Alors que l’État a officiellement fait appel de la décision du tribunal administratif de Toulouse concernant l’A69 et demande parallèlement à suspendre l’interruption des travaux, la révélation par Mediacités des découvertes de la députée écologiste Christine Arrighi, renforce les arguments des opposants à la construction de l’autoroute Toulouse‐Castres.
Professeur agrégé de droit public à l’université Paris‐Saclay, Jean‐Paul Markus est directeur scientifique du site Les Surligneurs, média de référence sur l’analyse juridique de l’actualité. Selon son analyse, le mensonge d’Atosca sur son besoin en matériaux devrait conforter la décision du tribunal administratif.
Mediacités : Après la reconnaissance par la préfecture d’Occitanie du colossal besoin en matériaux de l’A69, la députée écologiste Christine Arrighi a alerté « sur la sincérité de la démarche des différentes parties prenantes au contrat » et sur « les manœuvres dolosives de la part du soumissionnaire Atosca ». Le mensonge du concessionnaire sur ce point peut‐il remettre en cause le contrat ?
Jean‐Paul Markus : Si l’entreprise a omis une information ou menti sur un élément important du contrat, le juge administratif – s’il devait être saisi par l’État – peut considérer qu’il y a eu vice de consentement. On parle de dol, dans ce cas.
Autrement dit, l’État, en tant que client, aurait été trompé sur la nature de la prestation et son coût. Le contrat peut alors être invalidé par le juge administratif. Mais encore faudra‐t‐il que le juge s’assure que la quantité de remblais fait bien partie des éléments qui ont déterminé le choix du concessionnaire par l’État . C’est possible en l’espèce, dans la mesure où cette omission a permis à l’entreprise de présenter une offre bien plus avantageuse que celles des concurrents.
Il existe un précédent, lors de la construction de la ligne à grande vitesse pour le TGV Nord. Tous les constructeurs s’étaient entendus sur les prix pour les fixer au plus haut, au détriment de la SNCF, qui a réussi, devant le juge en 2007, à faire reconnaître le vice de consentement et à obtenir des dommages‐intérêts.
Atosca et les matériaux perdus de l’A69 : anatomie d’un mensonge
Si le contrat entre l’État et Atosca est invalidé par le conseil d’État, cela met‐il fin au projet d’autoroute ?
Si le contrat est invalidé par le conseil d’État, ce serait en raison du comportement du concessionnaire avant d’obtenir la concession, pas des impacts environnementaux de l’autoroute. Il faudra simplement changer de concessionnaire.
Cela créera un contentieux entre l’État et le concessionnaire actuel. Et de ce point de vue, l’État n’est pas du tout certain d’obtenir gain de cause devant le juge, car il n’est pas un client ordinaire. Il dispose en principe d’experts à même de vérifier si une offre présente un vice.
L’autorisation environnementale délivrée par la préfecture a été annulée par le tribunal administratif de Toulouse en février. L’État a vient de déposer sa requête d’appel. Cet éventuel vice de consentement peut‐il avoir une influence dans le cadre de cette procédure ?
S’il est vérifié, le vice de consentement autour de la question des remblais peut influencer la cour administrative d’appel. L’annulation reposait sur un bilan environnemental insatisfaisant et un intérêt majeur qui n’est pas non plus caractérisé. Cette information ne peut que renforcer les fondements du jugement de première instance, qui dans ce cas sera confirmé en appel.
Quant à la demande de l’État de surseoir à l’exécution du jugement, elle repose normalement sur un doute sérieux quant à la légalité de ce jugement. Les manœuvres du concessionnaire sont plutôt de nature à renforcer le doute sur l’intérêt majeur et donc l’utilité publique de cette autoroute. Et donc à lever tout doute sur le bien‐fondé de la décision du tribunal administratif.
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