L’entre-soi du périurbain, terreau du vote d’extrême droite mais pas que…

La sociologue Violaine Girard, spécialiste de l'électorat des zones pavillonnaires, bat en brèche la thèse dominante qui dépeint ces communes en territoires abandonnés, acquis au RN. Si des choix politiques y ont légitimité l'extrême droite, les classes populaires « ne forment pas un bloc homogène », insiste-t-elle, et leurs votes varient en fonction des « contextes territoriaux ». Pour Mediacités, elle commente des cartes inédites des résultats de l’élection présidentielle dans les bassins de vie de Lyon, Nantes et Lille.

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Zone pavillonnaire, dans l'Ain, à une cinquantaine de kilomètres de l'agglomération lyonnaise. Image : Google Earth.

Dis‐moi où tu habites, je te dirai pour qui tu votes ? Objet de convoitises de part et d’autre du spectre politique, l’électorat périurbain prête le flanc à de nombreuses simplifications. Même si chacun tend à y voir ce qu’il souhaite y trouver, les lisières de nos métropoles – pas tout à fait la campagne, plus vraiment la ville – sont le plus souvent présentées comme des territoires acquis à l’extrême droite, en raison du déclassement social et économique vécu par leurs habitants. C’est notamment la thèse de La France périphérique, essai publié en 2014 par le géographe Christophe Guilluy, très commentée et reprise par nombre d’observateurs ou d’élus. Cette thèse est toutefois controversée ou nuancée par d’autres chercheurs, dont Violaine Girard.

Pour son livre Le vote FN au village (publié en juin 2018), cette sociologue, chercheuse associée à l’Institut national d’études démographiques (Ined), s’est intéressée à plusieurs communes situées à une quarantaine de kilomètres de Lyon, dans l’Ain (volontairement, elle garde anonymes les lieux). Ce secteur périurbain et industriel est majoritairement peuplé de classes populaires : ouvriers dans la maintenance industrielle, la logistique ou la construction, chauffeurs, ou encore secrétaires, comptables, employées des services à la personne. Dans ces bourgades, lors des scrutins présidentiels, les candidats de droite et d’extrême droite réalisent des scores supérieurs de 10 points à leurs moyennes nationales.

Dans son enquête, Violaine Girard démontre que le vote en faveur du parti de Marine Le Pen est moins celui d’ouvriers paupérisés que de classes populaires plutôt bien insérées économiquement. Elle met aussi l’accent sur la construction d’un espace politique où se rejoignent libéralisation du travail et défense d’un entre‐soi blanc.

Mediacités a soumis à Violaine Girard les cartes du journaliste et géographe Denis Vannier qui illustrent de façon inédite [lire l’encadré En coulisses ci‐dessous] les résultats de l’élection présidentielle. A la veille d’un autre scrutin, le premier tour des législatives, elle revient sur les ressorts de l’électorat périurbain, dans l’agglomération lyonnaise mais également autour de Nantes et de Lille.

Mediacités : Pourquoi avez‐vous choisi ces communes de l’Ain comme terrain d’observation ?

Violaine Girard : Lorsque j’ai commencé l’enquête, en 2003, je m’intéressais aux différentes politiques publiques d’aménagement et comment celles‐ci transformaient le territoire. C’était le moment où les collectivités territoriales montaient en puissance dans ce domaine. Sur la zone étudiée, dans le département de l’Ain, l’une des premières intercommunalités rurales s’était créée en même temps que l’implantation d’une zone industrielle, en partie sur l’initiative d’un grand élu local de droite, proche des réseaux giscardiens et de l’Aderly, l’agence de développement économique de la région lyonnaise. Je souhaitais étudier les conséquences en termes d’évolutions sociales sur la population.

Dans votre thèse, vous parlez de nouveau territoire ouvrier…

Grâce à des politiques de logement favorisant le crédit auprès des catégories populaires, on a offert à ces ménages la possibilité d’accéder à la propriété dans les années 1980 et 1990, ce qui était devenu très difficile dans les villes et les métropoles. Dans le même temps, on a créé ex‐nihilo un parc industriel où l’on promettait aux entrepreneurs un climat social calme. Dans ce territoire rural, la population, plutôt politisée à droite, avait beaucoup moins bougé en …

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Publié le

Temps de lecture : 14 minutes

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Par Jennifer Simoes (entretien) et Denis Vannier (cartes)