Calais : la gauche se rassemble, le RN se divise

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Par Alice GALOPIN, Léa GUYOT et Cécile LEMOINE

Pour battre la candidate sortante, la gauche calaisienne réussit à parler presque d’une seule voix... Une unité dont rêverait le RN local embourbé dans des querelles internes après l’investiture d’un ancien militaire breton

Samedi, 14 heures. La place du marché se vide, tout comme le centre‐ville de Calais. Quelques locaux commerciaux inoccupés témoignent de l’abandon du coeur de la ville au profit des grands magasins de la périphérie. Depuis les années 1960, l’économie de la cité portuaire, peuplée de 77 000 âmes, est à la peine. Marquée par l’effondrement de l’industrie de la dentelle, dont l’une des entreprises, Desseilles, vient d’être liquidée. Au deuxième trimestre 2019, près de 13 % de la population active était au chômage. Dans certains quartiers, le taux varie entre 30 et 40 %.

Les chiffres sont encore plus mauvais du côté du taux de pauvreté qui s’élève à 30,2 % (contre 14 % au niveau national). Pas terrible pour l’image de la ville déjà écornée par le traitement médiatique de l’afflux migratoire. Malgré le démantèlement de la « jungle » en mars et octobre 2016, les grillages aux marges de la ville destinés à empêcher les exilés de rejoindre les bois et les campements sauvages attestent d’une problématique persistante.

Durant ses deux mandats, la maire (LR) Natacha Bouchart, candidate à sa propre succession, a fait de la redynamisation de Calais son principal objectif. Quitte à voir les choses en grand, avec un dragon mécanique à 27 millions d’euros. L’animal, censé doper l’attractivité économique et le tourisme dans la ville, attise les critiques. « Natacha Bouchart n’a d’autres ambitions que de faire de Calais un parc d’attraction entouré de barbelés », résume cruellement Christophe Duffy, conseiller municipal Europe‐Ecologie Les Verts et membre de Respirer Calais 2020.

« Notre alliance est historique »

Respirer Calais 2020 ? Une union qui réussit l’exploit de rassembler EELV, PCF, PS, Génération.s, LFI et des cercles de citoyens « progressistes ». Soit presque toute la gauche à l’exception du conseiller municipal d’opposition Laurent Roussel. Et de Lutte Ouvrière dont le rapprochement se fait attendre. « Notre alliance est historique », s’enflamme Virginie Quenez, conseillère municipale (PCF) d’une ville qui fut un bastion communiste pendant 37 ans, de 1971 à 2008. Et ce, en vertu d’un pacte de non‐agression entre le PS et le PCF pour se répartir le bassin minier et le Calaisis. « Depuis la chute des communistes, c’était la gauche puzzle. Le PS et le PCF ne réussissaient plus à s’entendre. Aujourd’hui, on se rend compte qu’on a besoin de chacun », détaille Teddy Lauby, secrétaire de la section locale du PS.

Une alliance inédite à gauche pour déboulonner Natacha Bouchart et dépasser l’autre favori de ces élections : le RN. Depuis 2008, le parti de Marine Le Pen, encouragé par les mauvais indicateurs économiques et la peur instillée par l’arrivée de milliers d’exilés n’en finit plus de monter. Arrivé largement en tête lors de la dernière élection présidentielle (57,42% des voix au second tour), le parti d’extrême-droite a récolté 41,54% des suffrages aux élections européennes de mai 2019. Si bien que Marine Le Pen voit en Calais une ville gagnable.

Un parachuté pour le RN

Pour mener la bataille, elle y a parachuté un ancien militaire, Marc‐Alexandre de Fleurian. Un Breton de 30 ans, diplômé de Saint‐Cyr, néophyte en politique. Après avoir servi dix ans dans la légion étrangère et être parti plusieurs fois en « opex » en Afrique, il quitte l’armée en avril dernier. Deux mois plus tard, il prend sa carte au RN pour « servir [son] pays de l’intérieur » et débute une reconversion professionnelle en tant qu’assistant parlementaire du député européen André Rougé puis de Philippe Ollivier. Dans la foulée, il se voit proposer l’investiture à la mairie de Calais.

« A Calais, les gens sont déjà acquis à nos idées, il y a juste besoin de récolter les voix », confie le jeune parachuté à Mediacités. Sans surprise, le candidat compte faire de l’emploi et de l’immigration ses deux principaux axes de campagne. « On ne peut pas créer d’emplois s’il y a des migrants », résume‐t‐il.

Pour l’emporter, le RN devra convaincre les abstentionnistes (ils étaient 40 % des inscrits aux dernières élections municipales). Et surtout, faire taire les dissidents. C’est mal parti. Vexé de s’être vu refuser l’investiture, le conseiller régional Rudy Vercucque a claqué la porte du parti, suivi par deux autres candidats investis par le RN dans le Calaisis. « Marc de Fleurian est tout seul, il ne gagnera pas », assène Yohann Favière, un des proches de Rudy Vercucque, qui a lui aussi déchiré sa carte. Tous dénoncent les « magouilles internes » au parti de Marine Le Pen.

Début janvier, Rudy Vercucque, a définitivement franchi le Rubicon : il annonce la création de son propre parti et sa candidature aux municipales. De quoi brouiller un peu plus les cartes d’une possible triangulaire RN – Gauche rassemblée‐ Natacha Bouchart au soir du premier tour. A Calais, les jeux sont loin d’être faits.

Alice Galopin, Léa Guyot, Cécile Lemoine (ESJ de Lille) 

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