C’est une décoration nationale qui aurait pu passer inaperçue… Le 3 décembre, le grade d’officier de la Légion d’honneur sera remis à André Dupon, fondateur et directeur du groupe Vitamine T, un géant nordiste de la réinsertion sociale. Seulement voilà, André Dupon se voit attaqué sur son passé d’éducateur au foyer traditionaliste catholique de Riaumont, à Liévin, dans les années 1970.
Scandalisés par cette remise de décoration à venir, deux anciens pensionnaires ont décidé de briser le silence. Ils ont déposé plainte en octobre dernier contre lui pour violences physiques. Leurs accusations de maltraitance récurrente et de punitions extrêmes s’ajoutent à une précédente plainte, pour agression sexuelle, déposée en décembre 2021 par un autre ancien pensionnaire du foyer. Contacté par Mediacités, André Dupon indique qu’il ne souhaite faire « aucun commentaire » et qu’il « conteste totalement les faits évoqués, vieux de plus de cinquante ans ». Il rappelle qu’« aucune procédure judiciaire n’a jamais été engagée à (son) encontre ». Il est, de fait, présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été établie.
Envoi massif
Concernant des faits prescrits, ces plaintes ont pour but, selon leurs auteurs, de raconter leur vécu et d’alimenter une enquête judiciaire dans le cas où d’autres victimes non prescrites se signaleraient. Elles se doublent de l’envoi massif, par le collectif des victimes du Village d’enfants de Riaumont, d’une lettre à la société des membres de la Légion d’Honneur du Nord dans laquelle il partage son incompréhension et son indignation à voir André Dupon ainsi honoré.
La lettre a également été adressée aux députés et sénateurs du Pas‐de‐Calais et du Nord pour informer et alerter largement sur le passé d’André Dupon. Car dans la métropole lilloise, le fondateur de Vitamine T est d’abord le visage d’une réussite : celle de la réinsertion des plus précaires par le travail. Un succès qui a largement débordé les frontières de la région et qui fait de lui une personnalité majeure de l’économie sociale et solidaire en France.
Un trou béant dans la biographie
Ni dans sa biographie officielle, ni dans de nombreux entretiens sur son parcours, André Dupon ne mentionne le Village de Riaumont. De son histoire familiale, il parle laconiquement de son père mineur de fond incarcéré et de sa mère alcoolique et violente. Il est placé à l’âge de 5 ans : « J’ai été élevé par des éducateurs, je suis devenu éducateur. » Et puis c’est tout.
Il ne reprend le fil de son histoire qu’à 18 ans, quand, devenu éducateur de rue, il se raconte occupé à « caser » des jeunes difficiles, tout en se décrivant « cheveux longs, nuit debout, à bas le grand capital ». Cette biographie sélective omet donc de raconter douze ans de sa vie passée dans le foyer de Riaumont à Liévin. Aujourd’hui, beaucoup …