Quand le gouvernement Macron oublie la démocratie locale

[Point de vue] Rendre publics les projets de délibération en amont des conseils municipaux ou métropolitains pour mieux informer les habitants ? Une idée de bon sens sur laquelle « la loi 3DS », qui porte notamment sur la décentralisation, fait l’impasse. Près de nous, la Belgique s’engage dans cette voie. À quand la France ?

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C’est un texte qui passera inaperçu aux yeux du grand public. La loi 3DS (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) doit occuper nos parlementaires jusqu’au début de l’année prochaine. Un texte fourre‐tout, composé de mesures essentiellement techniques : simplification de l’action publique locale, changement de règles de gestion du RSA, assouplissement de la loi sur le logement social, transfert des routes nationales aux collectivités… Sans doute utile, ce texte est aussi un rendez‐vous raté pour la démocratie locale.

A la loi 3DS, il manque assurément un « D », comme démocratisation. L’occasion était toute trouvée pour prendre acte de l’abstention massive des derniers scrutins locaux – près de deux électeurs sur trois n’ont pas voté aux élections régionales de juin 2021 – et proposer quelques règles simples pour mieux informer et impliquer les citoyens à la vie de la cité.

« Ouvrir l’agenda politique aux préoccupations des habitants »

Il n’en sera sans doute rien, malgré quelques initiatives louables dont celle d’Yves Blein, député LREM du Rhône. Le parlementaire a déposé une série d’amendements de bon sens qui seront examinés en commission des lois à partir du 22 novembre. Il souhaiterait ainsi que les commissions permanentes, ces instances clefs qui instruisent les décisions dans les collectivités, soient ouvertes au public à l’image des séances plénières. Jusqu’à présent, cette possibilité est laissée à la libre appréciation des élus majoritaires.

Autre avancée suggérée : l’organisation systématique d’un référendum local sur un thème poussé par un minimum de 20% des électeurs inscrits sur les listes électorales. Aujourd’hui, la loi (article 72–1 de la constitution française) ne prévoit en effet que l’inscription à l’ordre du jour si cette barre est franchie. Dans notre Manifeste pour une démocratie locale réelle, nous allions plus loin en suggérant de baisser le seuil à 1% du corps électoral. Ainsi, dans une ville comme Bordeaux, par exemple, il suffirait de 1 400 votes pour que le processus s’enclenche. Nous y voyions un excellent moyen d’ouvrir l’agenda politique aux préoccupations des habitants. 

Mais il est une autre préconisation toute simple à mettre en œuvre, défendue là encore par un amendement déposé par Yves Blein, pour susciter une meilleure implication des citoyens dans la vie démocratique locale : la mise à disposition immédiate « par tout moyen de communication en ligne » de la convocation, de l’ordre du jour et de la note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération par une collectivité en même temps que ces documents sont adressés aux conseillers municipaux, métropolitains, départementaux ou régionaux. « Les règles encadrant la diffusion des projets de délibération semblent dater du siècle précédent », justifie le député dans son argumentaire. Sera‐t‐il entendu ?

« De la pertinence de s’asseoir sur une règle obsolète »

En France, la règle est stricte. La communication publique ne s’applique pas « aux documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration ». Ce qui est le cas des projets de délibération. Dans ces conditions, il est impossible au public d’avoir connaissance des sujets de débats en amont des conseils municipaux, métropolitains ou autres. Ubuesque ? Assurément aux yeux de nos voisins belges.

De l’autre côté de la frontière, de plus en plus de communes – et non des moindres (Mons, Liège, Anvers…) – ont été convaincues par l’association Transparencia.be de la pertinence de s’asseoir sur une règle obsolète et de rendre publics leurs projets de délibérations. Le mouvement a pris une telle ampleur que le principe de communication publique doit être consacré par le vote d’une loi au Parlement wallon au début de l’année 2022. La Belgique, une belle source d’inspiration pour le législateur français ?

De la théorie à la pratique

En attendant une hypothétique évolution législative ou des pratiques de nos collectivités, nous publions dans un article de notre édition lyonnaise les projets de délibération qui seront soumis au conseil municipal de la ville de Lyon du jeudi 18 novembre prochain. A retrouver dans notre article : Fête des lumières, coupe du monde de rugby et oiseaux sauvages au menu du conseil municipal de Lyon

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Par Jacques Trentesaux