Un an et demi après avoir déposé plainte en diffamation contre Antony Torzec, journaliste de Mediacités, le père Hervé Gaschignard, curé originaire de Loire-Atlantique et ancien évêque, abandonne finalement la procédure. Une décision qui interroge, alors que plusieurs familles s’apprêtaient à témoigner devant la justice de paroles et de gestes déplacés envers des enfants.
Des plaintes en diffamation déposées par des élus ou des chefs d’entreprise, Mediacités en compte un certain nombre à son encontre. Mais de la part d’un homme d’Église, c’était seulement la deuxième fois. Enfin, pas tout à fait. Lorsque le 22 décembre 2023, le père Hervé Gaschigard, curé de la paroisse de La Croix de Belledonne près de Grenoble, porte plainte, il ne vise pas directement Mediacités, mais l’un de ses journalistes (et ancien rédacteur en chef de l’édition de Nantes), Antony Torzec, ainsi que le directeur de TéléNantes, responsable de ce qui passe à l’antenne de la télévision locale nantaise.
En cause : une interview diffusée en direct le 27 octobre 2023 sur la chaine, durant laquelle le journaliste de Mediacités est interrogé sur l’enquête publiée deux semaines plus tôt dans nos colonnes. Cette dernière rapportaient les paroles et les gestes déplacés qu’aurait commis le père Hervé Gaschignard envers des enfants, d’après les témoignages de leurs familles.
Étonnamment, l’ex-évêque originaire de Nantes ne porte pas plainte contre Mediacités ni sur les éléments de cette longue enquête. C’est une seule et unique phrase, prononcée par Antony Torzec lors de cette interview télévisée qui le fait réagir. « Elles [les familles, NDLR] sont très surprises de voir un prêtre qui ne s’intéresse pas aux adultes, mais ne s’intéresse qu’aux enfants, explique alors notre journaliste. Couche également avec les enfants, tout proches. Des gestes déplacés, des paroles aussi, pendant que les filles notamment se changent. »
De nouvelles plaintes contre Mgr Gaschignard, ex‐évêque, mais toujours curé de paroisse
La plainte retirée 18 mois après son dépôt
Ces propos faisaient écho aux témoignages de familles catholiques de Loire‐Atlantique, qui avaient évoqué en interne dès 2001, des attitudes et paroles déplacées du prêtre à l’encontre des enfants, à la suite d’un pèlerinage vers Saint‐Jacques‐de‐Compostelle. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que le nom de ce prêtre, né dans une famille de notables nantais, apparaissait pour des problèmes de comportements avec des jeunes.
Les premiers signalements remontent à 2011, auprès du parquet de Toulouse (avec un classement sans suite), puis en 2017, auprès d’une congrégation (sans transmission à la justice). C’est d’ailleurs pour cette raison que monseigneur Gaschignard, ex‐évêque auxiliaire de Toulouse et évêque d’Aire et Dax, n’exerce plus aujourd’hui aucune autre charge épiscopale, ni ne participe aux rassemblements des évêques en France.
Deux mois après ce passage sur TéléNantes, l’actuel curé de la paroisse La Croix de Belledonne décide donc d’attaquer en justice le journaliste de Mediacités et le directeur de Télénantes. Comme le prévoit le droit en matière de presse, une information judiciaire est ouverte. Antony Torzec et Jérôme Poulain, le directeur de la télévision locale, sont auditionnés par un policier, devant lequel ils garderont le silence.
Jérôme Poulain n’est finalement pas mis en examen, le juge d’instruction estimant que sa responsabilité de directeur de publication ne pouvait être engagée dans le cadre de propos tenus en direct, sans différé, lors d’une interview.
Par contre, Antony Torzec est bien convoqué le 5 juin dernier lors de la première audience relais au tribunal de Nantes. Sur les conseils de l’avocat de Mediacités, il précise alors au tribunal que trois personnes présentes lors de ce pèlerinage de 2001 viendront témoigner à la barre lors du procès programmé le 6 novembre 2025. L’avocat d’Hervé Gaschignard, présent, en prend alors bonne note.
« Il s’agit à nouveau d’un signe d’une conscience bien troublée »
Coup de théâtre lors de la seconde audience relais, le 20 août dernier. Ce jour‐là, la présidente du tribunal annonce que le père Hervé Gaschignard a décidé de se désister de son action. En d’autres termes : il retire sa plainte. L’associé de son avocat présent pendant l’audience, maître Timothée Fouché, confirme l’information. « Hervé Gaschignard continue de penser qu’il y a eu diffamation, mais il souhaite passer à autre chose », explique l’avocat devant la cour.
Ce retournement soudain, 18 mois après avoir porté plainte, ne rembourse pas l’argent ni ne compense le temps dépensé pour la défense du journaliste de Mediacités. Il n’efface pas non plus le temps passé par les forces de police et la justice dans ce dossier.
Mais surtout, ce retrait de plainte est un nouveau revers infligé aux familles catholiques de Loire‐Atlantique qui ont livré leurs témoignages à Mediacités et qui étaient prêtes à le réitérer devant un tribunal. « Aurait‐il peur de nous rencontrer devant la justice et que nous dévoilions la vérité ? Pour nous, il s’agit à nouveau d’un signe d’une conscience bien troublée », nous écrit l’une d’elles.
Dans un courrier, d’autres témoins remercient Mediacités pour son travail d’investigation. « Devant le silence de l’Église institution, devant la lâcheté d’Hervé Gaschignard, vous êtes à nos côtés. Votre article a constitué une information pour les familles concernées et donc une protection, la seule qui soit mise en place aujourd’hui dans notre société. »
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