Lille : pour un gouvernement métropolitain démocratique

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Par Un groupe de citoyens de la Métropole de Lille

L’élection du nouveau président de la Métropole européenne de Lille (MEL), prévu le 9 juillet, ne doit pas se faire en catimini, à la faveur d’arbitrages obscurs entre élus, mais de façon transparente et sur la base d’un projet clair pour le mandat 2020-2026. C’est le fondement de cette tribune, rédigée par des citoyens ordinaires et ouverte à la signature.

Les 15 mars et 28 juin, nous, citoyen.n.es des 95 communes de la Métropole Européenne de Lille (MEL) avons été appelés à renouveler les conseils municipaux et, indirectement, le conseil de la métropole. Et c’est ce conseil qui, à son tour, élira la/le président.e, les vice-président.e.s et le bureau de la MEL le 9 juillet prochain.

Que ce soit dans l’espace médiatique ou politique, la campagne électorale a pu donner l’impression que l’échelon municipal est premier, le métropolitain second. Rien n’est plus trompeur ! Si l’on regarde la réalité budgétaire, le budget de la MEL (2 milliards d’euros) équivaut aujourd’hui à la totalité des budgets municipaux des 95 communes qui la composent.

Le conseil métropolitain décide des politiques de transport, de logement, d’eau-assainissement, de gestion des déchets, de développement économique, d’aménagement, de voirie, de culture, de sport, d’enseignement supérieur et de recherche, etc. Autant de compétences majeures qui ont des conséquences concrètes sur le quotidien de la population, pour limiter les prix de l’immobilier, réduire les embouteillages, lutter contre la pollution de l’air… Malgré cette primauté institutionnelle et politique évidente, concrète et indiscutable, le jeu politique local nous détourne de cette réalité fondamentale et focalise l’attention du public sur les joutes municipales.

La démocratie est sortie très affaiblie des municipales. Elle ne doit pas subir de nouveaux dommages à l’occasion de l’élection du nouvel exécutif de la MEL. Le calendrier de désignation de ceux qui présideront pour six ans aux destinées d’une métropole de plus d’un million d’habitants est particulièrement resserré. D’ici au 9 juillet, les nouveaux conseillers – mais surtout les listes et appareils militants dont ils relèvent – auront mené, loin des yeux du public, les tractations scellant le choix des instances dirigeantes de la métropole.

On ne peut plus accepter, en tant que citoyen.n.es un mécanisme électoral qui détourne la démocratie. Pour nombre d’observateurs, quelles que soient leurs options politiques, cette manière d’opérer procède de la « politique confisquée », titre d’un ouvrage des chercheurs en sciences politiques Fabien Desage et David Guéranger, ou de « l’arnaque démocratique », pour reprendre l’expression employée par l’un des candidats durant la campagne municipale lilloise. A la sur‐incarnation municipale du jeu électoral répond la désincarnation des enjeux métropolitains et, in fine, leur escamotage dans l’espace politique.

Nous, citoyen.n.es métropolitains, refusons que l’exécutif de toute une métropole soit désigné en catimini, sans positionnement politique affiché des candidats et sans stratégie préalablement exposée par ceux qui brigueront la direction de l’instance métropolitaine. Nous avons pu observer le déficit démocratique dont souffre cette intercommunalité et les anomalies qu’elle a révélées malgré elle depuis 2014 :

  • absence de stratégie globale de la MEL, logique du « consensus mou » et du clientélisme municipal, politique de guichet
  • absence d’un réel portage politique des missions assignées à la MEL, qui livre en réalité le contrôle du pouvoir aux maires et à leurs entourages techniques et administratifs, selon des logiques qui reproduisent des hiérarchies notabiliaires, et selon des règles corporatives et un entre‐soi délétère pour la confiance des citoyens dans la politique
  • absence de contrôle des élus les un.es sur les autres. Les compromis et l’interdépendance entre élus au sein de la MEL empêche de lancer l’alerte ou de dénoncer des scandales, comme l’a montré l’inertie coupable de la quasi‐totalité des élu.e.s face aux mises en examen du président sortant

 

La réponse à cela est politique et relève non pas de ceux que nous choisirons dans nos communes, mais du citoyen et des acteurs métropolitains. C’est pourquoi nous réclamons :

  1. que le nouvel exécutif métropolitain soumette au vote solennel des conseillers communautaires, dans les 90 jours suivant son élection, un projet politique clair, construit avec la population et assorti d’un calendrier précis (à la manière d’une déclaration de politique générale d’un nouveau Premier ministre devant l’Assemblée nationale).
  2. que le nouvel exécutif métropolitain s’engage à créer dans les meilleurs délais une convention citoyenne métropolitaine (à l’image de la convention citoyenne pour le climat) afin d’associer les citoyens à la décision publique. Cette convention citoyenne, composée de citoyens tirés au sort, aurait pour mission de s’assurer de la bonne exécution du projet métropolitain tout au long du mandat et bénéficierait d’un droit d’interpellation officiel auprès des élus lui permettant de demander des explications sur les politiques menées.

Nous, citoyen.n.es, sommes persuadés que ces mesures, qui anticiperaient une désignation des conseillers communautaires au suffrage universel direct et à des mesures supplémentaires de publicité des débats et des décisions, permettraient l’émergence d’une action métropolitaine démocratique, et donc capable de redistribution et de planification. En somme d’une action publique métropolitaine plus juste et utile, favorisant la ré‐implication des citoyens au bon niveau de pouvoir.

Liste des premiers signataires :

Samira Ajbli, Déborah André, Faustine Balmelle, Dominique Balvet, Frédérique Brillot, Philippe Brizard, Thierry Cardinael, Nina Cauvin, Isabelle Colnenne, Charlotte Culine, Esther Dehoux, Fabien Delecroix, Marc Delgrange, Fabien Desage, Julie Deconinck, Julie Deville, Bertrand Dobrakoski, Jacques Dupont, Julien Ente, Olivier Esteves, Gisèle Hubert, Emmanuelle Jourdan‐Chartier, Nicolas Kaciaf, Loïc Lebez, Mélanie Ledoux, Rémi Lefebvre, Hélène Legrand, Christian Lenoir, Louis Leroy, Christopher Lienard, Pierre Mathiot, Hervé Passot, Laurent Perin, Marc Perrillat, Adrien Poteaux, Anne Priem, Yves Renard, Cyprien Richer, Cédric Ringeval, Nassim Sidhoum, Pauline Segard, Karine Toffolo, Philippe Vanhersecke, Philippe Vervaecke, Anita Villers, Eva Kovacova, Diéguéry Kante, Jean‐Louis Serre, Gilles Laurent, Françoise Laurent, Katy Vuylsteker, Jonathan Janssens, Alain Descamps, Marie Boucknooghe, Robert Brunet, Benjamin Bellynck, Dominique Cambrésy, Sylvain Petit, Simon Coutel, Michèle Deneubourg, Cécile Vignal, Cédric Passard, Cécile Leconte, Vladimir Sierpe, Nicolas Bué…


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L’idée de cette tribune est née à l’issue d’un débat intitulé « Après les municipales, quels enjeux pour la métropole ? », organisé par Mediacités, le 13 février 2020, à l’Ecole supérieure de Journalisme de Lille. Elle émane de citoyens désireux d’avancer sur la voie d’une plus grande transparence et d’une démocratie renforcée. Mediacités relaie bien volontiers cette initiative qui s’inscrit dans le droit fil de son « Manifeste pour une démocratie réelle » et de son « Livre blanc pour une démocratie renouvelée ». Elle nous semble d’autant plus vertueuse que la démocratie locale est sortie considérablement affaiblie du scrutin municipal en raison d’une abstention massive.

  • Bien d’accord avec cette tribune.
    Il pourrait être aussi intéressant que la convention citoyenne métropolitaine puisse également soumettre ses prérogatives, rencontrer des experts (comme la convention nationale) et organiser des forums pour consulter plus largement. Ses propositions pourraient être soumises au vote des citoyens, comme des référendums métropolitains.

    Spectateurs résignés du jeu de surenchères d’attractivité que se livrent les métropoles, nous pouvons continuer à applaudir la succession d’événements culturels sans questionner les marques que ces divertissements célèbrent. Ou peut‐être souhaitons‐nous défendre une vision de l’intérêt général autour d’un projet territorial ? Et pour ce faire, ne pensez‐vous pas qu’il est nécessaire de développer une culture du territoire, de ses enjeux socio‐écologiques, une culture de la politique territoriale où chacun.e puisse s’impliquer à « l’horizon d’ici » ?

  • Le souci du juste mot pour la juste chose, le souci des mots pesés pour éviter d’augmenter , voire pour contribuer à réduire, les maux pesants sont vraiment très loin d’être partagés par une majorité d’entre nous, professionnels des médias inclus. 

    Une nouvelle fois, comme – derniers exemples – « distanciation sociale » ou le (au lieu de la) covid, « on » a lancé une formulation et les moutons, dévots ou non, ont grégairement suivi.

    Si nous sommes bien des Métropolitains (avec une majuscule) puisque nous habitons la Métropole et pas l’Outre‐mer, dans le cas présent ici nous ne ne sommes pas des Métropolitains , mais des Mélois, le logique et incontestable gentilé (qui prend donc une majuscule en tant que nom) des habitants de la MEL

  • La plupart des problèmes qui se posent aujourd’hui ne peuvent être traités qu’à l’échelle supracommunale, qu’ils “agisse de mobilité douce et de transports en commun, de désenclavement des quartiers, de préservation d’une agriculture de proximité, de la création de grandes continuités écologiques, d’une répartition plus équilibrée des équipements et des logements. Il faut donc une politique métropolitaine claire, fondée sur un assentiment populaire réel. A quand l’élection au suffrage universel des élus communautaires ?

  • Récemment élue municipale d’une liste citoyenne soutenue par divers partis écologistes et de gauche, je suis totalement en accord avec ce manifeste. Introduire à tous les échelons de notre vie démocratique la transparence et la possibilité de co‐définir des projets avec nos concitoyen‐e‑s est souhaitable, possible et source d’enrichissement !

  • Affligée par ces élections : c’est reparti pour une politique des guichets et petits ou gros arrangements, et ceci pour 6 ans, si loin d’un projet métropolitain issu d’un large débat citoyen. Il est urgent de faire changer la LOI sur le mode de scrutin des métropoles de droit commun. Convaincre nos députés et nos sénateurs (qui n’y sont pas du tout prêts, semble‐t‐il) ? Constituer un groupe de citoyens et déposer collectivement un projet de Loi ? Qui sait ce qui a déjà été fait, et comment on pourrait s’y prendre ?

  • Je suis membre des Gens d’Hellemmes depuis 2001. Nous avons œuvré pour transformer la vie politique locale, rendre la parole aux citoyens ; bref, se mêler de ce qui nous regarde. Vingt ans d’actions mais vingt ans de surdité et d’aveuglement de la part de TOUS les partis en place qui nous considéraient comme des trouble‐fêtes et nous rangeaient dans la case des opposants indécrottables. Seules les voix de nos électeurs les intéressaient, mais pour ce dernier scrutin, la plupart des listes se revendiquent « liste citoyenne » – un habillage souvent vide, hélas !
    La fatigue des acteurs du groupe, le manque de renouvellement ne nous a pas permis de continuer cette année. Mais les idées avancent.

  • Membre actif d’une association luttant contre la corruption, j’ai interpellé les candidats sur leurs intentions de vote pour le président de la MEL. Ces démocrates m’ont répondu :
    « Qu’ils suivraient les consignes de vote de leur parti » !

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