs fonctions. Officiellement pour « raisons personnelles », selon les dires de Jean‐Christophe Camart, rapportés après un conseil d’administration houleux le 20 octobre dernier.
L’adoption de ce budget prévisionnel 2019 ne règle rien. L’Université de Lille est prise en étau entre des besoins importants (il manque déjà 280 postes théoriques par rapport à son offre de recherche et de formation) et les rodomontades du rectorat, qui exige un retour à des normes budgétaires plus strictes (notamment une masse salariale abaissée de 85% à 83% du budget). La situation apparaît inextricable, tant les moyens accordés par l’Etat sont insuffisants. Sans postes supplémentaires, les doyens diminueront la capacité d’accueil des étudiants. On imagine déjà les réactions des recalés de la plateforme de recueil de vœux Parcoursup au printemps prochain…
Rapport confidentiel
Comment en est‐on arrivé là ? Pour le comprendre, la lecture d’un document confidentiel s’impose : le rapport d’audit de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Demandé dès janvier 2018 par le rectorat et le président de l’université, il a été remis en juillet 2018. Qualifié de « non‐diffusable », il n’a jamais été publié jusqu’à ce jour. On comprend pourquoi. Il éclaire en effet d’une lumière crue la misère – mais aussi les errements – qui caractérisent la gestion de l’Université de Lille. Une situation que la fusion du 1er janvier 2018 n’a fait que renforcer.
En 36 pages, annexes comprises, cette « note d’étape n°1 » (la mission est revenue à l’université fin novembre), rédigée par Maryelle Girardey‐Maillard et Eric Dutil, va droit au but comme le montre l’intitulé de ses chapitres : « Un chantier de fusion marqué par l’instabilité et les tensions », « Une qualité comptable critiquable », « Une soutenabilité non assurée des budgets initial et rectificatif 2018 », « Une organisation administrative qui peine à se stabiliser et qui pourrait être optimisée », « Un déficit d’indicateurs et d’instruments de pilotage ».
PJ1_NoteIGAENRLa lecture détaillée nous conduit de surprise en surprise. On apprend que la présidence a hérité de situations comptables embrouillées, dont la mise au clair est à ce point chronophage que les comptables de l’université peinent à expédier les affaires courantes (le rapport évoque 12 000 factures restées en souffrance au moment de la fusion). En mai 2018, la coupure d’une soixantaine de lignes téléphoniques par l’opérateur Orange illustre de façon spectaculaire ce problème d’impayés, aujourd’hui en cours de résolution.
En attendant de retrouver un fonctionnement normal, l’agence comptable de l’université est passée en mode survie : « La priorité est de payer ceux [les entreprises] qui ont relancé l’établissement [pour obtenir le paiement de leurs factures] », constatent les inspecteurs de l’IGAENR. Sur ce point comme sur d’autres – notamment l’entretien des bâtiments de la Cité scientifique -, l’Université de Lille est confrontée à un cercle vicieux : elle a besoin de davantage de moyens humains pour fonctionner correctement mais ne dispose d’aucune marge de manœuvre.
En interne, certains éléments du rapport de l’IGAENR ne passent pas. Il en va ainsi des « difficultés de communication entre acteurs » évoquées en page 23. Comment ne pas penser à la répartition pléthorique des postes de vice‐présidence ? Avant la fusion, les Universités de Lille 1, 2 et 3 comptaient respectivement 14, 12 et 10 vice‐présidents. La logique d’une fusion aurait dû conduire à une rationalisation. Or l’équipe présidentielle demeure « riche de vingt‐huit vice‐présidents, de trois conseillers et de plusieurs chargés de mission », indiquent les rapporteurs.
Armée mexicaine
Au dernier pointage (novembre 2018), l’équipe comprend 27 vice‐présidents et deux conseillers. Soit à peine mieux. C’est toujours le reflet d’une organisation peu optimisée, pour utiliser un doux euphémisme. « Dans les faits, les établissements ont continué à fonctionner de manière très largement différenciée », regrettent les rapporteurs. Cette armée mexicaine a un coût, relevé par la CGT dans son journal d’octobre : chaque vice‐président est doté de l’indemnité maximum (« prime de charge administrative ») de 9 273,60 euros annuels. Le budget des vice‐présidences dépasse donc les 250 000 euros ; il atteint même les 350 000 euros en comptant la vingtaine de chargés de mission de la présidence. Or ces personnes, toutes universitaires, sont déjà rémunérées par ailleurs – hormis le vice‐président étudiant qui représente ses homologues.
Dès lors, que dire des « surcoûts » induits par la fusion et invoqués par la direction vis‐à‐vis des tutelles pour expliquer les difficultés rencontrées ? Le 5 avril dernier, Jean‐Christophe Camart les a évalués à cinq millions d’euros, en évoquant pêle‐mêle des charges de déménagement, de formation et… de masse salariale. Las ! Ces surcoûts ont déjà été pris en compte par le ministère, lequel a octroyé, en 2016 et 2018, une aide d’un montant exceptionnel de 2 millions d’euros. Soit près du double de ce que prévoit le barème théorique du ministère pour l’accompagnement des fusions (1,1 million d’euros).
PJ4_Rapport Mires_CCCe n’est pas tout ! Dans un commentaire ravageur logé page 21, le rapport de l’IGAENR exprime son scepticisme vis‐à‐vis du plan d’économies pensé par la direction : « Eu égard aux impacts significatifs de cette décision [de réduction drastique de la masse salariale] sur le potentiel académique et scientifique de l’établissement, comme sur celui d’une administration universitaire dont le niveau de professionnalisation reste à consolider sur nombre de secteurs de gestion, la mission s’interroge sur la réalité de son déploiement in fine ».
Traduction : non seulement l’université aura du mal à s’adapter à de telles coupes, mais celles‐ci remettent en cause l’ambition affichée, lors de l’obtention du label i‑Site, de faire de l’université un membre bien installé du « top 150 » mondial. A l’inverse, l’Université de Lille figure bel et bien parmi les sept établissements de France aux finances « très dégradées » mentionnés par la Cour des comptes dans son rapport de juin 2018 sur le budget de l’enseignement supérieur. On attend désormais impatiemment celui de la chambre régionale de la Cour des comptes annoncé pour les prochaines semaines…
Le Bac n’a plus le rôle de sélection qui faisait son intérêt dans les année 60–80. Cette sélection sévère permettait cependant à ceux qui ne l obtenaient pas de faire une bonne carrière dans la mesure où ils avaient un niveau suffisant. Depuis trop d années l’Education Nationale n’assure plus son rôle et tire tout le monde vers le bas. Ne s en sortent que quelques uns et ceux dont les parents ont fait le choix et le sacrifice d’un enseignement privé. La fac surpeuplée joue le rôle de sélection normale et c “est un véritable gâchis avec des élèves frustrés parce qu ils ne se remettent pas en cause. Malheureusement il faudra attendre plusieurs années pour que les choses évoluent et dans la mesure où enfin l Education Nationale accepte de se réformer. Et c’est pas gagné ! C est décourageant !
Chers Doyens et directeurs d’UFR,
En demandant à l’Etat davantage de moyens, tout en sachant, puisque vous regardez Arte et lisez Le Monde et Médiacités, que le Budget de l’Enseignement supérieur et de la recherche est plus de 2 fois plus élevé en France qu’en Allemagne (24,6 Mds € en France qui a un PIB de 2.163 Md € contre 17,62 Mds € en Allemagne au PIB de 3.263 Mds €), je vous trouve gonflé ! L’étudiant Allemand, vous le savez également, n’est pas plus malheureux, que son copain Français, puisque les dépenses publiques dont il bénéficie sont 6% plus élevées que celles de son voisin. Vous pouvez râler un moment, mais ensuite, attelez‐vous à la tâche, en participant au développement d’un nouveau modèle d’enseignement supérieur basé, entre autres, sur une diminution du nombre d’étudiants grâce à une sélection enfin mise en place. Accompagnez vos collègues du secondaire pour qu’ils ne « survendent » pas l’université et sachent présenter l’apprentissage comme une filière d’excellence (3 fois plus d’apprentis en Allemagne qu’en France). Tout cela est en marche et, si vous n’y adhérez pas, laissez votre place !
Cher Président de l’Université de Lille, bon courage !
Cher Monsieur Kieken,
je me garde bien, personnellement, de formuler des opinons sur les promoteurs immobiliers, leurs activités, leurs sources d’information et leurs opinions. Mais peu importe, vous semblez savoir à quoi nous devons adhérer. Je vous propose donc de prendre ma place, avec la charge de travail et la rémunération qui vont avec, puisque, du haut de votre méconnaissance manifeste de l’enseignement supérieur (l’enseignement supérieur ne se limite pas à l’université, laquelle, par ailleurs, propose des formations par voie d’apprentissage) vous nous faites la leçon.
Bien cordialement
Une directrice d’UFR
(PS : J’ai par contre eu la curiosité de regarder les avis sur votre société rédigés par vos clients sur Google. Ils sont édifiants).
Cher Monsieur Kieken,
abstenez‐vous de commenter notre travail, et de porter des affirmations sur les médias que nous lisons. Vous ne nous connaissez pas, vous ne connaissez pas nos opinions sur les différents modèles d’enseignement possibles. Elles ne se résument pas à au texte ici présenté. Et abstenez‐vous de nous demander de nous « atteler à la tâche », vous ne savez rien de notre charge de travail. Vous semblez confondre « université » et « enseignement supérieur », deux notions différentes. Vous semblez ignorer l’existence de filières par apprentissage au sein de l’université. Exprimez‐vous donc sur ce que vous connaissez. Merci.
Une directrice d’UFR « gonflée »