En catimini, la MEL devrait approuver l’extension de l’aéroport Lille‐Lesquin

La Métropole européenne de Lille (MEL) doit se prononcer, vendredi 25 février, sur le projet de « modernisation » de l’aéroport Lille-Lesquin. Surprise : seuls les 35 élus du bureau exécutif sont appelés à voter… en faveur de l’agrandissement des infrastructures.

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Le projet de délibération de la MEL qui donne un « avis favorable sous conditions » à l'agrandissement de l'aéroport Lille-Lesquin. Montage : P. Leibovici / Mediacités

Soixante‐cinq délibérations et, comme toujours, plusieurs heures de débats : le menu du prochain conseil métropolitain, vendredi 25 février, est copieux. Mais l’ordre du jour publié sur le site de la Métropole européenne de Lille (MEL) fait l’effet d’un trou d’air : contrairement à ce qui était attendu, les 188 élus du conseil ne sont pas appelés à se prononcer sur le projet dit de « modernisation » de l’aéroport Lille‐Lesquin, qui fait l’objet d’une enquête publique ouverte jusqu’au mardi 1er mars.

À la place, c’est le bureau exécutif de la Métropole qui rendra un avis sur le projet. Une instance composée de 35 élus, dont les débats ne sont ni retransmis en vidéo, ni retranscrits sur un procès‐verbal. « Je suis consterné », confie Rudy Elegeest, président du groupe Action et projets pour la Métropole et conseiller métropolitain d’opposition à Damien Castelain. « Qu’une décision aussi lourde de conséquences ne donne pas lieu à un débat en assemblée plénière et publique, c’est un vrai problème démocratique », poursuit‐il.

« On veut un débat public, pas un conclave »

Parce qu’elle regroupe des communes « intéressées par le projet au regard des incidences environnementales notables […] sur leurs territoires », selon l’arrêté d’ouverture de l’enquête publique, la MEL doit s’exprimer sur la « modernisation » portée par Aéroport de Lille SAS, l’exploitant des infrastructures possédé en majorité par Eiffage. Un projet fourre‐tout, qui recouvre des aménagements bien différents, comme nous l’expliquions récemment sur Mediacités : outre la mise en sécurité des installations, la société veut aussi élargir la piste principale pour accueillir des avions plus gros, agrandir l’aérogare pour démultiplier le nombre de passagers ou encore implanter un parking de 1 072 places pour les voitures. 

Cet aménagement d’ampleur, contesté par une partie des riverains et plusieurs associations écologistes, sera finalement débattu à la MEL dans un bureau composé essentiellement d’élus de la majorité — le président, Damien Castelain, y siège aux côtés des 20 vice‐présidents et des 7 conseillers délégués. « Ce qu’on veut, c’est un débat public, pas un conclave », regrette Stéphane Baly, conseiller métropolitain d’opposition. Son groupe politique, Métropole écologiste citoyenne et solidaire (MECS), a déposé un vœu conjointement avec le groupe Actions et projets pour la Métropole. Si leur vœu est accepté par Damien Castelain, ils pourront publiquement se déclarer contre le projet de modernisation lors du conseil métropolitain. « C’est la seule solution pour que le débat soit porté devant les citoyens », explique Rudy Elegeest.

Un avis favorable « sous réserves »

Pourquoi l’exécutif de la MEL a‑t‐il opté pour une décision en catimini ? Il faut déjà comprendre que cette possibilité est ouverte depuis peu : en avril 2021, les élus métropolitains ont décidé que le bureau exécutif pouvait prendre des décisions — en lieu et place du conseil communautaire — pour les « projets d’aménagement », comme celui de l’aéroport Lille‐Lesquin. « Cette faculté permet de positionner la prise de décisions au niveau le plus pertinent en fonction de leur importance ou en raison d’une nécessaire réactivité », soutenait alors la délibération de la MEL. Un argument balayé par Stéphane Baly : « Le bureau qui va s’exprimer sur l’aéroport a lieu vendredi matin. On ne pouvait vraiment pas attendre un débat en plénière l’après-midi ? »

Derrière ce choix, on peut en fait voir l’embarras du président Damien Castelain, soucieux de préserver l’harmonie au sein du conseil métropolitain, alors même que de nombreuses communes se sont exprimées contre l’extension de l’aéroport lors de conseils municipaux successifs. C’est le cas de Lille, dont la majorité socialiste soutient le président de la MEL. Ou encore de Bouvines, dont le maire, Alain Bernard, est aussi le premier vice‐président de la MEL. Des éclats de voix entre alliés et en public auraient sans doute fait tache dans l’enceinte du Biotope. 

Il y avait pourtant matière à discussion. Le projet de délibération du bureau exécutif, que Mediacités s’est procuré (voir ci‐dessous), émet en effet « un avis favorable sur ce projet d’intérêt métropolitain, sous réserves ». Et d’énumérer des conditions, qui dépendent soit de l’État (instauration d’un couvre‐feu entre 23h et 6h, amendes pour les compagnies aériennes qui ne respectent pas ces horaires), soit des compagnies aériennes elles‐mêmes (« optimisation du remplissage d’avions »). Le concessionnaire, Aéroport de Lille, est toutefois appelé au « renforcement des navettes reliant l’aéroport au cœur de la métropole » et à la « ​​construction en silo » du nouveau parking voitures, pour épargner les champs captants. 

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La « prudence » de Damien Castelain peut aussi être lue à l’aune d’un dernier élément, et pas des moindres : sa collectivité, la MEL, est propriétaire d’un tiers des infrastructures aéroportuaires, via une participation au Syndicat mixte des aérodromes de Lille‐Lesquin et de Merville (SMALIM). Les deux autres tiers appartiennent à la région Hauts‐de‐France. Or, c’est bien le SMALIM qui a validé l’augmentation du nombre de vols à Lille‐Lesquin. Le 12 juillet 2019, l’organisme l’approuve à l’unanimité, comme en témoigne un procès‐verbal consulté par Mediacités (reproduit ci‐dessous). Parmi les votants ce soir‐là : Éric Durand, conseiller membre de la majorité de Damien Castelain à la MEL, et Régis Cauche, devenu son vice‐président. Sans oublier un certain Xavier Bertrand. Juste avant le vote, le président de la région Hauts‐de‐France lance à la cantonade, inquiet : « Comment faut‐il voter ? Est‐ce à bulletin secret ? »

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Par Pierre Leibovici