En ville, les arbres ont des effets mitigés sur la qualité de l’air

La plantation d’arbres est souvent présentée comme une solution contre l’effet îlot de chaleur urbain. Pourtant, les effets ne sont pas toujours bénéfiques selon les premières conclusions d'une chercheuse de l'école des Ponts ParisTech.

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Les "tranchées d'infiltration", plantées d'arbres, rue Garibaldi, à Lyon. Photo : NB/Mediacités.

Alors que la part de la population mondiale vivant en ville dépasse les 50 % et ne cesse d’augmenter, l’urbanisation affecte la circulation de l’air, les températures et l’humidité. À la clé, un microclimat spécifique aux villes dont la principale caractéristique est l’îlot de chaleur urbain.

Les températures y sont plus élevées que dans les zones rurales environnantes, avec un impact négatif sur la santé humaine, en particulier lors des périodes de canicules. La pollution atmosphérique est également plus importante en ville, du fait des émissions de polluants localement fortes et représente un risque majeur pour la santé.

Contre l’effet îlot de chaleur urbain, la plantation d’arbres est souvent présentée comme une solution. Pourtant, les effets des arbres urbains sur la pollution ne sont pas toujours bénéfiques et peuvent même à participer à détériorer celle‐ci dans certains cas. C’est ce qu’ont suggéré les travaux d’.

Mediacités et The Conversation

Ce texte est la reprise d’un travail initialement paru sur le site The Conversation, média indépendant qui publie des articles d’universitaires et de chercheurs sur des sujets d’actualité. Son autrice, Alice Maison, a obtenu son doctorat au centre d’enseignement et de recherche en environnement atmosphérique de l’école des Ponts ParisTech. Elle est actuellement en post‐doctorat au laboratoire de météorologie dynamique du CNRS.

Des effets contrastés

La plantation d’arbres fait partie des solutions basées sur la nature pour atténuer les effets négatifs de l’urbanisation, améliorer la qualité de vie en ville et s’adapter aux effets du changement climatique. Ils apportent de nombreux services écosystémiques et créent des îlots de fraîcheur, par évapotranspiration d’eau et interception du rayonnement solaire (effet thermoradiatif).

Mais ils ont d’autres vertus : ils aident à conserver des sols perméables, limitant ainsi le ruissellement de l’eau. Ils absorbent en outre du dioxyde de carbone (CO2), favorisent la biodiversité et contribuent à l’amélioration du bien‐être humain.

Pour autant, les effets des arbres urbains sur les concentrations de polluants sont plus contrastés et beaucoup moins étudiés. Ceux‐ci ne sont généralement pas pris en compte dans les modèles de qualité de l’air, aussi bien à l’échelle régionale qu’à l’échelle de la rue.

Les impacts des arbres sur les concentrations de polluants sont multiples et affectent des processus de natures différentes.

  • D’abord, la présence d’arbres dans les rues va perturber l’écoulement de l’air et limiter la dispersion des contaminants. Cet effet aérodynamique des arbres est surtout local, et peut provoquer une augmentation des concentrations de polluants au niveau de la rue.
  • Ensuite, les polluants gazeux et particulaires se déposent sur les feuilles des arbres, participant ainsi à réduire leurs concentrations.
  • Enfin, les arbres émettent naturellement des composés organiques volatils biogéniques (COVb), gaz non dangereux pour la santé, mais qui réagissent avec d’autres composés de l’atmosphère urbaine pour former des polluants secondaires, qui eux représentent un risque. C’est le cas notamment de l’ozone (O3) et des particules PM1 et PM2,5 (particules de diamètre inférieur à 1 et 2,5 µm).

Or, les émissions de COVb varient selon l’espèce d’arbre, et dépendent de facteurs climatiques (température, rayonnement solaire), mais aussi du statut hydrique des arbres.

L’impact des arbres parisiens en question

Mes travaux de thèse menés au Centre d’enseignement et de recherche en environnement atmosphérique (Cerea) de l’École des Ponts ParisTech et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), visaient justement à quantifier les différents impacts des arbres sur les concentrations de polluants. L’objectif était aussi de pouvoir formuler des recommandations pour la gestion des arbres en ville.

Pour cela, la chercheuse a couplé différents modèles afin de représenter les interactions entre les arbres et le milieu urbain. La ville de Paris dispose par exemple d’une base de données qui répertorie tous ses arbres publics et inclut notamment pour chacun, la localisation, l’espèce et la circonférence du tronc. Utile pour analyser la situation pendant l’été 2022 qui fut particulièrement chaud et sec.

Capture d’écran de la base de données « Arbres » de la ville de Paris. Mairie de Paris/Direction des espaces verts et de l’environnement, CC BY‐NC‐ND

Des simulations numériques ont ensuite été réalisées en combinant plusieurs modèles :

Des effets mitigés

Les résultats montrent d’abord que l’effet aérodynamique induit une plus faible dispersion des polluants émis par le trafic dans les rues. Cela entraîne donc une hausse des concentrations dans les rues avec arbres, corrélée avec l’intensité du trafic, qui peut atteindre + 37 % pour le dioxyde d’azote (NO2). Ensuite, l’effet du dépôt de polluants sur les feuilles reste limité et ne permet qu’une diminution maximale de ‑2,5 %.

En moyenne sur les mois de juin et juillet 2022 à Paris, les émissions de COV biogéniques locales des arbres ont induit une faible augmentation des concentrations d’O3 (+ 1 %), et de PM 2,5 (+ 0,6 %). La hausse des PM 1 organiques, principalement formées par réaction avec les COVb, était plus importante (+ 4,6 % en moyenne) et atteignait même localement 11,5 % et 14 % en période de vague de chaleur.

Différence relative moyenne (juin et juillet 2022) des concentrations de NO2 et PM1 organiques due aux trois effets des arbres (effet aérodynamique, dépôt sec et émissions de COVb) simulée avec CHIMERE‐MUNICH. Alice Maison, Fourni par l’auteur

L’étude a également montré que pendant l’été 2022, les arbres plantés dans des fosses avec un volume de sol restreint (soit environ 9m3) souffrent rapidement de stress hydrique (manque d’eau).

Quand les arbres sont bien alimentés en eau, ils entraînent une diminution de la température moyenne de l’air dans la rue de ‑0,12 °C en moyenne, qui peut attendre ‑0,8 °C localement dans certaines rues. Quand les arbres manquent d’eau toutefois, ils limitent fortement leur transpiration, ce qui réduit leur effet rafraîchissant dans les rues (-0,02 °C en moyenne, jusqu’à ‑0,5 °C localement).

Différence absolue de température de l’air dans la rue entre les simulations TEB‐SPAC avec et sans arbres moyennée pendant les périodes où l’eau est non limitante et de stress hydrique. Alice Maison, Fourni par l’auteur

Ce couplage entre différents types de modèles permet aussi de prendre en compte la météorologie locale au niveau des rues et d’estimer les émissions de COVb avec des variables au niveau de la feuille, comme la température de surface et le rayonnement solaire reçu par les arbres dans la rue (en prenant en compte les réflexions et ombrages). Les émissions ainsi calculées sont plus élevées, entre + 23 et + 48 % selon l’espèce de COVb, soulignant l’importance de la météorologie locale sur les émissions de COVb.

 
conc. : concentrations, émis. : émissions, COVb : composé organique volatil biogénique, AOS : aérosol organique secondaire, Tfeuille : température de la surface des feuilles, O3 : ozone, NO2 : dioxyde d’azote, PM₂⋅₅ : particules de diamètre inférieur à 2,5 µm. Alice Maison, Fourni par l’auteur

La nécessité des inventaires

Les effets des arbres sur les concentrations de polluants ne sont donc pas négligeables et devraient être plus pris en compte dans les modèles de qualité de l’air urbain. Pour cela, nous pouvons encourager le développement d’inventaires d’arbres urbains et la complétion des inventaires existants.

Concernant Paris, la base de données de la ville constitue un précieux socle, mais on estime que 30 % des arbres de Paris intra‐muros sont manquants, car situés dans les parcs et résidences privés. Dans cette étude, nous n’avons pas pu prendre en compte les arbres de la petite couronne parisienne, car ils ne sont pas inclus dans l’inventaire.

Cette étude pourrait être poursuivie sur d’autres zones qui disposent d’un inventaire d’arbres. Ses conclusions peuvent s’appliquer à d’autres villes dont le climat et la morphologie des rues sont similaires à ceux de Paris.

Quelles leçons pour la gestion des arbres en ville ?

Cette étude permet finalement de formuler des recommandations pour la gestion des arbres en ville.

  • Pour réduire l’effet aérodynamique, nous recommandons de limiter l’implantation d’arbres avec un large houppier (branches situées au sommet du tronc) dans des rues à fort trafic, en taillant les arbres ou en limitant le trafic dans ces rues par exemple.
  • Ensuite, afin de diminuer l’augmentation des concentrations de particules organiques en été, la plantation d’espèces d’arbres fortement émettrices de certaines familles de COVb (telles que les monoterpènes) devrait être évitée, comme le chêne vert par exemple.
  • Enfin, pour maintenir l’effet rafraîchissant des arbres en été, il faudrait leur garantir un meilleur accès à l’eau en mettant en place des systèmes de fosses plus perméables ou qui récupèrent l’eau de pluie.

Plus généralement concernant le choix des espèces, la gestion des arbres en ville s’appuie sur des critères liés aux services écosystémiques rendus (climat, eau, biodiversité…), à l’adaptation aux conditions climatiques, aux spécificités de gestion (taille…) ou encore au potentiel allergisant des pollens. Cette gestion devrait également inclure des critères en lien avec la qualité de l’air.

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Publié le

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Par The Conversation

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