Le plan social sauvage d’un géant du BTP

Entre 2013 et 2016, la filiale sud-est du groupe de BTP Spie Batignolles a sabré dans ses effectifs à tel point que l’inspection du travail la soupçonne d’avoir dissimulé un plan social. Dans le même temps, elle percevait près de deux millions d’euros au titre du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

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Illustration Jean-Paul Van der Elst.

« Ils m’ont mis à la porte et je ne sais pas pourquoi ». Armindo Pinto, 41 ans, trois enfants, la voix marquée par un fort accent portugais et par la résignation, était aide‐maçon. Simon Abeneka, également père de famille, était quant à lui grutier : « J’ai été licencié pour une faute que je n’ai pas commise ». Les témoignages comme ceux‐là sont nombreux. Entre 2013 et 2016, l’entreprise de BTP Spie Batignolles Sud Est (SBSE) a accumulé les licenciements pour des motifs aussi divers que variés, ainsi que les ruptures conventionnelles : ses effectifs sont passés de 439 à 352 personnes (et non 429 comme indiqué sur le site internet du groupe). Soit une baisse de 20% qui a éveillé les soupçons de l’inspection du travail. Selon nos informations, celle‐ci suspecte Spie Batignolles Sud Est d’avoir organisé un plan social sauvage.

Dirigée par François Jullemier, cette filiale de la septième entreprise française du secteur du BTP (selon le dernier classement du magazine le Moniteur), construit ou réhabilite différents types d’édifices – collèges, maisons de retraite, hôtels ou bâtiments industriels. Elle a notamment participé à la rénovation des anciennes prisons Saint‐Paul qui accueillent dorénavant l’Université catholique de Lyon, ou à la construction du grand stade de l’Olympique lyonnais. Mais malgré ces chantiers prestigieux, ses résultats ont enregistré une forte baisse, particulièrement en 2015.

En cas de difficultés économiques, les entreprises disposent d’un outil légal pour licencier : le « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE), dénomination officielle d’un plan social. Une telle procédure vise à faire passer la couleuvre des licenciements en les limitant et en intégrant  un « plan de reclassement ». Celui‐ci doit permettre d’aider les salariés qui perdent leur emploi à envisager un nouveau projet professionnel, par exemple via la formation.

« Insuffisance professionnelle » après vingt ans d’expérience

Or rien de tel n’a été mis en place chez Spie Batignolles Sud Est. Aucun « plan de sauvegarde de l’emploi » en bonne et due forme. Juste des licenciements. Dans un procès‐verbal de l’inspection du travail dressé en janvier 2017 et que Mediacités a pu consulter, l’inspectrice relève de nombreux départs sur un laps de temps très court. Pour les ruptures conventionnelles, elle s’étonne des montants conséquents versés aux salariés, « dépass[ant] largement l’indemnité conventionnelle de licenciement (…) prévu par la convention collective ». « Ces faits nous interrogent sur le caractère volontaire des salariés à rompre leur contrat de travail », souligne‐t‐elle. En clair, Spie Batignolles Sud Est les auraient fortement incités financièrement à accepter une rupture conventionnelle.

Du côté des salariés licenciés, les raisons portent sur des insuffisances professionnelles ou sur des fautes. « Peu crédibles au regard de l’ancienneté et de l’antériorité des salariés licenciés », écrit l’inspectrice. Prenons par exemple Amine Mansour. Ce maçon de 37 ans a été d …

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Par Eva Thiebaud