Pour rapprocher écolos et socialistes, la majorité nantaise fait appel à un psy

Afin de créer du lien entre les conseillers municipaux de la majorité, Johanna Rolland et Julie Laernoes ont fait appel à un psy. Le thérapeute Jean-Philippe Magnen, ancien conseiller municipal et régional écolo, a fait passer les élus sur le divan, le temps de deux séminaires.

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Johanna Rolland et Julie Laernoes, lors de l'officialisation de l'union de leurs listes au second tour de l'élection municipale de 2020. / Photo : liste Nantes en confiance

Ce n’est un secret pour personne, le premier mandat municipal de Johanna Rolland n’a pas été celui de la concorde dans la majorité. A écouter les uns et les autres, il y avait même de quoi dresser un joli catalogue de complexes. De supériorité, chez les élus PS, peints par leurs homologues Verts comme des arrogants, persuadés de détenir la vérité politique et peu enclins à partager pouvoir ou informations avec ces « amateurs d’écolos ». Et de persécution chez ces mêmes écolos, que les cadres PS décrivaient en paranos, convaincus – « à tort » – qu’on les tenait à l’écart. Durant la campagne municipale, la candidate EELV, Julie Laernoes, ne s’en cachait pas : selon elle, entre 2014 et 2020, socialistes et Verts n’avaient « jamais en réalité formé une équipe ». Ce dont Johanna Rolland convenait d’ailleurs elle‐même.

La reconnaissance commune du problème ou le premier pas pour une thérapie réussie, comme ont coutume de dire les psychologues ? Apparemment, puisqu’avant d’officialiser leur alliance entre les deux tours, les deux têtes de listes rivales avaient posé leurs conditions et signé un contrat de gouvernance censé éviter les erreurs du passé. Un premier pas, qui ne suffisait apparemment pas. La confiance ne se décrétant pas, il fallait retisser les liens pour espérer faire enfin équipe. Et comme dans ce genre de cas une aide extérieure est souvent nécessaire, la majorité nantaise s’est adressée à un spécialiste : Jean‐Philippe Magnen, psychothérapeute, mais aussi ancien élu de Nantes et de la Région Pays de la Loire.                 

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Capture de la page d’accueil du site de Jean‐Philippe Magnen.

« Une pointe d’appréhension »

« Ce qui m’a plu dans cette proposition, c’est l’intention claire de vouloir améliorer les liens humains et de travailler ensemble sur le projet global partagé », raconte le psy à Mediacités. Pour y parvenir, Jean‐Philippe Magnen, accompagné de son confère et ami Sylvain Rivaux, a organisé deux séminaires. Le premier s’est tenu le 18 septembre, en présence des 56 élus de la majorité (PS, EELV, PC, UDB, divers gauche). L’objectif : faire en sorte que tout le monde se connaisse. Confinement oblige, le second s’est tenue en visioconférence, sur une demi‐journée, le 5 novembre. Le programme était cette fois plus politique et devait permettre aux élus de présenter et de travailler sur leur feuille de route du mandat. 

« Ces deux séminaires ont brisé la glace », explique Jean‐Philippe Magnen. Et ce malgré le lourd passif pesant dans les relations, notamment chez ceux ayant gouverné ensemble lors du précédent mandat. Le thérapeute confessait lui‐même une petite inquiétude. « J’avais une pointe d’appréhension à travailler avec certains anciens partenaires politiques comme Pascal Bolo, Ronan Dantec et Aymeric Seassau, avec qui j’ai eu des frictions dans le passé. J’en ai parlé avec eux avant les séminaires et j’ai été agréablement surpris par leur réaction », avoue Jean‐Philippe Magnen.

Même si « ce ne sont pas deux séminaires qui vont régler le problème de confiance », le thérapeute se dit satisfait du travail de ses patients élus. « Se découvrir, se parler sans tabou avec l’aide d’un psychothérapeute n’est pas courant dans la culture politique. La plupart du temps, les collectivités ont une vision plus classique, plus descendante », explique l’ancien leader vert.

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Les élus nantais de la majorité en plein « jeu du roi et de la reine ». / Photo : Newsletter de Jean‐Philippe Magnen

Le roi, la reine et les autres

Pour parvenir à trouver dans chacun et chacune des élus « son plein potentiel », Sylvain Rivaux et Jean‐Philippe Magnen ont sorti leur outil miracle : le jeu du roi et de la reine. Le temps d’un séminaire, les conseillers municipaux se sont transformés en sujets d’un royaume imaginaire composés de grandes figures archétypales. Et pour devenir roi ou reine, autrement dit, « un être humain complet et équilibré », chacun(e) doit travailler sur cinq axes de sa personnalité, cinq archétypes : le compagnon‐bâtisseur, le guerrier, le sage, l’artiste et l’inconnu. Sans nul doute, en politique plus qu’ailleurs, il est difficile de trouver un équilibre entre ces profils.

Et du côté des participants, quel bilan en tire‐t‐on ? Quatre élus EELV interrogés par Mediacités estiment que « ces rencontres étaient nécessaires. L’ambiance était bon enfant et les méthodes interactives ont facilité la prise de contact », résume l’un d’eux. Entre anciens concurrents et parfois même chez les colistiers du premier tour. « Le premier séminaire était très utile pour mieux se connaître humainement, y compris au sein du groupe PS, témoigne Bassem Asseh, le premier adjoint (PS) de Johanna Rolland. Il faut être franc : la campagne électorale ne permet pas toujours de bien connaître ses propres colistiers. »

Près de 20 000 euros de facture

Une autre membre de la majorité souligne, avec étonnement, que « tous les élus ont montré un intérêt pour les séminaires ». Avec un bémol cependant pour Pascal Bolo (lire le portrait que lui a consacré Mediacités) qui « avec sa gouaille habituelle montrait ostensiblement qu’il était bien au‐dessus de ces petits jeux ».

Quant à la facture de cette consultation collective, elle s’élève à 19 639 euros TTC (11 520 euros pour le premier séminaire d’une journée, 8 119 euros pour le second d’une demi‐journée en visio)… Un montant situé plutôt dans le haut de la fourchette des tarifs pour ce type de prestation. « Des montants dans la moyenne de ce qui se fait à Paris et en régions pour des consultants seniors » affirme de son côté la mairie de Nantes. La note pourrait d’ailleurs s’alourdir. Puisque deux séminaires ne peuvent « régler le problème de confiance », des échanges entre Jean‐Philippe Magnen et le cabinet de Johanna Rolland sont prévus dans les prochaines semaines pour convenir d’éventuelles nouvelles rencontres. 

On y jouera peut‐être à un nouveau jeu, qui pourrait s’appeler « le roi et l’arbre aux oiseaux »… Car en matière politique, les thérapies de groupe suffisent rarement à résorber les vieilles fractures. Lundi 1er février, Julie Laernoes a une fois de plus réaffirmé son opposition à la construction de l’Arbre aux hérons, le nouveau et monumental projet des Machines de l’île, ardemment défendu par la maire de Nantes et les élus PS. « Je ne vois pas comment [ce] (…) peut être une priorité dans le monde d’après », argumentait la chef de file écolo dans les colonnes de Presse‐Océan. C’était l’un des cinq désaccords actés lors de l’union entre socialistes et écolos avant le second tour des élections municipales (avec, entre autres, le projet de CHU et l’extension de la Cité des congrès). Voilà largement de quoi renvoyer régulièrement la majorité nantaise sur le divan.


A lire dès demain notre enquête sur la garde rapprochée de la maire de Nantes :
Derrière Johanna Rolland, ces femmes et ces hommes de l’ombre
qui gouvernent Nantes

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Par Antony Torzec