La principale ligne de métro d’une métropole d’1,2 million d’habitants à l’arrêt pendant plus de 48h. Une panne hors norme et une situation jamais vue dans l’histoire des transports lillois qui aura très fortement pénalisé les habitantes et les habitants de la MEL en fin de semaine dernière. L’image est désastreuse, d’autant plus qu’elle s’ajoute à la longue liste des perturbations subies depuis l’été dernier, alors même que la situation semblait enfin s’améliorer au mois de mars 2025.
Au‐delà de cette interruption de service XXL, nous déplorons un manque total de transparence et un déficit de communication d’Ilévia ainsi que de la Métropole Européenne de Lille. Pas de message d’excuse auprès des usagères et des usagers en pleine galère, aucune information sur l’avancée des investigations ni même l’origine du problème. Sur les réseaux sociaux, la MEL était occupée à communiquer sur l’accueil du Tour de France et n’a pas jugé opportun de publier un seul message qui évoquait la situation.
Par ailleurs, la gestion de crise d’Ilévia a semblé manquer d’organisation, notamment concernant le déploiement des bus relais lors de la dernière interruption de service. Jeudi, seuls 16 bus avaient été mobilisés, dont la moitié étaient des bus standards, moins capacitaires que les bus articulés. Ce nombre est passé à 26 vendredi et samedi, avec toutefois une proportion plus importante de bus articulés. Cette mise en place a souffert d’une fréquence irrégulière, entraînant parfois des allongements de trajets de plusieurs dizaines de minutes. De plus, les trajets des bus relais pourraient être rendus plus efficaces.
Les usagères et les usagers sont à bout et ont l’impression de ne pas apercevoir le bout du tunnel. Beaucoup sont tentés de se détourner du métro. Nous avons pourtant tant besoin de transports collectifs fiables et efficaces afin de répondre aux enjeux climatiques, de réduction de la pollution, de pouvoir d’achat…
Notre objectif n’est pas de faire le procès des erreurs du passé, mais de répondre à l’urgence en proposant des pistes afin de réconcilier les habitantes et les habitants de la Métropole avec leurs transports collectifs.
1 – Le gel des tarifs
Pour commencer, geler les augmentations tarifaires tant qu’une offre de qualité n’est pas revenue. Il est prévu en ce 1er août 2025 une augmentation du prix du carnet de 10 tickets (+0,20 euro) et des Pass 1 à 7 jours. Une augmentation certes limitée mais qui résonne comme une provocation alors que le service aura été très perturbé dans les douze mois précédents.
Par ailleurs, la nouvelle concession de service public, qui entrera en vigueur en septembre 2025 prévoit, à horizon 2031 une augmentation des tarifs de l’ordre de 20%, que ce soit sur les tickets unitaires, les abonnements ou encore le V’lille. Une augmentation qui, si elle est mise en place en situation fiabilité dégradée, nuirait encore davantage à
l’attractivité des transports en commun alors que la MEL a adopté son Schéma Directeur des Infrastructures de Transport (SDIT – Extramobile) afin de réduire la part voiture au profit des mobilités alternatives. Ces augmentations doivent être gelées tant que le niveau de service ne retrouve pas des performances acceptables.
2 – Plus de transparence auprès des usagers
Ensuite, apporter de la transparence et faire des efforts de communication. Pour sortir les usagers du flou actuel, la MEL, en lien avec l’exploitant doivent rendre public, de manière périodique, les données sur la qualité de service des différents réseaux (métro, tram, bus). Ceci permettra à chacun d’y voir plus clair sur les difficultés, mais également lorsque la situation s’améliorera.
Par ailleurs, la communication en période de crise doit être considérablement améliorée. Expliquer fait partie du processus de compréhension, la pédagogie doit être au centre de la communication de crise. Les usagères et les usagers en ont besoin, non seulement pour comprendre mais aussi pour se sentir respectés. La communication interne pour les personnels d’Ilévia doit aussi être améliorée.
3 – Accélérer sur les alternatives à la voiture
Enfin, accélérer la mise en place des alternatives à la voiture. La Métropole pâtit d’un manque criant de nouvelles infrastructures de transport collectif. Les derniers projets de transport lourd sur la MEL datent de 2000, avec l’ouverture des dernières stations de métro de la ligne 2. Aucun nouveau transport lourd n’a vu le jour depuis, alors que dans le même temps la quasi‐totalité des Métropoles françaises ont avancé très vite (création de 7 lignes de tramway à Lyon, 4 lignes à Marseille et Bordeaux, 3 à Nice, création de 2 lignes de métro à Rennes…).
Il y a bien les nouvelles lignes de tramway prévues par le SDIT, mais celles‐ci ne sont pas sans poser des problèmes de tracés, notamment à Lille, et elles sont annoncées à un horizon bien lointain : vers 2032 dans les scénarios les plus optimistes, et sans doute plus tard encore pour les branches lilloises. La MEL doit annoncer un planning clair, dont l’avancement sera communiqué en toute transparence. D’autres territoires ont montré qu’il était possible de créer des lignes en quelques années. L’adoption du SDIT date déjà de 2019 et les premiers passagers doivent pouvoir être transportés pendant le prochain mandat, que ce soit sur les projets de Roubaix‐Tourcoing ou de Lille.
Sur le vélo enfin, il faut reconnaître des améliorations, mais les 100 millions d’euros prévus par la MEL sur le mandat restent, en € par habitant, inférieurs au budget de la plupart des autres Métropoles (Strasbourg, Bordeaux, Rennes, Lyon…) et semblent insuffisants pour constituer, dans un délai raisonnable, un réseau de grande qualité. Les épisodes récents ont montré que mettre tous ses œufs dans le même panier (le doublement du métro) est une stratégie risquée en cas d’imprévus. Il est urgent de faire aboutir rapidement les nouvelles lignes de tram ainsi
qu’un réseau express vélo complet et sécurisé afin d’offrir des solutions supplémentaires aux citoyennes et citoyens de la MEL, et qui rendront le système global plus robuste, y compris en cas de situation perturbée.
Mathieu Chassignet, Axe Culture
Mattéo Ferrux, MobiLille (également collaborateur communication des élu‐es écologistes à la Région Hauts‐de‐France)
Mathieu Giraud, Union des Voyageurs du Nord
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