Handicap : comment les journalistes de Mediacités en parlent

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Formation de la rédaction de Mediacités sur les représentations du handicap dans nos articles. Capture d'écran.

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Par Nicolas Barriquand

Ce lundi 7 juillet, deux lectrices de notre journal, membres de la Société des Amis de Mediacités, ont sensibilisé notre rédaction aux représentations du handicap et des personnes handicapées dans nos articles.

Faut‐il préférer « non‐voyant » à « aveugle » ? « Déficient auditif » ou « malentendant » à « sourd » ? Ce lundi 7 janvier, la rédaction de Mediacités a prolongé sa réunion d’équipe hebdomadaire par un temps de réflexion sur les mots que nous utilisons pour parler du handicap dans nos articles. L’initiative ne venait pas de l’un d’entre nous, mais de deux membres de la Société des Amis de Mediacités (SDA) : Dominique‐Anne Michel et Stéphanie Lucien‐Brun. Toutes deux ont été sensibilisées aux problématiques liées au handicap au cours de leurs parcours professionnels ou associatifs. 

Stéphanie et Dominique‐Anne souhaitaient donc nous ouvrir les yeux et nous faire cogiter sur les représentations que véhiculent, parfois inconsciemment, nos écrits. Et ce fut le cas !

« Mal nommer le handicap ou les personnes handicapées est une forme de validisme »

Nos échanges ont débuté par une définition : celle du validisme. « Un système de pensée qui fait des personnes valides la norme sociale et qui donc oppresse les personnes handicapées, a développé Stéphanie. Il se manifeste autant quand on les considère comme des victimes que comme des héros. » D’où, une première suggestion pour nous autres journalistes : s’interroger sur la tournure « Il souffre de [tel handicap] », remplaçable par « Il est atteint de [tel handicap] », car « il est possible d’être handicapé sans en souffrir », soulignent nos deux formatrices du jour.

« Mal nommer le handicap ou les personnes handicapées est une forme de validisme », a poursuivi Dominique‐Anne, qui nous a conseillé d’adopter le réflexe suivant : toujours demander à une personne handicapée interviewée comment elle souhaite être désignée dans l’article. « Interrogez‐vous aussi sur la pertinence et la nécessité ou non de mentionner le handicap d’une personne si ce n’est pas le sujet », ajoute‐t‐elle. Et en cas de propos validiste dans une citation, rien ne nous empêche d’ajouter un « (sic) ». Ces trois lettres indiqueront à nos lecteurs que l’auteur de l’article a conscience du biais véhiculé par les paroles de l’interlocuteur cité.

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Lors de notre formation avec Dominique‐Anne Michel et Stéphanie Lucien‐Brun, le 7 juillet 2025. Capture d’écran.

Le fameux « dialogue de sourds » (sic… donc)

Mais au fait, les articles de Mediacités sont‐ils validistes sans le vouloir ? Stéphanie et Dominique‐Anne se sont plongées dans les archives de notre journal, armées de mots‐clefs et de tournures toutes faites. Pêle‐mêle : « Infirme », « sourd », « déficient », « cloué à son fauteuil », « autiste »… « Notre coup de sonde n’a rien rapporté d’inquiétant dans nos filets », nous ont‐elles rassurés, mais elles ont relevé des « expressions qui fâchent ».

Première d’entre elles : le fameux « dialogue de sourds » que nous avons tendance, il faut le reconnaître, à accommoder à toutes les sauces, qu’il s’agisse des controversées démolitions dans le quartier de l’Alma, à Roubaix, ou du retard pris dans le développement du RER lyonnais. « Or, les sourds dialoguent, commente Stéphanie. Ils ne le font juste pas comme les personnes valides. » A l’inverse, nos deux sociétaires n’ont pas trouvé de « cloué dans son fauteuil » dans nos publications : « Bonne nouvelle, car les personnes à mobilité réduite ne sont pas des Christ en croix ! »

« Peut‐être aurait‐on pu écrire “délirante” »

Dans un autre registre, nos discussions ont abordé les représentations des handicaps psychiques, « rendus visibles par la loi de 2005 sur le handicap », a rappelé Stéphanie. De fait, le sujet est loin d’être anecdotique car, par habitude ou facilité journalistique, nous qualifions fréquemment telle situation de « schizophrénique » ou telle attitude « d’autiste ».

Là, encore, Dominique‐Anne et Stéphanie ne nous intiment pas de bannir des mots de notre vocabulaire mais de nous interroger sur leur emploi : d’autres termes qui ne stigmatisent pas un handicap peuvent‐ils être tout aussi adaptés ? Et Dominique‐Anne de prendre un exemple : dans une enquête sur le géant du mobilier Maisons du Monde, un journaliste de Mediacités évoquait « une stratégie commerciale schizophrène ». « Peut‐être aurait‐on pu écrire “délirante” », glisse notre sociétaire.

Qui est le créateur toulousain à l’origine du drapeau mondial des sourds ?

De cette passionnante et nécessaire discussion est ressorti un document « Mediacités et les représentations du handicap ». Pas encore finalisé, il nous servira de vade‐mecum auquel nous référer pour l’écriture de nos futurs articles. Ce serait a priori une première. Si de nombreuses ressources existent sur le sujet, « curieusement, nous n’avons trouvé aucune charte rédactionnelle portant sur le handicap ou les déficiences dans aucun media, notent Dominique‐Anne et Stéphanie. L’Arcom, du temps où il s’appelait CSA, avait annoncé en 2020, en grande pompe, la mise en place d’un “comité de rédaction handicap” chargé de mettre au point un glossaire mis à la disposition des rédactions. Mais cinq ans plus tard, nous n’en avons trouvé aucune trace ! »

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