Quand le Progrès se vend aux plus offrants

Fêtes et salons sponsorisés, contrats juteux avec des entreprises, brouillage entre information et communication, censures… Face à l’érosion de ses lecteurs, le journal, confronté en interne à un plan social, marchande son image. Une stratégie dangereuse pour son indépendance éditoriale.

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Les ventes du Progrès s'effritent année après année (-17% entre 2010 et 2016). Le journal vend aujourd'hui à 200 000 exemplaires ses 17 éditions. Photo : N.Barriquand/Mediacités.

Ils sont tous suspendus à ce moment. Au centre de la scène, le maire de Lyon Georges Képénékian vient de faire décoller une crêpe de sa poêle fumante. À sa droite, Jean‐Christophe Larose, fondateur du groupe Cardinal, grand promoteur immobilier lyonnais épinglé dans les « Panama Papers », applaudit, prêt à exulter. À sa gauche, Pierre Fanneau, le PDG du Progrès, esquisse un sourire pincé. La crêpe va‐t‐elle retomber dans la poêle ? Ce 31 janvier 2018, entre coupes de champagne et verres de Chivas, directeur de presse, hommes politiques et entrepreneurs sont réunis pêle‐mêle pour la « Grande soirée de la chandeleur ». Organisée par le journal Le Progrès dans un restaurant du quartier lyonnais de la Confluence, la fête est financée par les sociétés Cardinal, Renault Trucks ou encore UGC. « Merci bien entendu à tous nos partenaires, commente au micro Marc Jean, chef de projet événementiel au Progrès. Je vous rappelle qu’on aura une page complète dans Le Progrès de vendredi. »

Grands raouts locaux, fêtes, trophées, manifestations sportives, dégustations privées et salons gastronomiques : pour endiguer l’érosion de ses lecteurs et, donc, de ses revenus, Le Progrès multiplie événements, partenariats et suppléments, sponsorisés par des entreprises ou des collectivités locales. En quelques années, le pôle événementiel du groupe Progrès est devenu un poste de recettes important du journal, qui refuse de communiquer des chiffres. « Secret d’entreprise », répond‐on du côté de la direction. La manne se chiffrerait en millions d’euros [lire plus bas].

Le quotidien historique régional, un des plus vieux de France, né à Lyon en 1859 et racheté par Hersant, Dassault puis le Crédit Mutuel à 100% depuis 2009, vend désormais son image aux plus offrants. « Le Progrès a toujours été une marque de presse, et on la développe depuis plus de dix ans quand on a lancé toute la diversification événementielle », assume Xavier Antoyé, rédacteur en chef du Progrès, du Bien public et du Journal de Saône‐et‐Loire, qui a reçu Mediacités au siège du groupe, dans le quartier de la Confluence.

Laurent Wauquiez, Fiducial ou la dernière Renault

En 2017, Le Progrès a organisé plus de 70 événements dans les cinq départements (Rhône, Loire, Ain, Haute‐Loire et Jura) de son territoire, soit en moyenne un tous les cinq jours. Voici le PDG Pierre Fanneau (celui à la gauche de la crêpe) posant devant la nouvelle Renault Captur avec Gérard Collomb et Tony Parker pour la « Grande soirée de l’été du Progrès » ; dégustant des crémants de Bourgogne lors d’un événement privé avec les producteurs ; s’affichant à la « Fête de l’entreprise » – financée par la région Auvergne‐Rhône‐Alpes, Fiducial, EDF ou le syndicat des patrons CPME –, avec Laurent Wauquiez, président de la région, et David Kimelfeld, président de la métropole de Lyon. Voici encore Jean‐Claude Lassalle, directeur délégué du Progrès chargé des partenariats, aux côtés d’industriels comme Total pour le « Rendez‐vous de 

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Par Mathieu Martiniere