Municipales à Saint‐André : le sénateur Henno face à ses anciens vassaux

Après avoir quitté la mairie de Saint-André, qu’il occupait depuis 2001, pour rejoindre le Sénat en 2017, l’UDI Olivier Henno veut récupérer son trône. Face à lui, la maire sortante, Elisabeth Masse, à qui il avait confié le siège, et son ex-assistant parlementaire, Rudy Delaplace.

Henno vs Masse
Le sénateur Olivier Henno tente de redevenir maire de Saint-André-lez-Lille faceà Elisabeth Masse à qui il a laissé la place en 2017. Montage : Marion Fontaine

«Les Andrésiens me manquent », « les services municipaux me réclament ». Contraint de quitter son fauteuil de maire, pour cause de non‐cumul des mandats, suite à son élection au sénat en septembre 2017, Olivier Henno revient à Saint‐André‐lez‐Lille, au nord de la métropole lilloise, pour « sauver la ville ». Une élection qui s’annonce plus compliquée que le plébiscite de 2014 lorsqu’il avait raflé la mairie au premier tour avec plus de 65 % des suffrages. Ce qui ne semble pas inquiéter le sénateur UDI soutenu par LREM. « La conquête m’intéresse presque plus que le pouvoir, un peu comme en amour », s’amuse-t-il.

Face à lui, trois listes. Un collectif citoyen plutôt à gauche et – surprise ! – deux listes emmenées par d’anciens élus de sa majorité. La première, sans étiquette partisane, est portée par Rudy Delaplace. Cet ancien assistant parlementaire d’Olivier Henno a vu ses ambitions de devenir calife à la place du calife contrecarrées par le retour inopiné de son mentor : « C’est comme si vous claquez la porte de chez votre femme du jour au lendemain et que vous revenez deux ans après en lui disant « reprends‐moi c’était quand même bien entre nous ! » » Décidément, à Saint‐André, on aime la métaphore amoureuse.

Pour Olivier Henno, l’autre adversaire venu de l’intérieur, c’est la maire sortante Elisabeth Masse. Celle à qui il avait confié les rênes de la ville en partant au sénat. Sans se douter que cette ancienne sage femme de 65 ans allait s’émanciper. « J’ai découvert mon ambition », reconnaît la candidate divers‐droite. Qui affirme ne pas connaître les raisons du retour d’Olivier Henno. Vraiment ? Certains de ses soutiens sont plus bavards. Olivier Henno se représenterait pour permettre à sa compagne, Christelle Delebarre, en quatrième position sur sa liste, de rester conseillère municipale. A tout le moins.

Saint-André Henno

La compagne au centre de la campagne

Ce mandat permettrait à cette chargée de projets à la Métropole Europénne de Lille (MEL) de peser dans la politique locale et, accessoirement, d’arrondir ses fins de mois. Et pas qu’un peu… Première adjointe au maire (1 060 euros mensuels, jusqu’à ce que la maire lui retire sa délégation – et son indemnité – début janvier 2020 pour cause de ralliement à la liste Henno), conseillère régionale (2 527 euros), vice‐présidente au SIVOM alliance nord‐ouest (674 euros). L’investissement politique de Christelle Delebarre lui rapporte au total plus de 4 200 euros brut par mois. « Ce sont des personnes dont la politique est un métier qui cherchent par tous les moyens à conserver leurs postes », regrette Loïc Lebez, tête de liste « Osons l’alternative citoyenne », seul candidat à ne pas être issu de l’ancienne majorité Henno.

Des attaques « très injustes », selon Olivier Henno : « J’ai toujours privilégié le collectif. J’aurais pu mettre ma compagne au poste de maire si j’avais vraiment voulu la jouer perso. » Et quand on l’interroge sur la non‐mention de l’emploi à la MEL et des mandat électifs de sa compagne dans sa déclaration d’intérêts de sénateur – qui doit pourtant faire mention des activités du conjoint -, le sénateur reste droit dans ses bottes : « On ne vit pas ensemble, nous ne sommes pas liés juridiquement ».

Mais alors, pourquoi revient‐il ? « Mieux vaut être premier à Ostie que second à Rome », explique Olivier Henno, citant Jules César. Au Sénat, Olivier Henno est un parlementaire parmi les autres. « A Saint‐André, je suis un symbole », ose‐t‐il. Difficile de croire que sa bonne ville lui suffise. D’aucuns le voient déjà comme un sérieux prétendant à la succession de Jean‐René Lecerf à la tête du département du Nord, où il fut vice‐président à l’Insertion, en 2021.

En 2001 tous copains, en 2020 tous requins

Nostalgique du septennat et farouche opposant au non‐cumul des mandats, Olivier Henno aurait rêvé être député‐maire. « Quand je me présente en 2014, j’imaginais pouvoir faire les deux. » Anecdote révélatrice : en octobre 2017, à peine élu sénateur, il s’empresse d’inaugurer un centre de santé encore en travaux. Sur la plaque dorée, on peut lire la mention « sénateur‐maire » en dessous de son nom, alors que le cumul des mandats est déjà illégal. Pour justifier son come‐back, le sénateur avance une autre raison : rétablir l’ordre au sein d’un conseil municipal éparpillé façon puzzle depuis son départ.

Fin 2017, quelques mois après l’intronisation d’Elisabeth Masse, Rudy Delaplace et Géraldine Melon, deux conseillers municipaux, rejoignent l’opposition, critiquant l’autoritarisme dont ferait preuve la nouvelle maire. Dans la foulée, certains commerçants et figures andrésiennes reçoivent des courriers anonymes accusant la maire d’enrichissement illicite. Le divorce est consommé en janvier 2020 quand Elisabeth Masse retire à quatre adjoints (Eric Mielke, Thomas Fabre, Christelle Delebarre, Martine Demuys) leurs délégations – et leurs indemnités – pour avoir soutenu le candidat Henno. La dream‐team d’Olivier Henno de 2001, lorsque l’ancien collaborateur de Jean‐Louis Borloo remporte sa première élection à Saint‐André, a définitivement volé en éclat.

« Elisabeth Masse est une bonne numéro deux mais pas forcément une bonne numéro un », juge aujourd’hui Olivier Henno. Qui réserve la même appréciation à Rudy Delaplace, son ancien collaborateur devenu adversaire : « Il manque de recul ». Ses adversaires reprochent à l’ancien maire sa déconnexion avec Saint‐André depuis son élection sous les ors du Palais du Luxembourg. Pourtant, en termes de programme, les propositions des trois anciens amis ne sont pas si éloignées les unes des autres : tous prônent une ville plus durable et plus de concertation des citoyens. Problème, ils partagent une autre certitude : celle d’être plus doué que les autres pour diriger la ville.

  • Merci à cette étudiante prometteuse qui me permet de bénéficier de l’article sans être abonné .… L’histoire me fait penser à un feuilleton d’antan « Dallas ton univers impitoyable ». Mais les électeurs sont‐ils bien avancés maintenant ? A quand un journalisme qui expliquera vraiment sans parti pris et sans coloration les différences entre les projets ? A quand une analyse professionnelle des programmes ? Comment redonner l’espoir aux électeurs.?Les médias ne doivent ils être que des accélérateurs de divisions ?

  • Un article qui aurait au moins pu considérer l’alternative citoyenne de Loïc Lebez , et mettre sa photo et le nom de sa liste au même plan que les autres. Il n’y a pas que les copains‐requins à St‐André …

    • mais enfin… un bon article n est pas forcément (malheureusement?) un article qui convienne à tout le monde. Un bon article aujourd’hui ? c’est pour beaucoup, un article qui va diviser les gens, un article qui ne doit surtout pas être constructif mais qui doit être avant tout « vendeur ». Et aujourd hui ce qui se vend c est la haine, la critique pour la critique, la dénonciation, le scandale.
      Quand nous n aurons plus de candidat au poste tant décrié de Maire nous serons bien avancés.
      Alors au risque de choquer tous les bons penseurs, si un candidat n a pas que des visées « désintéressées » mais qu il remplit bien son rôle pour nous les citoyens qui n avons pas la force, ou le courage, ou l’envie de nous investir au service des autres est ce que c’est si mal ?

  • A Saint‐André‐lez‐Lille, il n’y a pas que trois candidats, au pouvoir depuis 19 ans, qui s’entredéchirent !
    #0sons l’alternative citoyenne avec Loïc Lebez propose un projet collectif complet, étayé et réaliste. Il engage les nécessaires transitions écologiques, sociales et économiques dans notre commune, indépendamment des partis politiques, pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens. Comment ? Il est porté par 35 candidats expérimentés dans tous les champs de compétences de la ville, soutenus par plus de 200 sympathisants actifs. Il replace l’habitant au cœur des décisions de la ville et redonne le pouvoir d’agir aux citoyens, en les dotant des moyens nécessaires. Une démarche qui s’appuie sur six années d’animation de la démocratie participative locale avec le collectif Tous acteurs de notre ville : elle a débouché sur la co‐construction, avec les habitants, d’une nouvelle vision pour notre ville qui va être mise en œuvre et co‐gérée pendant les six prochaines années. 

    Pour en savoir plus :
    http://www.osons2020saintandre.fr

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Par Clara de Beaujon (ESJ Lille)