La presse est à vous !

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Depuis septembre 2020, les actionnaires de la Société des Amis de Mediacités peuvent assister à la réunion hebdomadaire de l'équipe. Une initiative, parmi d'autres, pour impliquer les citoyens dans la vie (et le financement !) du média / Photo : Joseph Melin

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Par Jacques Trentesaux

Assurer la reconquête citoyenne des médias ? De l'association "Un Bout du Monde" au Fonds pour une presse libre créé par Mediapart, les initiatives se multiplient pour financer la presse autrement. L'actionnariat populaire peut-il être le sauveur des médias ?

Voilà cinq ans que l’économiste Julia Cagé se bat pour « sauver les médias » et soigner une démocratie chétive. Une croisade salutaire, à rebours de la défiance abyssale des citoyens français pour les journaux – 23 % leur accordent confiance, mesure‐t‐on sondage après sondage. Dernière initiative en cours ? Réunir 500 000 euros auprès d’un public le plus large possible afin de soutenir la presse indépendante via des prises de participation au capital. 5 euros, 10 euros, 100 euros… Selon le beau principe « une personne = 1 voix », chaque contribution apportera les mêmes droits dans l’association créée à cet effet et joliment baptisée « Un Bout du Monde ». 

Cette initiative va‐t‐elle sauver la presse ? Non, bien sûr. Car les sommes récoltées n’y suffiront pas… et que rien ne changera vraiment sans une refonte en profondeur d’un système d’aide à la presse obsolète et inique. Toutefois, son grand mérite est de faire naître dans l’esprit du public l’idée que la presse doit s’extraire d’une logique purement capitalistique ; que l’information est un bien commun ; que les journaux poursuivent une mission d’intérêt général ; et, donc, que leur propriété doit revêtir une dimension populaire.

Julia Cagé n’est pas seule à partager cette belle utopie. Il y un an, nos confrères de Mediapart ont créé un Fonds pour une presse libre. La vocation de ce fonds de dotation inspiré du Scott Trust anglais propriétaire du Guardian ? Défendre la liberté d’information, le pluralisme des médias et participer à l’émergence d’une presse indépendante par l’octroi de subventions ou de prises de participation ce qui nécessite, là encore, la générosité du public. Mais les fondateurs de Mediapart sont allés plus loin. Ils ont remis les clefs de l’entreprise – pourtant devenue une « machine à cash » avec ses 200 000 abonnés – à ce même Fonds pour une presse libre. L’avantage de ce changement de statut ? Protéger Mediapart de tout prédateur éventuel en rendant sa vente impossible. Et acter le caractère non‐lucratif de l’activité.      

Une reconquête citoyenne des médias

L’idée a longtemps paru utopique – ou irréaliste, c’est selon. Elle fait à présent des émules. Le 3 septembre dernier, Patrick Drahi a cédé le quotidien Libération à un Fonds pour une presse indépendante. S’il s’agit avant tout pour le magnat des télécommunications de se débarrasser d’un actif en déficit chronique en perdant le moins d’argent supplémentaire possible, l’opération – qui suscite des craintes en interne – entérine le changement de philosophie. Les propriétaires du journal Le Monde, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, n’ont-ils pas eux‐mêmes donné leur accord de principe à une cession du vénérable quotidien à un fonds de dotation ?

A sa manière, Mediacités échafaude depuis sa création, fin 2016, un dispositif singulier. Notre entreprise réunit à ce jour plus de 110 « copropriétaires » très divers : 8 associés‐fondateurs, pour l’essentiel journalistes, qui contrôlent la majorité du capital ; 30 « actionnaires‐citoyens », qui ont investi 12 000 euros en moyenne dans une cause dont ils partagent les valeurs ; 2 entreprises de presse indépendantes (Mediapart et Indigo Publications), qui soutiennent l’aventure Mediacités de façon confraternelle ; et 75 sociétaires réunis dans la Société des Amis de Mediacités, dont l’investissement minimal s’élève à 200 euros… et dont le nombre ne cesse de croître. Tous partagent les mêmes convictions en la nécessité d’une presse d’investigation locale indépendante. Tous ont choisi d’accompagner différemment une entreprise de presse « à haute intensité démocratique ».

La presse est en crise profonde. Elle a besoin de se reconstruire sur d’autres bases – y compris financières. Entre journalistes et lecteurs, l’alliance devrait être naturelle. D’« Un Bout du Monde » au Fonds pour la Presse Libre en passant par Mediacités ou bien d’autres journaux réunis notamment au sein du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), ces initiatives sont la preuve qu’une autre presse est possible.

 

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