Centres commerciaux en périphérie : la cure de désintox est nécessaire !

L’association Axe Culture et la Fédération indépendante du commerce de la Métropole Lilloise (Ficomel) s’insurgent contre la multiplication des centres commerciaux de périphérie et réclament un moratoire. Thomas Werquin, président d’Axe Culture, nous explique ici pourquoi.

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Carte des décisions de la Commission Départementale d'Aménagement Commercial sur le territoire de la Métropole européenne de Lille entre 2000 et 2016. En vert : accord; en rouge : refus. Réalisée par Axe Culture

Que s’est-il passé sur la métropole lilloise pour que l’équivalent de 10 centres commerciaux Euralille aient été construits depuis 2000 – soit environ 650 000 m² de surfaces  – et qu’elle se retrouve surchargée en hypermarchés ? Que s’est-il passé sur la métropole lilloise pour que l’emploi chute de 8% dans le commerce de détail, entre 2008 et 2017, alors qu’il augmentait dans le même temps de près de 14% à Bordeaux et Toulouse ?

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Que s’est il passé sur la métropole lilloise pour que les routes soient à ce point encombrées alors que la population locale connaît une faible croissance ? Plusieurs explications peuvent être avancées.

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1/ Commerce en ligne : la métropole lilloise à contre courant

Les statistiques du commerce en ligne ou vente à distance (VAD) apportent une première réponse cinglante. Alors que partout en France et dans le monde les sites spécialisés de vente à distance se développent et créent des milliers d’emplois, la métropole lilloise connaît une trajectoire inverse. Les entreprises phares (La Redoute, Les 3 Suisses…) de ce qu’on appelait autrefois la vente par correspondance (VPC) se sont faites bousculées – laminées même – par les nouveaux leaders Amazon, CDiscount ou Vente Privée.
Sur la période 2008–2017, pendant que Cdiscount créait, par exemple, près de 1000 emplois à Bordeaux, la métropole lilloise en perdait plus de 5000.

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L’émergence sur la métropole lilloise de spécialistes de la VAD, tel que Chronodrive, et la présence d’acteurs traditionnels du commerce disposant d’important sites de vente en ligne (Decathlon, Leroy Merlin, etc.) n’y change rien. Comme le montre le tableau de la FEVAD (Fédération e‑commerce et vente à distance) ci‐dessous, la révolution du commerce en ligne s’est faite ailleurs.

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2/ De nouvelles surfaces commerciales qui en ferment d’autres !

Après le commerce en ligne, c’est la construction de 650 000 m² de surfaces commerciales sur la métropole lilloise depuis 2000 qui interroge. Vous direz que la concurrence est bonne pour le consommateur et vous avez raison ! Le problème est que cette concurrence n’oppose pas seulement des magasins, mais aussi et surtout des territoires. En l’occurrence le commerce de ville face au commerce de périphérie.

L’analyse de l’évolution de l’emploi dans le commerce de détail (hors VAD) montre que si les villes qui ont construit dernièrement des centres commerciaux en périphérie (Neuville‐en‐Ferrain, Marquette‐lez‐Lille, Faches‐Thumesnil, Seclin…) gagnent des emplois, de très nombreuses autres communes ont perdu a contrario 20, 30 voire 50% de l’emploi dans le commerce de détail.

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Ainsi, lorsque les élus indiquent fièrement que leur zone commerciale a créé 300 ou 600 emplois, ils « oublient » de préciser que le commerce étant une affaire de concurrence, les nouvelles surfaces prennent des clients ailleurs, provoquant la disparition d’autres enseignes commerciales. C’est précisément cette concurrence entre centre et périphérie que craignent le maire de Marcq‐en‐Baroeul, Bernard Gérard, et son adjoint Nicolas Papiachvili, lesquels ne ratent pas une occasion de critiquer le nouveau centre de Marquette‐lez‐Lille.

Dernièrement, le directeur de Lillenium a présenté les enseignes qui s’installeront dans le futur centre commercial de Lille Sud. On y retrouve tout ce qui existe par ailleurs – en particulier dans le centre‐ville. Qui seront les victimes de ce nouveau partage d’un pouvoir d’achat qui, lui, reste stable ?

3/ Une prolifération qui sature le réseau routier

Mais le mal ne s’arrête pas là. Cette logique consistant à créer des centres commerciaux en périphérie se situe dans la continuité d’un aménagement qui a concentré une part importante des investissements (lotissements, zones d’activités, etc.) en retrait des centres villes et en bordure des axes autoroutiers.

Les 50 000 m² de la zone commerciale de Seclin longent l’autoroute A1, à quelques encablures du grand centre commercial de Faches‐Thumesnil, lui‐même en bordure de l’A1. Celui de Marquette‐lez‐Lille b(15 000 m² de surfaces commerciales) est localisé le long de la rocade nord ouest, à quelques kilomètres de l’immense zone commerciale de Lomme et de celle d’Englos. La dernière‐née, Promenade de Flandres (40 000 m² de surfaces à Neuville‐en‐Ferrain), est voisine du grand centre commercial de Roncq. Enfin, Lillenium sera situé en bordure du périphérique sud de Lille.

Ainsi, non seulement les centres commerciaux fragilisent les centres villes, mais en plus, ils participent largement à saturer les réseaux routiers provoquant la colère des acteurs économiques de la métropole. Bien entendu, l’encombrement routier est aussi provoqué par les flux de transit. Mais comme les urbanistes le disent, nous avons « tartiné », c’est à dire étalé à outrance la ville, sans lien avec les réseaux de transport en commun.

Pour un retour à la raison

Pour mettre fin à cette course en avant suicidaire, Axe Culture et la Fédération Indépendante du Commerce de la Métropole Lilloise (Ficomel) ont lancé une pétition en ligne demandant un moratoire sur la création de centres commerciaux en périphérie, afin de sauver les centres villes, protéger les espaces agricoles, limiter les déplacements en voiture et préserver notre santé. En 2017, les élus de la métropole fêtaient avec champagne, petits fours, feux d’artifice et fanfares l’inauguration des 40 000 m² de surfaces commerciales de Promenade de Flandre en bordure de l’A22, accessibles uniquement en voiture et construit sur des terres agricoles, à deux pas des centres‐villes de Tourcoing et de Roubaix à la peine.

Un jour, peut‐être, nous déboucherons nous‐aussi le champagne pour fêter le retour à la raison de la métropole lilloise. D’ici là, nous collectons le maximum de signatures pour peser sur le choix de nos élus. Notre but est de remettre notre pétition au Président de la Métropole de Lille à l’occasion de l’enquête publique concernant la révision du Plan Local d’Urbanisme qui se déroulera à partir du 20 novembre. L’enjeu est de taille.

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Par Thomas Werquin, président d’Axe Culture