Et si les électeurs avaient voté pour le Grand Lyon en 2008 et 2014 ?

Metropole de Lyon
Le siège de la Métropole de Lyon. Photo : NB/Mediacités.

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Par Nicolas Barriquand

Si le scrutin métropolitain au suffrage universel avait déjà été en vigueur lors des précédentes élections municipales, quelle serait la couleur politique du Grand Lyon ? En partenariat avec Mediacités, les étudiants du CFJ-Sciences Po Lyon ont redessiné la composition de l’assemblée métropolitaine.

Ces 15 et 22 mars, les habitants du Grand Lyon voteront deux fois : pour élire leurs conseillers municipaux – comme partout en France – et pour élire leurs conseillers métropolitains – comme nulle part ailleurs en France. Depuis que la communauté urbaine est devenue, en 2015, une « métropole à statut particulier » (en récupérant les compétences du département sur son territoire), le Grand Lyon est une collectivité à part entière avec une élection au suffrage universel direct pour désigner ses représentants. Ce scrutin par listes inédit se déroulera dans 14 circonscriptions créées pour l’occasion.

Nous nous sommes posé une question : et si cette élection avait déjà été en vigueur lors des précédentes élections municipales, en 2014 et en 2008, quelle tournure aurait pris le film de la politique locale ?

Grâce à des outils de datajournalisme (ou « journalisme de données »), nous avons bâti notre machine à remonter le temps. Après avoir récupéré les résultats des élections municipales de 2008 et de 2014, nous avons calqué sur ces données les règles du scrutin métropolitain de 2020, en considérant que les électeurs auraient glissé dans l’urne un bulletin de vote aux métropolitaines de la même couleur politique que celui glissé pour les municipales.

Après avoir noirci des tableaux de savants calculs [lire l’encadré méthodologie ci‐dessous], nous sommes en mesure de vous présenter notre remake. Attention, spoiler : dans notre version du film du Grand Lyon, les gros mangent les petits. Autrement dit, les partis majoritaires et les grandes villes sont (largement) favorisés.

2008 : L’assemblée du Grand Lyon a le rose aux joues

 

Si la Métropole avait existé en 2008, la majorité de l’assemblée du Grand Lyon aurait été largement socialiste. Gérard Collomb, alors à la tête d’une liste d’union des gauches, aurait raflé 90 des 150 sièges. Dans la réalité, en 2008, le PS et ses alliés disposaient de 49 sièges sur les 165 du conseil communautaire, alors qu’à sa gauche, les communistes et le groupe de la Gauche alternative, écologique et citoyenne comptaient 22 élus. Dans notre scénario, ces derniers ont disparu du générique.

La droite, divisée en deux groupes au conseil communautaire (24 délégués de centre‐droit et 29 de droite), aurait récolté 57 sièges, n’en laissant aux centristes que deux. Dans les faits, ces derniers en comptaient 19 au conseil communautaire. Un unique élu « non affilié » complète notre assemblée fictive, alors qu’ils étaient 13 en réalité.

Notre projection démontre que le mode de scrutin, s’il avait été appliqué cette année‐là, aurait considérablement réduit la diversité politique de l’assemblée du Grand Lyon.

2014 : La droite aux commandes

 

En 2014, virage à droite. Logique : notre conseil métropolitain hypothétique suit les dynamiques électorales communales. Cette année‐là, l’UMP conquiert plusieurs villes importantes : Saint‐Priest, Décines‐Charpieu, Rillieux‐la‐Pape… Le découpage des circonscriptions métropolitaines (auquel Gérard Collomb, en tant qu’ancien sénateur, n’est pas étranger) n’aurait donc pas empêché l’alternance politique. Ainsi, selon nos calculs, la droite aurait emporté 71 sièges et la gauche 69. La gauche du PS (groupes Gram, communiste et « Gauche solidaire ») aurait gagné quatre sièges contre 16 en réalité. Enfin, les centristes auraient été balayés, sans élu, et le casting de assemblée n’aurait compté qu’un seul élu d’Europe-Ecologie-Les-Verts contre sept actuellement. De nouveau, les tendances minoritaires sont les grandes perdantes de notre scénario.

Autre enseignement : avec les règles électorales métropolitaines, l’extrême-droite compterait quatre élus contre deux en réalité. Le Front national, rebaptisé Rassemblement national, aurait eu des conseillers dans les circonscriptions de Lyon Sud‐Est (8e arrondissement), Villeurbanne, Portes des Alpes (Bron, Saint‐Priest, Chassieu) et Lônes‐et‐Côteaux (Oullins, La Mulatière, Saint‐Genis‐Laval, Irigny, Charly, Vernaison, Grigny et Givors).

Par ailleurs, en 2014, la gauche se présente en ordre dispersé (nous sommes alors en plein mandat de François Hollande, impopulaire à l’époque). De ce côté‐ci de l’échiquier politique, les listes d’union sont moins fréquentes qu’en 2008, notamment dans les bastions historiques du parti communiste (Vaulx‐en‐Velin et Vénissieux). Conséquence, dans notre récit alternatif, l’éparpillement de la gauche aurait provoqué, entre les deux élections, l’arrivée d’élus de la gauche de la gauche, au nombre de quatre. Un de ces sièges aurait été occupé par un élu de la circonscription englobant le premier arrondissement, fief de la maire Nathalie Perrin‐Gilbert.

Théo Uhart et Romane Sauvage (étudiants CFJ‐Sciences Po Lyon)

Scrutin métropolitain, mode d’emploi

Les conseillers métropolitains (qui seront 150 contre 165 actuellement) seront désormais élus par un scrutin de liste à deux tours, sur un mode proportionnel, avec une prime à la majorité. La liste qui obtient plus de 50% des suffrages exprimés au premier tour, ou qui arrive en tête au second tour, obtient la moitié des sièges de la circonscription (arrondie à l’entier supérieur si nécessaire). Les sièges restants sont répartis proportionnellement entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés (dont la liste ayant bénéficié de la prime majoritaire).

À noter : seules les listes ayant obtenu plus de 10% des suffrages exprimés pourront se maintenir au second tour (une fusion de listes est possible pour atteindre ce palier). Dans ce nouveau mode de scrutin, les circonscriptions lyonnaises pèsent lourd : la ville‐centre cumule à elle seule 55 sièges, soit plus du tiers de l’assemblée. La circonscription de Villeurbanne en compte elle 17. Grandes perdantes, les villes et villages les moins peuplées, puisque le Grand Lyon représentera désormais ses habitants et non plus les communes qui le composent.

Notre méthodologie

Données et traitement. Nous avons récolté les résultats des élections municipales par commune et par arrondissement sur le site du ministère de l’Intérieur. Parce que le 3e arrondissement de Lyon est partagé entre deux circonscriptions dans le nouveau mode de scrutin, nous avons cependant dû affiner nos données sur cette zone. Nous sommes donc descendus au niveau des bureaux de vote, dont la géographie est disponible sur le site d’open data du Grand Lyon, et avons récolté les résultats sur le site du ministère de l’Intérieur. Après agrégation des données pour les 59 communes de la Métropole, nous avons réuni par communes les listes selon la nomenclature ci‐dessous, pour améliorer la lisibilité.

Couleurs politiques. Nous avons repris les couleurs traditionnelles : du rouge pour la gauche radicale et extrême, du rose pour les divers gauche, du vert pour les écologistes, de l’orange pour le centre (aux couleurs du MoDem), du bleu clair pour les listes de centre‐droit comme l’UDI (Union des démocrates et indépendants), un bleu un peu plus foncé pour la droite, du bleu marine pour le Rassemblement national (ex‐Front National) et enfin du gris pour les divers et inconnus. 

Création des assemblées. Nous avons ensuite agrégé les résultats des communes pour obtenir des résultats au niveau de la circonscription avec un biais majeur : considérer que les électeurs auraient voté à l’identique pour leur mairie et pour la Métropole. Une fois les sommes effectuées, nous avons obtenu des pourcentages par tendance politique et par circonscription.

 

Nous avons alors procédé à la répartition des sièges selon les règles électorales. La liste arrivée en tête obtient la moitié des sièges de la circonscription, arrondie à l’entier supérieur si nécessaire. Puis, les sièges restants sont répartis à la proportionnelle entre toutes les listes ayant réuni plus de 5% des suffrages (liste arrivée en tête incluse), selon les règles de l’article L224‑4 du code électoral. Pour plus de détails, vous pouvez vous référer à cet article. En résumé, nous avons procédé à une première répartition grâce au quotient électoral puis à une seconde, si nécessaire, via le système de la plus forte moyenne.

 

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