Tribune – A69 : « Nous, journalistes, dénonçons une grave entrave à la liberté de la presse »

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l'environnement a demandé que le travail de la presse soit facilité sur le site occupé par les opposants au projet de l'autoroute A69. Leur mission d'information est aujourd'hui menacée. Mediacités se joint à Reporterre et Vert pour défendre un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique.

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Michel Forst (à droite), rapporteur spécial des Nations unies, en discussion avec Thomas Brail, du GNSA. / Crédit photo Alain Pitton

«La mission d’information menée par les journalistes est un bien précieux et nécessaire dans une démocratie. À ce titre, le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, a demandé le 29 février à ce que le travail de la presse soit facilité sur le site occupé par les opposants au projet de l’autoroute A69.

A l’issue de sa visite sur le lieu de la mobilisation, à Saïx, dans le Tarn, le rapporteur des Nations unies a pointé plusieurs atteintes aux droits de l’homme : interdiction de ravitaillement en nourriture, entraves à l’accès à l’eau potable, privation délibérée de sommeil des militants par des membres des forces de l’ordre.

Et cela, loin du regard des journalistes, non autorisés à se rendre sur ce point névralgique de la contestation. De son côté, Mediacités avait pointé l’étrange comportement et les intimidations des forces de l’ordre à l’égard des activistes, preuves vidéos à l’appui.

« Lors de ma visite, j’ai pu constater que la presse et les membres de l’Observatoire toulousain des Pratiques Policières étaient tenus à une distance importante du site de la « Crem’Arbre », dans une zone avec une visibilité extrêmement limitée », a‑t‑il dénoncé dans sa déclaration de fin de mission

À ce titre, il demande aux autorités françaises de faciliter le travail de la presse et des observateurs, conformément aux obligations internationales de la France. Et ce, « sans restriction disproportionnée, y compris en délimitant strictement, clairement et de la manière la plus limitée possible toute zone où ils ne sont pas autorisés à accéder lors des opérations de police judiciaire ».

Les constats du rapporteur spécial des Nations Unies avaient déjà été remontés par certaines équipes de journalistes français, comme celles de France 3 Occitanie qui subissent des entraves importantes à leur travail : fourgons garés devant les caméras, journalistes filmés par les forces de l’ordre, cartes de presse photographiées, intimidations. Des pratiques déjà rencontrées, il y a 9 ans, dans le nord du Tarn sur la Zone à défendre (Zad) de Sivens.

« Sur la ZAD, la liberté de la presse n’est pas garantie »

« Depuis plus d’un an, les journalistes de France 3 subissent des intimidations de la part de la gendarmerie sur tous les sujets afférant à l’A69. Depuis 15 jours, ces pressions sont continues et s’accentuent avec une entrave à la circulation, des chantages divers. La préfecture du Tarn alertée à plusieurs reprises n’a pas résolu le problème de manière durable, il faut quotidiennement quémander des autorisations pour exercer notre métier », dénonce David Bobin, journaliste pour France 3 Tarn.

Sur la ZAD de la Crem’Arbre, et le long du tracé de l’A69, la liberté de la presse n’est pas garantie. Or, elle est l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Cette situation va donc à l’encontre de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Alors que les auditions de la commission d’enquête parlementaire sur la construction de l’A69 ont débuté, cette entrave à la liberté de la presse est extrêmement préoccupante.

Pour un débat démocratique sain et éclairé, il est essentiel qu’un travail journalistique puisse faire la lumière sur les intérêts en jeu, les dommages causés à l’environnement et les conséquences sociales et économiques de ce projet d’autoroute.

Comme le rappelle le point 7 de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique, « certains intérêts économiques et politiques œuvrent activement à la construction de propos qui trompent la compréhension des sujets et retardent l’action nécessaire pour affronter les bouleversements en cours ».

Aussi, nous, journalistes signataires de ce texte, demandons aux autorités de nous laisser exercer en toute liberté notre mission d’informer autour de l’autoroute A69. »

Liste des signataires : 

AUDIBERT Louise ; GIORGI Charlotte ; SEINGIER Hélène ; SCIGACZ Marie‐Adélaïde ; DECHARME Baptiste ; VALADAS Virginie ; LECA Christel ; DELEPIERRE Ariane ; DEZECOT Julien ; LEDUC Alban ; FRESKO Jean‐Jacques ; PERROT Olivier ; GOMEZ Ariel ; KEMPF Hervé ; VALLET Françoise ; BENOIT Xavier ; LESAFFRE Philippe ; SIMÉON Gabriel ; FRANJUS Nadine ; GIRAUD Marc ; PETIT Emilie ; REBEYROTTE Véronique ; LECOEUVRE Claire ; HOUMI Ahamed‐Mikidache ; BEUBLET Nicolas ; Le Club de la Presse de Bordeaux Nouvelle‐Aquitaine ; AMICHAUD Romain ; DELMAS Aurélie ; DEBOVE Laurie ; SERFATY Laurence ; RICHARD David ; LEROUX Solène ; MONTÉGUT Olivier ; HERAUD Béatrice ; CLÉVENOT Emmanuel ; MARQUIS Claire ;  CHAMBOST Pauline ; CLOAREC Gaëlle ; COSTES Fanny ; HOUOT Géraldine ; KEF Juliette ; FAUCOMPRE Pascal ; CIVARD-RACINAIS Alexandrine ; BRODZICKI Martin ; NOVEL Anne‐Sophie ; D’ERM Pascale ; CEREZ Gael ; PARION Armelle ; CONQUET EMMA ; TRENTESAUX Jacques.

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Par La rédaction de Mediacités