Vols à l’hôpital : aidez‐nous à poursuivre notre enquête

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Photo d'illustration : Ugo Amez/SIPA. Montage : Nicolas Barriquand / Mediacités

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Par Jacques Trentesaux

L’enquête que nous publions cette semaine lève le voile sur un sujet hautement inflammable. Elle a failli ne jamais voir le jour tant il a fallu surmonter d’obstacles. Elle illustre aussi toute l’utilité d’une presse d’investigation indépendante, pugnace et qui n’entend pas en rester là… grâce à vous.

Ne jamais lâcher prise. Entrer par la fenêtre si les portes ne s’ouvrent pas. Et finir, envers et contre tout, par livrer une investigation d’intérêt public sur un sujet ô combien tabou : celui des vols à l’hôpital. Tels sont les dessous de l’enquête, signée Matthieu Slisse, que Mediacités publie cette semaine.

Le vol, un mal qui ronge l’hôpital en silence

L’histoire est belle. Elle débute par le témoignage d’une abonnée toulousaine. Dominique, 73 ans, est révulsée. Il y a quelques jours, on lui a dérobé son téléphone portable alors qu’elle somnolait dans sa chambre d’hôpital au lendemain d’une intervention chirurgicale au CHU de Toulouse. En discutant avec le personnel soignant, elle se rend compte que de tels faits sont fréquents mais que la résignation l’emporte. L’hôpital a tant d’autres urgences à gérer…

À Mediacités, la rédaction a l’intuition de tenir un sujet. Matthieu Slisse, alors journaliste en alternance à la rédaction de Mediacités Lille, est volontaire pour s’en emparer. Nous sommes en septembre 2022, soit quatorze mois avant la publication. Débute alors un marathon.

Très vite, Matthieu Slisse tombe sur les différents rapports de l’Observatoire nationale des violences en Santé (ONVS). Des documents de près de 200 pages, dont une dizaine est systématiquement consacrée à la question des « atteintes aux biens » dans les hôpitaux. Une dizaine de mails et de longues semaines d’attente seront nécessaires pour joindre l’auteur de ce rapport, un commissaire de police rattaché au ministère de la Santé.

Plusieurs dizaines de millions annuels de préjudice

Ce premier contact nous permet de camper le sujet. Oui, il y a un souci avec les vols dans les hôpitaux et au‐delà d’effets personnels de patients, ceux‐ci concernent aussi des  médicaments, des stupéfiants ou du matériel médical. Plus polémique encore, nous nous apercevons que nombre d’entre eux sont commis… par le personnel hospitalier lui même ! De discret, le sujet devient inflammable. Son coût pour la collectivité est très difficile à estimer car la plupart des vols ne sont pas recensés. Mais on peut soutenir sans risque de se tromper que le préjudice annuel se chiffre en dizaines de millions d’euros.

Matthieu Slisse décide alors de solliciter directement des CHU et hôpitaux. Douze au total, répartis dans toute la France. Sans succès. « Nous transmettons votre demande », nous indiquent les services de communication les plus polis. Et puis rien. Le néant. À tel point que le doute finit par s’installer. Va‐t‐on y arriver ? Faut‐il renoncer ? Le sujet somnole quelques mois. Mais l’envie d’aller au bout est finalement la plus forte. 

Un sujet trop polémique ?

Cette fois, nous allons mettre la pression sur les autorités de tutelle. Les 18 agences régionales de santé (ARS) de France sont sollicitées. Résultat : zéro réponse après la première salve de mails ; deux ou trois refus au terme de la première relance ; huit après la seconde et le silence qui perdure pour les dix autres. La Fédération hospitalière de France ? Elle décline notre demande. Les sociétés d’assurances des structures hospitalières ? Leurs réponses sont tellement imprécises qu’elles sont inexploitables. Seul le ministère de la Santé finira par nous transmettre des éléments dans un court e‑mail le 19 octobre… quatre jours avant la parution de notre enquête et plusieurs mois après nos premières sollicitations. À l’évidence, le sujet est trop polémique.

« Toutes les portes étaient fermées, je m’en suis donc sorti en passant par la fenêtre », raconte Matthieu Slisse. La « fenêtre », ce sont l’association des chargés de sécurité des hôpitaux ; l’ancien directeur d’hôpital Karim Amri qui rédigea en 2005 son mémoire de fin d’études sur le phénomène des vols ; des délégués syndicaux ; ou quelques professionnels hospitaliers. Presque tous témoigneront sous couvert d’anonymat tant la question des vols est taboue. Ce sujet relève pourtant de l’intérêt public. Car il ronge l’hôpital, perturbe les soins et dégrade l’ambiance de travail. Mais rien ne bouge. « Ils se sont accoutumés au pire, analyse Matthieu Slisse. C’est très révélateur de la manière avec laquelle est géré l’hôpital public en France. Quelle entreprise resterait si apathique en constatant des vols réguliers dans ses locaux ? »

Nous avons besoin de vous pour poursuivre notre enquête

Notre enquête dresse un constat : le vol est un mal solidement enraciné dans les hôpitaux français. Et maintenant ? Que faire pour que le sujet soit pris en considération à sa juste mesure par les pouvoirs publics ? Matthieu Slisse a pris l’initiative personnelle de saisir la Cour des comptes, ainsi qu’elle le propose désormais aux citoyens, afin de lui suggérer de se pencher sur le fléau des vols à l’hôpital. Pour réagir, il convient assurément d’abord de mieux estimer et comprendre le phénomène. Or ces vols ne représentent‐ils pas une évaporation de deniers publics que la Cour ou les chambres régionales des comptes ont pour mission de contrôler ?

Mais nous pouvons aussi poursuivre nos investigations grâce à vous. Vous avez subi des vols à l’hôpital ou vous connaissez des personnes qui en ont été victimes ? Vous travaillez dans une structure hospitalière et avez été témoin de disparition de matériel – voire de cambriolages. Vous souhaitez apporter votre témoignage sur les conséquences de ces vols sur l’ambiance de travail et la qualité des soins dispensés. Contactez‐nous via le formulaire ci‐dessous. Merci !

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