Il y a un peu plus d’une semaine, votre journal d’investigations locales a lancé un canal WhatsApp pour diffuser plus largement ses enquêtes. Une nouveauté qui suscite un débat parmi ses abonnés. Explications.
Avouons‐le : nous nous y attendions un peu. La semaine dernière, l’annonce à nos abonné.es de la création d’un canal WhatsApp Mediacités a suscité des réactions contrastées. Si la majorité se réjouit de pouvoir être ainsi tenu au courant en temps réel de la publication de nos articles, d’autres s’interrogent – voire déplorent – de nous voir utiliser ainsi l’application d’un de ces fameux GAFAM, propriété – qui plus est – d’un soutien du président américain Donald Trump.
Ce débat, légitime, s’était aussi posé, plus ou moins dans les mêmes termes, au moment de savoir s’il fallait fermer les comptes de Mediacités sur Instagram, Facebook, Twitter, etc. Comme ses lecteurs et lectrices, notre équipe est traversée par des positions diverses. Néanmoins, il a fallu trancher et nous avons décidé de tenter cette expérience sur WhatsApp pour plusieurs raisons.
Informer les lecteurs, là où ils se trouvent
La première est d’ordre éditoriale. Depuis la création de Mediacités, notre objectif a toujours été d’informer les habitants / citoyens sur le fonctionnement de leur ville et de leur métropole, grâce à des enquêtes fouillées et des révélations sur les pouvoirs locaux. Si nos informations ont de la valeur et une utilité démocratique – et nous considérons qu’elles en ont – il faut qu’elles soient accessibles au plus grand nombre. Et aussi à tous ceux que l’explosion des réseaux sociaux ont éloigné des canaux traditionnels de diffusion de l’information. Il faut aller chercher les lecteurs / citoyens là où ils sont, soit sur ces fameux réseaux qui monopolisent aujourd’hui une bonne part de notre temps et de notre attention.
Il y a ensuite une question de confiance à (re)bâtir entre la presse et son public. Vous l’avez sans doute remarqué, il arrive très régulièrement que des informations exclusives dénichées et publiées par Mediacités soient ensuite reprises par d’autres. Des journalistes et des titres de presse, bien sûr. Mais aussi des “influenceurs” ou de simples utilisateurs de ces réseaux. Certains les respectent et renvoient vers nos articles. D’autres ne prennent pas cette peine, voire tordent et manipulent nos informations pour les faire rentrer dans leur grille de lecture, ou pour servir leur agenda politique et idéologique.
Champ de bataille de l’information
Dans ce contexte, nous estimons qu’il est important d’être présent sur ces réseaux pour que, confrontés à nos informations et à leurs relais, leurs utilisateurs puissent remonter à la source de l’article, savoir par qui il a été produit en premier lieu, selon quelles méthodes journalistiques, différencier l’info authentique de la fake news. Les réseaux sociaux sont le théâtre d’une guerre informationnelle sans précédent. Parce que nous croyons dans la valeur et dans l’utilité des informations que nous publions, nous estimons qu’il n’est pas possible d’abandonner purement et simplement ce champ de bataille à ceux qui sont prêts à les manipuler pour imposer leur récit et leur vision du monde.
Au‐delà de ces questions primordiales, il y a également une dimension technique à notre présence sur WhatsApp. A l’heure actuelle, Mediacités ne dispose pas – pas encore – d’une application mobile (mais on travaille sur le dossier). Or c’est bien sur leur téléphone portable que nos abonnés – et les autres – consultent majoritairement nos enquêtes. Faute de notifications, ce canal nous a semblé le moyen le plus efficace de vous tenir au courant en temps réel de nos publications, tout en permettant une navigation la plus fluide possible vers le site.
Toucher un public plus large
Enfin, la création de ce canal WhatsApp répond aussi à un enjeu plus terre à terre. Sans publicité, ni subventions locales, Mediacités est un journal farouchement indépendant qui ne dépend que de ses seuls lecteurs, via leurs abonnements (et leurs dons). Ils sont près de 6000 aujourd’hui. Il en faudrait 2000 de plus pour assurer notre pérennité et notre développement. L’enjeu est donc de faire connaître nos enquêtes à un public de plus en plus large. Nous le faisons, par exemple, en organisant des évènements ou des soirées débat, comme celle qui s’est tenue récemment à Nantes, sur le thème de l’abstention ou celle qui aura lieu à Lyon, ce jeudi 24 avril, sur le sujet des lobbies.
Pour autant, nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre que ces nouveaux lecteurs potentiels nous découvrent comme par magie et viennent spontanément à nous. Nous devons également aller les chercher et leur proposer nos informations là où ils se trouvent. Et là où ils se trouvent en plus grand nombre. Qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, ces lieux de convergence, aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux, et particulièrement ceux tenus par les GAFAM. Alors, avec les moyens qui sont les nôtres et, surtout, avec toutes les précautions possibles pour éviter les pièges de ces machines à polariser le débat public, nous y diffusons nos enquêtes, nos décryptages, nos analyses.
L’expérience est donc en cours. Dans quelque temps, nous en tirerons des enseignements et vous ferons part de nos conclusions. En attendant, le débat reste bien évidemment ouvert. Alors n’hésitez pas à nous faire part de votre point de vue dans les commentaires ci‐dessous.
Dommage
l’argument est classique : si on ne le fait pas, d’autres le feront et nous serons pénalisés
il n’y a donc rien d’autre à faire que de suivre le mouvement. quitte à se lamenter ensuite sur la main mise toujours croissante du capitalisme de l’information
Objectifs partageables et intentions louables, mais mauvaise réponse car mauvais choix. D’ailleurs vous n’expliquez pas pourquoi vous avez choisi whatsapp. Pas la peine ?
Vous pouviez tout à fait choisir un autre réseau pour faire ce développement. Beaucoup de personnes sont sur signal, par exemple, et l’installation de son appli se fait en 30 secondes pour les autres.
En choisissant whatsapp, vous contribuez à le renforcer (ça nourrit dans les deux sens) et ça y scotche des personnes qui étaient prêtes à faire le pas et à le quitter, comme on peut le voir sur de nombreuses boucles associatives, professionnelles ou familiales.
Vous vous présentez comme « indépendants » et vous confortez META… cherchez l’erreur. Ce sera sans moi.
Effectivement dommage et décevant.
Les arguments sont connus et vous savez très bien les développer. Mais comment pensez‐vous changer quoique ce soit si vous ne résistez pas ? On vous pensait différents ; vous montrez que vous êtes comme les autres …
Et que proposez‐vous comme alternative pour offrir le même service aux lecteurs qui ont quitté META et qui, eux, vont rester fidèles à ce choix ?
Confiance