Budget participatif : les petits arrangements de la mairie de Toulouse

Les règles de fonctionnement du budget participatif ont été discrètement contournées par la municipalité afin de favoriser certains projets de certains quartiers.

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Selon les règles présentées par la mairie de Toulouse, le projet de rénover la place Henri Russel aurait dû être retenu. / Crédit photo Gael Cérez

Le Parc de la Mounède, au sud‐ouest de Toulouse, ne bénéficiera toujours pas d’un parcours santé, comme le souhaitaient 80 citoyens et citoyennes. Les 76 habitants de Saint‐Cyprien ne verront pas non plus des arbres remplacer les places de parking dans leur quartier, malgré l’approbation de 76 personnes.

Ces deux projets étaient proposés au vote dans le cadre du premier budget participatif organisé par la mairie de Toulouse. Expérimenté en 2019 dans les quartiers prioritaires, cet outil de démocratie locale (et promesse de campagne) a été élargi cette année à toute la commune. 200 projets étaient en lice (10 par quartier). Au total, 4 532 Toulousains et Toulousaines ont voté pour leurs propositions préférées. Enveloppe en jeu : 8 millions d’euros, soit 1 % du budget total de la commune.

Le règlement produit par la mairie stipulait que les 20 quartiers bénéficiaient de 300 000 euros maximum chacun, pour mettre en œuvre au moins deux projets par zone. Le reste du budget, soit au minimum deux millions d’euros, devrait permettre de valider les idées non retenues dans un premier temps, mais particulièrement plébiscitées à l’échelle de la ville. Une façon de récompenser la mobilisation des habitants.

Un classement inéquitable

Début décembre, la municipalité a présenté les 83 lauréats avec fanfares et trompettes. Pourtant, à la lecture des résultats, quelques incohérences apparaissent. Certains projets retenus ont reçu bien moins de voix que d’autres, passés à la trappe.

Par exemple, l’aménagement de la place Henri Russel, dans le quartier 5.3 (Saint‐Michel – Le Busca – Empalot – Saint‐Agne), a remporté 98 suffrages, mais n’a pas été adopté, contrairement au projet de végétalisation du cimetière Croix‐Daurade dans le 3.3, soutenu par seulement 21 personnes. « L’ordre des votes ainsi que la dynamique des quartiers n’ont pas été respectés », déplore Guillaume Drijard, président de l’union des comités de quartier de Toulouse (UCQT). 

En effet, la Mairie n’a pas suivi son règlement. Ainsi, les enveloppes par quartier ont largement débordé. Dans le 2.1 (Saint‐Cyprien), le budget atteint 493 600 euros. Même constat dans le 3.2 (Sept Deniers – Ginestous – Lalande ) qui cumule 417 000 euros pour quatre projets, dont 200 000 euros alloués pour une proposition retenue par seulement 36 habitants. Le maire de ce quartier n’est autre que le conseiller municipal LR Olivier Arsac, également chargé du budget participatif. Il n’a pas donné suite à nos sollicitations. 

Les décalages relevés par plusieurs observateurs s’expliquent par le fait que la mairie a modifié les règles en cours de jeu, sans prévenir personne. Le site dédié précise ainsi que le budget de 300 000 euros est « un minimum selon les estimations des projets ». Ce qui change du tout au tout.

Une dizaine de projets plébiscités, mais non retenus

L’application de cette nouvelle règle a de fortes conséquences sur la désignation des lauréats, puisque la somme restante après décompte par quartier, est considérablement réduite. Une dizaine de projets, bien qu’approuvés chacun par plus de 52 citoyens et citoyennes, n’ont pas été retenus.

Étrangement, la municipalité leur a préféré dix autres projets, pourtant moins plébiscités. Peut‐être pour ne pas dépasser l’enveloppe initiale. Avec les 83 projets sélectionnés, l’opération coûtera en effet huit millions… et 20 euros ! Si elle avait appliqué ses propres règles, la mairie aurait dû débourser 15 000 euros de plus. Un gouffre…

Conseiller municipal d’opposition, Maxime Le Texier souligne un autre problème : « Le budget participatif est utilisé pour financer des opérations déjà planifiées dans la programmation pluriannuelle d’investissement. » Il fait notamment référence à l’aménagement d’une piste cyclable sur l’avenue Saint‐Exupéry (5.1), pour laquelle une enveloppe budgétaire était déjà prévue.

« « Un contournement opaque et antidémocratique » »

Maxime Le Texier

Pour l’élu du groupe Alternative municipaliste citoyenne, ces arrangements avec le règlement ne sont pas dus au hasard. « On a eu écho d’ingérences de la part de certains maires de quartiers et réseaux d’élus, qui ont poussé leurs propres quartiers. C’est une intrusion dans le vote des habitants », accuse‐t‐il, « scandalisé » par ce qu’il estime être un « contournement opaque et antidémocratique ».

Moins en colère, une habitante du quartier Saint‐Michel‐Le Busca regrette pour sa part « un manque de transparence » dans le dispositif. « Les participants ont eu zéro info. Je trouverais logique qu’on nous tienne au courant pour un budget participatif », estime Françoise Chatenoud, une employée de nettoyage initiatrice de plusieurs propositions.

Un point négatif pour une démarche censée resserrer les liens entre les citoyens et la démocratie locale. La mairie s’en est finalement expliquée, après le bouclage de cet article, en nous répondant via un entretien informel durant le conseil municipal, puis par écrit.

 

  • La mairie de toulouse sait toujours faire des petits arrangements quand cela l’arrange.
    Preuve en est sur le zéro concertation de l’usine biomasse avenue d’Atlanta et des autres projets écocides de Toulouse métropole.
    Une centrale de 60GW/H et par an verra le jour et celle de jolimont qui démarre surtout dans le mépris le plus total des riverains.
    Une usine pour chauffer la zac matabiau à 3KM de distance qui questionne sur l’utilité (avons nous toujours besoin de ce projet?), les fumées (des déchets industriels n’ont ils pas été retrouvé dans les usines biomasses gérées par Toulouse Métropole?), justice sociale(changer de voiture pour que l’usine génère HAP, particules fines dans une ZFE destiné à chauffer les plus aisés au détriments des autres), l’approvisionnement (228T/J pour l’alimenter par camion bien entendu), l’isolation (une méthode bien plus efficace et qui peut être mis en place rapidement), l’impact écologique(Vue la puissance la foret de buzet doit elle disparaitre dans 10 ans pour 8% des toulousains?) bien entendu tout cela sans réponses de Moudenc, trautman et ses sbires… Le mépris est bien l’une des choses que nous devrons retenir de la majorité municipale pour les prochaines élections…
    plus d’info sur toulouse‐chauffe

  • Si on se réfère à la définition du mot « transparence » qu’on trouve sur le site du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), on peut constater la « transparence » totale de la Mairie de Toulouse concernant ces projets contrairement au ressenti de l’habitante du quartier Saint‐Michel‐Le Busca. En effet, l’action de la Mairie est conforme à la définition de ce mot puisque d’après le CNRTL, ce mot désigne :
    – au cinéma, un procédé consistant à projeter par derrière sur un écran transparent un plan qui sert de décor et à filmer une scène jouée devant cet écran (définition 4.b),
    – la propriété qu’a un corps translucide de laisser passer la lumière sans qu’on puisse cependant distinguer les formes qui sont derrière (définition 5).

  • Pour reprendre les Fabulous Toubadours : « Il nous parle d’arbitrage, mais vous avez vu comment ? Qui c’est qui choisit l’arbitre, c’est lui arbitrairement ».
    La démocratie à l’échelle d’un pays ou d’une grande ville, c’est des élections à la suite desquelles les élus prennent leurs responsabilités, point final. Toutes ces histoires de « budgets participatifs » qui ne concernent qu’une infime partie du vrai budget ne sont la que pour amuser le gogo, leur « bidouille » est consubstantielle à leur création, personnellement je m’interdis d’y prendre part par conviction démocratique.
    Gageons cependant que grâce à Médiacités, « maintenant il va nous parler un peu plus honnêtement, il va nous mentir encore mais moins mensongèrement » (et merci à Néowelcome de nous avoir remis en mémoire ce morceau d’anthologie des Fabulous qui nous manquent)

  • UN contournement opaque et anti‐démocratique !
    Je viens de lire un article de Mediapart sur la situation que le gouvernement fait à EDF… et j’ai l’impression que le même titre pourrait convenir. Nous avons à faire à des politiciens que plus rien n’arrête : ils ont trouvé la voies des « contournements opaques et anti‐démocratiques »
    Est‐ce que la justice pourra un jour les rattraper là‐dessus ? ou sont‐ils des menteurs légaux ?

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Par Emma Conquet