TRIBUNE – Plaidoyer pour l’innovation responsable

Spécialiste des politiques publiques locales, Michel David appelle à soutenir l’émergence de start-up sociales dans les Hauts-de-France, qui deviendraient les fers de lance de la grande transition de la société.

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L’économie ne jure que par l’innovation permanente. Les collectivités et l’État y voient une opportunité de développement ; pour cela, ont été implantés des pôles de compétitivité ou d’excellence ; textile, technologies, santé, e‑commerce ou image, ces clusters ont toujours une base technologique. De ce fait, l’innovation sociale trouve plus difficilement des soutiens, notamment financiers. Pourtant, l’innovation sociale gagne en visibilité : la loi Hamon pour l’Economie Sociale et Solidaire la consacre, et une vice‐présidence de la Région, confiée à Guillaume Delbar, ambitionne de la développer.

L’innovation sociale ? De l’économie, tout bêtement !

Encore faut‐il lever les ambiguïtés qui en limitent la portée. Dire « Innovation Sociale » évoque souvent les « problèmes sociaux » ; c’est moins porteur que le « digital » et là où on parle investissements d’avenir, ici on pense spontanément coûts et dépenses. Il faut changer de regard : l’investissement social est à l’ordre du jour. Améliorer les stratégies éducatives pour réduire le nombre de jeunes sans formation, c’est de l’économie ; trouver des solutions pour permettre aux personnes très âgées de rester à la maison, ce sont des milliards en jeu ; réduire le gaspillage et les déchets, ce sont des milliers d’emplois à la clé. L’innovation sociale ? Mais c’est de l’économie, tout bêtement !
Pour des raisons historiques, on tend à réduire l’innovation sociale à l’économie sociale et solidaire. Je propose une définition plus large et je lui donne le nom d’innovation responsable. D’abord, il s’agit d’élargir la notion de « social » à la fabrique de la société en général ; ensuite, il faut se centrer sur l’innovation responsable, et non l’innovation pour l’innovation. « Responsable » ? C’est à dire économiquement viable, écologiquement durable, socialement inclusif. Enfin, il faut prendre la mesure de l’enjeu. Il ne s’agit pas de soutenir à la marge des innovations locales sympathiques, mais de mener à bien la grande transition qui s’impose dans tous les domaines : territoires, travail, éducation, consommation.

Les Hauts‐de‐France : un laboratoire naturel

Pour réussir la grande transition, nous devons coaliser des acteurs différents et complémentaires, l’Economie Sociale et Solidaire évidemment, mais aussi les activistes des « communs » et des pratiques collaboratives, mais aussi les entreprises – sociales ou capitalistes – et les acteurs publics qui ont la responsabilité de transformer des politiques publiques souvent obsolètes. Cette chaîne de développement au service de la transition, c’est le moteur de l’innovation responsable.
La région des Hauts‐de‐France pourrait être la grande région de l’innovation responsable. Par l’ampleur des problèmes sociaux qui sont posés, elle en est un laboratoire naturel. Elle héberge un fort mouvement patronal d’économie responsable, qui avec le World Forum pour une économie responsable, prolonge l’inspiration du catholicisme social et essaie de faire de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), autre chose qu’une communication réussie. Elle a vu se développer quelques‐unes des grandes entreprises sociales de ce pays comme Vitamine T ou La Sauvegarde du Nord, qui sont, avec le groupe SOS, à l’initiative de la création du Mouvement des Entrepreneurs Sociaux (MOUVES).

Ne manque que l’impulsion politique

Créons, au carrefour des universités, des entreprises et des territoires, un grand pôle d’excellence de l’innovation responsable. Créons des « entreprises de territoire » qui ne comptent pas que sur la dépense publique pour créer des activités utiles et des emplois accessibles. Soutenons ce que nos amis de Montréal appellent des start‐up sociales, l’esprit entrepreneurial au service de l’investissement social, comme le tente l’expérimentation « start‐up de territoire » qui s’est lancée à Lille. Le besoin est là, les énergies sont prêtes, les financements mobilisables avec l’Europe, il ne manque que l’impulsion politique. Il va sans dire que le roubaisien que je suis voit bien sa ville accueillir un tel pôle régional. Alors, qu’en pensez‐vous ?

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Par Michel David

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