Quand Soliha brade ses taudis aux Mulliez

Le bailleur associatif, spécialiste de la réhabilitation de l’habitat pour le compte de la MEL, a échappé à la faillite en 2014 en vendant une partie de son patrimoine à des acquéreurs privés. Parmi eux, la petite-fille d’Ignace Mulliez, fondateur du mouvement à l'origine de Soliha.

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"Mustapha" est un des locataires des 105 logements vendus par Soliha MN (ex-PACT) à un bailleur privé pour échapper à la faillite. Des logements en très mauvais état qui n'ont vu aucun travaux depuis le changement de propriétaire. Photo : Elsa Sabado

On sonne à la porte d’un logement de courée, dans le quartier de la Porte des Postes. Un homme se penche à la fenêtre, puis on l’entend descendre péniblement des marches. Il nous fait grimper un petit escalier sombre, où les murs, autrefois blancs, sont maculés de traces marronnasses. Il s’asseoit sur son lit, l’échine courbée et le regard vague, alors que son chat gigote dans les granulés de litière qui s’étalent à même le sol. Seules les images de Johnny, découpées dans des magazines et collées au mur, viennent égayer cette intolérable pauvreté. « Avant, j’avais cinq pièces juste pour moi. Mais il y a six ans, le second étage a brûlé. Les experts des assurances sont venus, mais aucun travaux n’ont jamais été faits. Je n’ai plus de salle de bain, je me lave à l’évier », explique celui qu’on appellera Mustapha*. Le locataire paye pourtant son loyer rubis sur l’ongle.

C’est justement parce qu’il est un bon payeur qu’en 2014, le logement de Mustapha a été vendu par le PACT Métropole Nord à de nouveaux propriétaires. Le bailleur associatif, qui prend l’année suivante le nom de Soliha MN, croule sous 13 millions d’euros de dettes. Il décide de céder une partie de son patrimoine immobilier pour trouver de l’argent frais. Pas si simple. Riche de quelque 3500 logements, celui‐ci est issu en majorité de l’habitat dégradé – voire indigne – de la métropole lilloise. Et il est habité par des locataires trop pauvres pour avoir accès aux HLM classiques. Un lot de 105 logements finit par être sélectionné. La chasse au repreneur commence.

« Nous avons d’abord proposé le lot aux autres bailleurs sociaux, qui n’étaient pas intéressés, rappelle la directrice, Agnès Demotié. Puis nous l’avons mis sur le marché par le biais d’une agence immobilière. Un premier acquéreur s’est fait connaître, mais il n’avait pas la fibre sociale. Avec les seconds, cela a fonctionné : ils avaient déjà acquis deux immeubles de logements sociaux ». C’est ainsi qu’une société privée, Derrohl, se retrouve propriétaire du lot. Une opération qualifiée par la directrice de « seule bonne idée de 2014 ».

Ce satisfecit est loin d’être partagé. Dans un précédent article, nous avons déjà raconté comment un rapport de l’Ancols, la police des HLM, critique une cession effectuée à un prix très en dessous du marché et, surtout, sans passer par un appel d’offres. Tolérée hier, cette soustraction à la procédure classique serait aujourd’hui illégale, car depuis janvier 2017, les associations comme Soliha sont tenues de se plier au Code des marchés publics. Il apparaît ainsi que les représentants de la MEL‐ principal financeur de l’association – ont été contraints d’approuver une opération sans informations précises sur les repreneurs. Or ce que Mediacités a découvert à leur sujet …

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Par Elsa Sabado