Lyon : contre la hausse des tarifs des TCL, défendre des « transports pour tous »

Après une pétition en décembre, c'est au tour d'un lecteur de Mediacités d'interpeller Fouziya Bouzerda, la présidente du Sytral, sur la hausse des tarifs des TCL. Militant écologiste lyonnais, impliqué dans les questions de mobilité et de pollution de l'air, Renaud Pierre dénonce une augmentation contraire aux enjeux environnementaux et de justice sociale.

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Photo : Nicolas Barriquand

Madame la présidente du SYTRAL,

Puisqu’il est désormais de tradition que les vœux de bonne année des TCL s’accompagnent d’une augmentation significative de leurs tarifs, je me permets, en tant qu’usager, de réagir aux arguments qui, selon vous, justifient cette hausse ainsi qu’à vos propos, selon lesquels les transports en commun lyonnais ne seraient « pas chers ».

Sans doute avez‐vous conscience, Madame, qu’à l’heure où la pollution de l’air est un problème de santé majeur et où l’on attend des métropoles qu’elles s’engagent de toute urgence dans la lutte contre le dérèglement climatique, les responsables d’un réseau de transports urbains ont un rôle primordial à jouer pour que ceux‐ci, parallèlement aux modes « actifs », deviennent au plus vite la norme en termes de mobilité urbaine, et la voiture individuelle l’exception.

Pas de politique incitative

Pourtant, à vous entendre parler, énumérant les améliorations du réseau comme n’importe quel service marketing défendrait son offre‐client pour justifier son changement de tarif, et balayant du même coup toute critique de la politique de l’entreprise notamment en terme tarifaire, je n’ai pas tout à fait l’impression que ce soit cette mission du bien commun au service de tou.te.s les lyonnais.e.s qui vous anime.

La question du prix est une vraie question. Elle en est une pour les abonnés qui voient leur City Pass augmenter de 36 euros par an, elle en est également une pour celles et ceux qui, n’ayant pas de régularité dans leurs déplacements, achètent des tickets au coup par coup. Dans ce cas, 13 euros l’aller-retour, par exemple, pour une famille avec deux enfants n’est pas anecdotique. Cela n’est pas une politique incitative et notamment auprès de ceux qui, possédant une voiture, ne voient pas de réels avantages à changer leurs habitudes. Surtout, cette politique ultra‐répressive contribue à créer un état de tension générale dans les transports en commun, au gré de campagnes de communication criminalisantes, et de descentes de plus en plus spectaculaires de contrôleurs « en civil ».

Il est possible d’agir simultanément pour la justice sociale et pour l’environnement

Vous répétez souvent qu’il existe un tarif pour les plus précaires, mais sans doute est‐il nécessaire de vous rappeler que ce tarif n’est pas un équilibrage imaginé par vous‐même ou vos prédécesseurs au profit des plus démunis, mais qu’il a été acquis de longue lutte il y a une vingtaine d’années par les associations de chômeurs face à des TCL qui ne voulaient pas en entendre parler. Ce petit point historique pour vous signifier que les transports en commun, leur accessibilité, leur développement, et les choix qui en découlent peuvent aussi être un terrain de mobilisation citoyenne.

De nombreuses dépenses des TCL sont largement discutables (de la construction d’un tram pour le grand stade à la frénésie des campagnes de communication et d’aménagements « anti‐fraudes », en passant par cette 4G dans le métro que vous agitez comme un totem censé compenser les hausses de tarif). A l’inverse, la généralisation des voies « dédiées », des fréquences vraiment régulières sur toutes les lignes, l’aménagement de stationnements cyclistes sécurisés, des tarifs plus bas, et une vision plus large de l’offre de transports dans l’agglomération qui prendrait en compte les TER (notamment tram‐train), à travers une information et un ticket unique sur le territoire de la Métropole sont, entre autres, des possibilités d’infléchir fortement les tendances de mobilité.

Bien sûr vous n’êtes pas la seule décisionnaire sur ces mesures qui impliquent les différentes collectivités et pourraient permettre à Lyon de sortir du triste palmarès des grandes agglomérations européennes où la voiture est la plus utilisée. Vous n’êtes pas non plus responsable d’un mode de financements général qui accorde en moyenne dix fois plus de moyens à la route qu’aux transports collectifs ni de manière plus locale de faire en sorte que les 2 milliards prévus pour le délirant projet d’Anneau des sciences (qui permettraient à coût égal un doublement du réseau métro) soient bas‐culés sur les transports en commun. Pour autant nous pourrions espérer que vous soyez une défenseuse acharnée de la cause des transports en commun et de ses usagers et qu’à ce titre vous vous empariez des mobilisations citoyennes pour plus d’accessibilité, plutôt que de les traiter avec condescendance comme vous l’avez fait suite aux dernières pétitions sur ce sujet.

Que les transports en commun deviennent la norme

De la même manière, il est consternant que les TCL diffusent, comme cela a été fait sous couvert d’information sur le financement du réseau, un petit texte discréditant la possibilité même d’une gratuité d’accès aux transports en commun. La question est pourtant loin d’être tranchée, elle est même particulièrement d’actualité et l’objet d’une réflexion très sérieuse dans de nombreuses villes européennes. D’ailleurs, il serait a minima un geste fort que de rendre, à l’instar de Paris, gratuit l’accès au réseau pour les enfants et pour tout le monde les jours de pic de pollution.

L’urgence climatique et sanitaire est là, et un réseau de transport urbain comme celui dont vous avez la charge représente précisément un levier où il est possible d’agir simultanément pour la justice sociale et pour l’environnement. Il ne s’agit plus d’augmenter, à petit pas, chaque année, la fréquentation des transports en commun : encore une fois, le défi consiste aujourd’hui à ce que ceux‐ci deviennent la norme en termes de déplacements métropolitains.

Nous savons comme reste fort, pour beaucoup, l’attachement à la voiture individuelle et, vous‐même, puisqu’il semble que vous bénéficiez d’un véhicule avec chauffeur, ne me démentirez pas sur ce point. Pourtant le réseau existant à Lyon est plutôt confortable, assez efficace dans une zone non‐négligeable de l’agglomération, nous sommes nombreuses et nombreux à le pratiquer de manière régulière et à en faire la promotion comme une alternative réelle, reste qu’il faut que nous soyons entendus dans nos attentes. Le réseau de transport en commun ne peut être la chasse gardée de ceux auxquels en incombent la charge, il est un commun à défendre et à étendre. Les transports collectifs doivent, pour reprendre un vieux slogan des TCL, être réellement « partout et pour tous ».

Métros, bus, tramways : Mediacités dans les transports en commun

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Par Renaud Pierre, citoyen lyonnais