A Saint‐Nazaire, l’affaire de violences sexuelles qui bouleverse le conseil municipal

Après un an de tension croissante au sein de la majorité de gauche, un adjoint PS a porté plainte en diffamation contre une autre adjointe socialiste, qui soutient une victime présumée de violences sexuelles. Le maire, lui, renvoie les protagonistes dos à dos et a saisi la justice. L'enquête de nos confrères de Mediapart sur l'affaire qui secoue la vie municipale nazairienne.

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Hôtel de ville de Saint-Nazaire / Capture Google Street View

Nous reproduisons ci‐dessous l’enquête réalisée par nos partenaires de Mediapart et publiée initialement lundi 3 juin. Depuis, l’affaire de violences sexuelles qui bouleverse le conseil municipal de Saint‐Nazaire a connu plusieurs développements. Mercredi 5 juin, cinq femmes, membres du conseil municipal de Saint‐Nazaire, réunies dans le collectif « ils ne nous feront pas taire » (#ilsnenousferontpastaire), ont tenu une conférence de presse (le texte complet des déclarations est à retrouver sur la page Facebook du collectif). Parmi elles, la victime présumée des violences sexuelles. Profondément touchée, au bord des larmes, cette dernière a annoncé « se réserver le droit de porter plainte au moment qui [lui] semblera opportun ». 

« Je suis celle qui a parlé. Parler pour survivre, pour trouver aide et soutien. Avant, c’était le silence pour préserver ma famille, mes enfants, mon mari. Ne pas les exposer à davantage de souffrances », a‑t‐elle expliqué. Avant de poursuivre : « Aujourd’hui, je suis dans l’incapacité de travailler, je suis affaiblie physiquement de toute la violence déchaînée sur moi, sur nous. C’est tellement injuste après avoir déjà subi tant de violence, qu’en parlant à notre maire en qui nous avions pleinement confiance, nous ayons subi et subissions encore davantage de violence ».

A ses côtés se trouvait, entre autres, Laurianne Deniaud, première adjointe et attaquée en diffamation par l’adjoint aux finances, Martin Arnout, qui lui reproche de l’avoir accusé d’avoir commis des violences sexuelles sur la victime présumée, lors d’une réunion interne. L’élue, avec les quatre autres conseillères municipales, est revenue sur la chronologie des faits, pointant notamment l’inertie du maire (PS), David Samzun. « Chaque fois que nous [lui] avons tendu la main et essayé avec insistance d’alerter, nous nous sommes heurtées à un mur, a‑t‐elle expliqué. Il lui appartient aujourd’hui d’entendre notre déclaration et d’écouter la parole de cette femme et de prendre ses responsabilités d’homme politique mais aussi d’employeur. » De son côté, l’adjointe chargée des Sports, Gaëlle Bénizé Thual, note que « la réaction du maire depuis un an, et son absence de soutien à Laurianne Deniaud, sont largement insatisfaisants et même préoccupants ».

Lundi 3 juin, dans un communiqué, David Samzun avait estimé qu’en « parlant de loi du silence (…), [les membres du collectif] jettent l’opprobre sur l’ensemble de leurs collègues de la majorité, des équipes managériales, des organisations représentatives du personnel et des associations partenaires de la Ville de Saint‐Nazaire. » Il ajoutait : « En indiquant que l’existence ou non d’une démarche judiciaire n’est pas un sujet essentiel dans une situation de violence ou de harcèlement et que leur intime conviction leur permet d’être juges et d’exiger des sanctions, les signataires de la tribune du 29 mai s’érigent en tribunaux populaires et font fi de tout un ensemble de valeurs républicaines structurantes pour notre pays et notre démocratie. » Le 5 juin dans la soirée, réagissant à la conférence de presse du collectif, David Samzun a fait part de « sa tristesse et son amertume (…) devant la tempête médiatique » et demande aux deux élus concernés d’éviter toute représentation officielle.

De son côté, Martin Arnout, adjoint aux Finances, et visé par l’action du collectif, a publié un communiqué de presse, mardi 4 mai, dans lequel il s’affirme « innocent de ce qui [lui] est reproché depuis une année ». Il ajoute : « Si une plainte devait être déposée contre moi par la victime déclarée, je me réjouirais, pour elle comme pour moi que chacun puisse dire sa vérité, en toute liberté. » Ce devrait bientôt être le cas.

Benjamin Peyrel (Mediacités)

Pour tout comprendre des tenants et aboutissants de cette affaire, voici l’enquête réalisée par Lenaïg Bredoux pour notre partenaire, Mediapart :

 
La scène dure 20 minutes. Il est 18 heures, mercredi 15 mai 2019. Autour de la table du conseil municipal de Saint‐Nazaire, surplombée de hautes fenêtres, la tension est palpable. Le maire ouvre les débats devant la trentaine d’élu.e.s de sa majorité, sur le point d’exploser.
David Samzun (PS) annonce que deux jours plus tôt, son adjoint aux finances, Martin Arnout, a déposé plainte en diffamation contre la première adjointe de la ville, Laurianne Deniaud, ancienne présidente du MJS (Mouvement des jeunes socialistes).

Il lui reproche de soutenir, avec un petit groupe d’élus – surtout des femmes –, une conseillère municipale, elle aussi socialiste, qui s’est plainte du comportement de l’adjoint à son encontre – elle parle d’un rapport sexuel « non consenti » et d’une relation « d’emprise ». Lui conteste fermement cette version des faits.

Le maire, proche de l’adjoint mis en cause, refuse de « prendre parti », répétant à ses interlocuteurs qu’il s’agit d’une affaire « privée » et qu’il n’est « ni juge ni avocat ». Il se refuse à suspendre, même provisoirement, les élus concernés, à leur retirer leur délégation, ou à saisir les instances de son parti ; il n’a pas lancé d’enquête interne indépendante, ou de formation de l’ensemble des élus et des personnels à ces sujets…

Ce mercredi 15 mai, le maire espère fermer le ban par ces mots, rapportés par plusieurs témoins (lire En coulisses) : « Je ne saurais faire aucun commentaire sur un contentieux qui ne concerne pas les affaires communales. Garant de la bonne marche de la collectivité, et de la mise en œuvre de notre projet stratégique, je reste entièrement concentré sur mon mandat de maire de Saint‐Nazaire. »

Depuis, la plainte a été rendue publique dans la presse locale, le maire a dû publier 

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Temps de lecture : 18 minutes

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Par Lénaïg Bredoux (Mediapart)